Review : Alt-J – This is all yours

« Tout est à vous ». Voilà ce qu’Alt-J affirme avec son nouvel album «This is All Yours. Le groupe a distillé les extraits du nouvel opus au compte-gouttes.  L’attente a été si longue que les oreilles traînent longtemps dans le premier album, An Awesome Wave, sacrée claque de 2012, mélancolique et méditative. Tellement longtemps que le choc est un peu violent à la première écoute de « This is all yours et le titre Intro.

Alt-J_-_This_Is_All_Yours


Pourtant, les Intro, le compères jouant avec les Interludes et les appellations sous forme d’actes théâtraux y sont plutôt habitués. Mais le jeu d’échos, semblable à des réverbérations dans la nuit, transporte directement vers un nouvel univers dans cette chanson quasi instrumentale.  Ces petites notes rythmées ne sont pas que jouées mais également susurrées, cette harmonie assez habituelle se change au fur et à mesure en air assez expérimental, avec des beats bien sanglants à la manière de Breton version premier album, punchy et rock. Et puis Arrival in Nara retentit aux oreilles, et là, c’est un autre monde qui s’ouvre à l’auditeur. Bien plus calme, acoustique, humain et exotique, la mélodie au piano amène aux portes du Japon, dans un jardin zen à saluer des daims, mais en secondes, la chanson se modifie totalement, talent des compositeurs anglo- saxons, pour accueillir la voix de Joe Newman au ton toujours aussi rebondissant mais l’idée étant la même : la délicatesse est de mise comme dans un poème haiku. La promenade exotique continue avec Nara. La relation avec la spiritualité est alors claire – ne disent-ils pas Hallelujah!– comme si le groupe était touché par l’atmosphère zen du temple de la région d’Osaka et aussi ses harmonies dans les prières. La rencontre avec le Japon, sans doute inspirée d’une tournée bien agitée, inspire souvent les musiciens, le trio de Leeds n’en est visiblement pas calmé mais  plus classique dans ses compositions. Vraiment?

Pourtant Every Other Freckle, avec la formule des anciens succès, balaie d’un revers de main cette pensée avec un air bien pop, des inspirations totalement hip hop, une touche électro et quelques délires psychédéliques. Les voilà de retour? Ils n’avaient jamais totalement oublié l’idée d’étonner et surtout de désarçonner leurs fans de leur musique folk. Folk qu’il faut apparemment prendre au sens premier du terme avec quelques petites touches folkloriques . Les chansons se suivent et montrent leur valeur ajoutée, Left Hand Free, mélange dansant de rock bien vintage et d’un groove assez bien mis en valeur, est sautillant et même drôle. Voilà ce qu’ils ont appris en tournée? Cette gravité sonore retrouvée mais aussi un esprit plus sauvage, limite urbain assumé font presque visiter le nord de l’Angleterre.

Angleterre il est en aussi question dans Garden of England, interlude totalement instrumental et improbable à la flûte, parfait pour Meurtre dans un jardin anglais. La plus belle façon de désorienter son auditoire? Une façon également de faire une pause, comme celles des tournées, comme celles des pièces de théâtre, ce que le groupe fait au final, c’est mettre en scène sa musique. Car après ce retour à « la maison », Choice of Kingdom sonne comme un retour au fondamental : un écho frémissant, une musique délicate, une renaissance de l’émotion dans cette chanson quasi naturaliste. Et quand les machines se réveillent avec les premieres notes d’Hunger of the Pine, le bonheur est dans les oreilles pour suivre l’évolution musicale des gars. Des machines pourtant assez éparses pour un air assez « minimaliste », apparemment nouveau mot d’ordre du groupe avec des passages hip hop pas si intéressants, et une discussion fascinante machines-voix.

Et le montage vocal, le groupe en est apparemment fan. Warm Foothills fait croire aux loopings de la voix de Joe Newmann  mais l’empreinte des talentueuses Lianne La Havas, Sivu ou Marika Hackman est bien là. Une façon de se remettre tant bien que mal de leur duo impossible, et pourtant souhaité, avec Miley Cyrus? Les trois musiciens continuent à frôler le star – système avec le name dropping dans The gospel of John Hurt. Les harmonies parfaites et le son ultra mixé amènent de la douceur et sous- entendent tout le côté surnaturel de certains rôles de l’acteur anglais. Un retour à l’acoustique est alors le bienvenue dans une guitare- voix assez intimiste : Pusher. Pousser d’un cran ses idées créatives et montrer son évolution, voilà ce que le groupe fait dans Bloodflood II. « II » est comme le second épisode d’un morceau apparu dans le premier album. Car ces côtés expérimentaux, il y en avait déjà des prémisses dans An Awesome Way, avec Kaleidoscope, Bloodflood, Taro et Hand-made. Une meilleure copie que la première version? Pas meilleure mais certainement plus construite, des moments symphoniques, une composition plus carrée mais diablement efficace comme s’ils avaient enfin le bagage nécessaire pour créer à leur bon vouloir.

Leaving Nara sonne enfin comme la fin d’un rêve pour certains ou d’une expérience certaine pour d’autres, sur des choeurs de méditation.
La conclusion s’entend dans Lovely Day, oui, lovely, c’est le mot, c’est charmant, totalement charmant, charmant de suivre les inspirations d’un groupe aux quatre coins du monde. Ces créations si différentes donnent une terrible envie de les découvrir, liées, sur scène afin de casser un peu le concept et donner vie à cette musique ciselée au poinçon.

Tracklist de This is All Yours : 

– Intro
– Arrival in Nara
– Nara
– Every Other Freckle
– Left Hand Free
– Garden of England – Interlude
– Choice Kingdom
– Hunger Of The Pine
– Warm Foothills
– The Gospel of John Hurt
– Pusher
– Bloodflood pt.II
– Leaving Nara
– Lovely Day 

Alt-J sera à Paris (Casino de Paris) le 29 septembre puis (Zénith) le février et à Londres (Alexandra Palace) le 24 septembre puis (The O2) le 24 janvier. 

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Note : 8/10

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