Teleman : « Je ne sais pas si toute notre musique est introspective … C’est un mot vide que les gens utilisent beaucoup. »

Tout juste rentrés des États-Unis, les Teleman sont de passage à Paris pour ouvrir le bal des Kaiser Chiefs au Bataclan. 

Teleman

 

La terrasse d’un café, un coca, une bière, le bassiste Peter Cattermoul, et le chanteur Thomas Sanders : nous voilà prêt à aborder le Breakfast, album sorti en juin dernier chez Moshi Moshi, et parler de leurs publics divers et variés, du caractère introspectif (ou non) de cet album, et du processus d’écriture qui se cache derrière ces paroles qui sont une véritable invitation au voyage. Politesse oblige, la première question porte sur l’état des troupes suite à leur invasion américaine.

Sound Of Brit : Comment allez-vous ?

Peter Cattermoul : Je vais bien.

Thomas Sanders : Ouais.

SOB : Juste un ouais ?

TS : J’aimerais dire awesome, mais j’essaie d’arrêter de dire ce mot parce qu’on vient juste de rentrer des États-Unis où tout le monde dit tout le temps awesome.

SOB : Et c’était comment les États-Unis ?

TS : C’était awesome (rires).

SOB : C’était votre première tournée en tête d’affiche là-bas ?

TS : Oui, c’était notre première tournée en tête d’affiche. Enfin, ça n’était pas vraiment une tournée. On a fait des showcases sur la côte Est et la côte Ouest. On a vraiment passé un bon moment. Ils étaient très accueillants.

 

SOB : J’ai cru comprendre que vous aviez hâte de jouer en tête d’affiche, pour rencontrer votre propre fanbase et jouer devant des personnes qui venaient spécialement pour vous. Vous avez pu les rencontrer pendant ces showcases ?

PC : On a rencontré des gens qui étaient fans, ce qui est très cool parce qu’on était jamais allé aux États-Unis avant. Je ne sais pas comment ils sont devenus fans. J’imagine que c’est par internet. Peut-être qu’ils écoutent la radio britannique ou un truc du genre, comme la BBC 6 music. Des fois, j’écoute moi-même des stations de radio américaine, juste pour savoir ce qu’il se passe là-bas. Peut-être que ça marche dans l’autre sens.

TS : En tout cas, il y a quelque chose de très particulier dans le fait d’aller dans un pays aussi éloigné et de rencontrer tous ces gens qui connaissent vos chansons et vos paroles. En un certain sens, c’est assez stupéfiant parce qu’on est tellement habitué à jouer notre musique pour qu’elle ait un impact de manière locale. Et quand tu réalises que c’est allé beaucoup plus loin que ça, c’est un moment vraiment spécial.

 

SOB: Il vous est arrivé de qualifier votre musique d’introspective. En conséquence de ce qualificatif, est-ce que vous attendez quelque chose de la part de votre public ? D’ailleurs, le public aux États-Unis était-il dansant ou était-ce plutôt un public statique et en pleine réflexion ?

PC : Un mélange en quelque sorte. Ils bougent sur les chansons qui ont plus de rythme, tu sais. On a des chansons plus calmes que les gens écoutent habituellement en étant plus calmes et c’est sympa.

TS : Je dirais qu’il y a différents types de publics. Certains veulent écouter quelque chose de très accrocheur auquel ils peuvent directement se rattacher. Ils ne veulent pas avoir à faire un effort pour apprécier la musique, ce qui est plutôt normal. Mais d’autres seront plus intéressés par le fait de pouvoir découvrir quelque chose de différent. Je ne sais pas si toute notre musique est introspective ou même comment ce mot pourrait être défini. C’est un mot vide que les gens utilisent beaucoup.

PC : Peut-être que l’on peut définir ça comme quelque chose qui a de la profondeur. Ce qui forcerait à plonger dans la musique plutôt que de rester à la surface de la chanson. Certaines de nos chansons ont un attrait direct, mais d’autres demandent plus de temps pour pouvoir rentrer dedans, et ne vont marcher que si le public y prête une entière attention.

 

SOB : De quelle façon ces différents types de chansons, introspectifs ou non, s’organisent-ils entre eux ? Est-ce que vous pourriez me parler de la structure, de l’ordre des chansons sur l’album ?

TS : Je pense que ça vaut toujours la peine de prendre en considération le flux dans l’expérience de l’écoute d’un album, même s’il faut garder en tête que la plupart des gens vont sûrement écouter ces chansons à partir d’une playlist ou en shuffle. Mais c’est toujours agréable. Dans un certain sens, c’est même un art en soi de réussir à trouver un ordre génial. Ça peut complètement changer l’expérience d’un album de trouver l’ordre parfait des chansons. En fait, ça n’est pas nécessairement un ordre parfait : il y a simplement certaines suites qui marchent et d’autres vraiment pas.

PC : Dans la réalisation de l’album, on écoute les chansons dans pleins d’ordres différents. Alors qu’une personne qui achète l’album ne l’écoutera que dans un seul ordre, à moins de l’avoir mis en mode shuffle. Et quand on fait des concerts, on les joue aussi dans un ordre différent.

TS : Je pense que quand tu arrives à connaître et aimer un album, et qu’il devient en quelque sorte un ami, au dernières notes de la chanson, tu anticipes ce qui va suivre. Et c’est vraiment une expérience agréable. Ça m’arrive avec quelques albums, surtout des albums des Beatles. Je les connais d’une façon si intime que lorsqu’une chanson commence à finir, je sais ce qui suit et soit ça m’enthousiasme, soit je la passe.

SOB : Sur Breakfast, qui a eu sa part de décision sur l’ordre des titres ? Le label, le producteur Butler?

TS : Notre label voulait vraiment s’investir, et on s’est tous mis d’accord sur quelque chose qui marche plutôt bien ici.

 

 

SOB : L’art visuel a l’air d’être très important pour votre groupe, notamment vos vidéos comme celle que vous avez faite pour la chanson Cristina. Concernant ce clip, vous aviez déjà expliqué le concept visuel derrière et votre volonté de faire quelque chose de très simple, comme une sorte d’anti-vidéo. Mais qu’en est-il de votre dernière vidéo pour Mainline?

TS : Eh bien j’imagine que nos vidéos changent. On explore différentes choses et différents styles. Mainline contient des éléments de rôles joués et des éléments plus abstraits. Jonny est sûrement la meilleure personne à qui demander ça puisqu’il en est le directeur. Malheureusement, il n’est pas ici. Mais oui, c’était des rôles où nous étions habillés en femme. Et puis, il y a toutes ces choses qui sont écrasées et pressées. C’est comme une tension sur le point d’éclater. C’est sûrement quelque chose que Jonny a ressenti dans la musique, une espèce de tension ou de pouvoir. C’était la vidéo la plus drôle à réaliser. Elle a été faite en une journée.

 

SOB : Toujours en rapport avec l’aspect visuel, est-ce qu’il y a des lieux où vous préférez jouer ? D’ailleurs, je vous ai vu au Live at Leeds, et je m’étais dit que 23 Floors Up aurait peut-être eu plus d’effet si vous aviez joué dans l’église.

TS : A propos de ce que tu dis sur 23 Floors Up, je pense qu’il y a certaines chansons qui correspondent mieux à certains environnements, parce que nous avons un panel assez large de dynamiques dans nos chansons. C’est difficile de dire que notre groupe marcherait bien dans une église. Certaines chansons seraient très puissantes dans ce genre d’environnement, mais d’autres n’y seraient pas à leur place. D’autres seraient sûrement plus adaptées à une petite chambre noire crasseuse dans une cave (rires). Plus généralement, je pense qu’on préfère les salles moins conventionnelles, qui sont toujours plus intéressantes. Je pense qu’on préfère les salles plus petites aussi. Quand ça devient trop grand, tout a l’air de se perdre, tu sais. Ça devient un peu impersonnel.

PC : J’aime bien jouer dans les grandes salles. Pour en revenir à l’église, quand tu joues dedans, il y a généralement un haut plafond, et donc beaucoup de réverbérations ; et ça, ça ne ne fonctionne qu’avec quelques chansons, mais pas toutes.

TS : J’ai vu Kurt Vile dans une église récemment, et on ne pouvait rien entendre. Tout le monde était très excité. Et quand il a commencé à jouer, après deux chansons, je suis parti, parce que l’expérience n’avait vraiment aucun intérêt et c’était très frustrant. On n’entendait vraiment rien, à part pleins de reverbs.

PC : Les églises ne sont pas conçues pour la musique guitare-rock, pour ton information Kurt Vile (rires).

TS : Les gens continuent malgré tout à aimer faire des concerts dans des églises.

PC : Et à aimer la musique de Kurt Vile !

 

 

SOB : Tu décris ton écriture comme étant spontanée, un peu comme un super pouvoir, est-ce que ce processus en a toujours été ainsi pour toi ? Peux-tu me parler de ton processus d’écriture ?

TS : Eh bien, je trouve que le processus d’écriture est un processus complètement mystique. C’est une chose très étrange, parce qu’il n’y a que quelques notes sur la gamme musicale occidentale si tu regardes un piano. Il n’y a pas beaucoup d’accords sur une guitare que tu peux jouer. Mais malgré tout, tellement de différentes chansons en sortent, et tellement de chansons ont été écrites ce dernier siècle, et il y a toujours des nouvelles chansons, et elles sont toujours originales. A certains moments, l’écriture me paraît être la chose la plus simple au monde. Parfois, la chanson s’écrit d’elle-même, et d’autres fois, je peux passer un an et demi à essayer de continuer une chanson. J’en aurais déjà fait 30 %, mais je n’arriverais juste pas à trouver la suite. A la fin, j’y arrive toujours, je trouve toujours le reste. Quelque fois, ça peut me prendre tellement de temps parce que j’attends vraiment que la chanson me parle, qu’elle me dise où elle va et ce qu’elle veut faire. Je ne veux pas la forcer à aller dans une direction bizarre.

SOB : A quel âge as-tu commencé à écrire ? 

TS : Je devais sûrement avoir 10 ans.

SOB : C’est assez jeune ! Est-ce que tes parents t’y ont poussé ?

TS : Non, non. Il y avait toujours un piano à la maison, et j’y jouais tout le temps. J’ai assez vite appris des accords très simples, et j’ai fini par adorer écrire des chansons. Quand j’étais un tout petit garçon, j’écrivais des chansons vraiment bêtes, sur les animaux, les voitures, et d’autres choses du genre. J’ai toujours adoré les chansons et les mélodies.

Rappelons-le, les Teleman étaient ce soir-là à Paris, pour assurer la première partie des Kaiser Chiefs au Bataclan. Une combinaison d’affiche assez surprenante qui nous amène donc à leur demander comment elle est arrivée.

TS : Ils nous ont personnellement choisis. Je crois qu’ils sont fans de ce que l’on fait depuis un moment déjà !

Il ne lui reste plus que 15 minutes avant de devoir fouler la scène du Bataclan. Peter Cattermoul part le premier. Thomas Sanders finit poliment sa bière et s’en va rapidement. Ils finiront des bières tout aussi poliment pendant leur prochaine tournée en tête d’affiche en Grande-Bretagne à partir du 17 d’octobre. Mais c’est avec hâte que l’on attend leur prochaine Teleportation en France.

 

En  attendant, vous pouvez aller jeter un coup d’œil à notre chronique et à notre galerie photo du concert de Teleman au Bataclan.

 

No Comments

Post A Comment