Interview : The Staves

Elles sont trois, des reines de l’harmonie amoureuses de folk. Rencontre avec The Staves ou la réunion de 3 sœurs on ne peut plus complémentaires.

 

Présentez-vous pour ceux qui ne vous connaissent pas encore ?

Emily : Je m’appelle Emily. Voici Jessica, l’aînée, moi je suis au milieu…

Camilla : Et je suis Camilla, la petite dernière.

Jessica : Le petit bébé.

Les trois : Et nous sommes The Staves, youhou !

Emily : Nous venons de Watford, ville de la banlieue londonienne. Nous sommes sœurs depuis que cela a été rendu possible (rires). Je vais les avoir sur le dos toute ma vie. Sinon, nous avons commencé à jouer de la musique ensemble il y a environ dix ans, en jouant dans un pub local de Watford, The Horns – un endroit très cool soit dit en passant. Mais avant cela, on chantait à la maison où nos parents écoutaient entre autres, les Beatles.

 

The Staves en concert aux chalets des îles à Paris le 6 novembre 2014

 

Comment avez-vous grandi en tant que sœurs ?

Jessica : Ce fut un combat de tous les jours (rires). J’ai profité de jours magnifiques, seule, pendant des années. Et puis j’ai dû partager mes jouets, et ce fut dur oui.

Emily : On a passé de bons moments enfants, on a toujours eu beaucoup d’affection l’une pour l’autre. On s’est beaucoup amusées, on s’adonnait à des vrais jeux de chipie. Et on regardait beaucoup la télé aussi, du coup nos parents débranchaien la prise, et je la rebranchait dans le dos, ils ont donc fini par enlever le câble et j’étais genre ‘nooooon’. On connaissait des répliques de shows télé par-cœur, on écrivait des sketchs bizarres pour des comédies du genre Monty Python, parce qu’on adorait ça, et qu’on performait devant nos parents.

Camilla : A dire vrai, je ne comprenais pas tout ce qui se passait, mais je trouvais ça hilarant. Sans que ce soit aussi bon que ce que proposaient les vrais. On aurait dû être des comédiennes.

Emily : On s’est beaucoup amusées oui. Nos parents n’ont jamais tenté de créer quelque chose, de nous dire ‘vous devriez chanter ensemble’, ils étaient juste heureux de nous voir vivre, aller à l’école, voler de nos propres ailes… D’ailleurs on a tous été à l’école normalement, puis à l’université – pas ensemble. Mais oui, je pense qu’il y a toujours une connexion entre nous au niveau de la musique. On a mis du temps à le matérialiser. L’une de nous est partie pour ses études, à Manchester, et lorsqu’elle revenait à la maison pour les vacances, on se cherchait des trucs à faire, comme chanter ensemble, dans un pub ou autre. Et puis c’est devenu quelque chose de naturel, évident. Mais à aucun moment on s’est dit, soyons les Jonas Brothers,

 

Etes-vous toujours attachées à Watford ?

Emily : Oui, on vit toutes à Watford. Avec Camilla, on vit avec notre mère et son boyfriend.

Camilla : Je crois d’ailleurs que pour beaucoup de gens, vivant près de grandes villes comme Londres, ça fait plus cool de dire qu’on vient de la ville. Et en même temps, Watford n’est qu’à vingt minutes de Londres et on y a souvent passé du temps.

Emily : Mais ça ne ressemble en rien à Londres (rires).

Camilla : J’ai le sentiment que ces villes sont un peu du genre opprimées, parce qu’elles ne seraient pas cool et ce n’est pas là qu’on y trouverait quelque chose faisant le buzz. Mais nos amis sont là, notre famille.

 

Jessica, tu as vécu à Londres en revanche. C’était compliqué ?

Jessica : Non pas vraiment. Mais j’ai dû bouger et revenir à la maison suite à des circonstances…

Emily : Ce qui était fou, c’était de se dire que, lorsque tu tournes autant, tu peux passer une semaine à la maison sur quatre mois, et tu te dis, pourquoi je vivrais à Londres en payant un loyer dans la ville la plus chère du monde, alors que tu l’auras à moitié prix ici et qu’en plus t’y es peu présente. Lorsqu’on a bossé sur notre musique, c’était dans la maison de notre mère. On était gagnante.

Camille : Ouais, comme tu dis.

 

Vous avez une musique basée sur vos voix, lesquelles sont la clé de l’harmonie. Etait-ce évident pour vous de mettre autant en avant les voix, au détriment des instruments comme un groupe classique ?

 

Emily : On n’a pas débuté en tant que groupe. On chantait juste ensemble, puis on a appris à toucher quelques instruments tels que la guitare. C’est une approche différente de celle où telle est guitariste, l’autre batteur etc.

Camille : Au-delà des paroles, on s’est dit que nos voix avaient un potentiel, et qu’on devait les utiliser autant que possible. On s’est rendu compte que l’utilisation d’une voix en terme de construction mélodique, pouvait être aussi forte que la musique en elle-même.

Jessica : A tel point qu’avant d’enregistrer, on chantait les parties de guitare ou de cordes.

 

 

Comment travaillez-vous, en tant que sœurs ?

Emily : Pour sûr, ça aide. On est toujours restées proches.

Jessica : On partage aussi une histoire, des références musicales, de goûts. Et ça aide énormément.

Camilla : Je dirais qu’il y a aussi un côté instinctif. On n’a pas besoin… C’est un peu comme si vous respiriez ensemble, il y a une forme d’harmonie qui se crée tout simplement. Entre nous, les choses sont plus instinctives, plus dynamiques, et comme on se connaît comme personne… Lorsque vous créez un groupe, vous devez apprendre à devenir une famille en quelque sorte. Et nous sommes déjà une famille. Donc nous n’avons pas eu besoin de passer par cette étape de groupe.

Jessica : C’est beau de se dire qu’on a vécu chaque jour de notre vie ensemble, et qu’aujourd’hui, on tourne ensemble, on écrit des chansons ensemble…

Camilla : … passer sept heures d’affilée dans la même chambre. On finit par apprendre à comment ne pas se saouler. Et en même temps, on sait aussi comment faire chier l’autre (rires).

 

Qu’est-ce qui a changé avec If I Was, votre deuxième album ?

Emily : Tout. Notre vie a changé, on a tourné pendant deux ans, voire quoi, trois ans depuis notre premier album. Ca changé notre vie, ce que nous sommes. On a expérimenté beaucoup de choses, voyagé, écouté beaucoup de musique et de nouveaux groupes. On a été beaucoup occupées pendant tout ce temps, au point de ne pas pouvoir écrire. On avait donc besoin de prendre un peu l’air, de distance. Le premier album, nous le voulions très organique, vrai et vivant. Le deuxième, on le voulait plus dingue, pousser les chansons aussi loin qu’on le pouvait, et voir ce qui se passe. On a aussi eu la chanson d’avoir la liberté de créer, d’être dans un espace pour cela, avec des musiciens, des gens pour nous encourage. On s’est sentie excitées et libérées en même temps, et on a pris du plaisir.

Camilla : A mon sens, cet album est assuré. Et on s’est plus amusée avec les sons, les textures.

 

 

Allez, jouons un peu avec le titre de votre album, If I Was (Si j’étais). Si j’étais une chanson ?

Jessica : Si j’étais une chanson, je serais Ready Night House par Joni Mitchell (elle chantonne).

Camilla : Je pourrais être une chanson de Jeff Buckley extraite de son deuxième album, Sketches for My Sweetheart The Drunk, Morning Theft. C’est exactement ce que j’aime, des sons simples en apparence, mais au fond très complexes lorsqu’on se rapproche. Et puis les paroles sont très belles.

Emily : Je crois que je serais Highway To Hell (rires). En vrai, je suis plus proche de Here, There and Everywhere des Beatles. Je me souviens encore écouter cette chanson alors que j’avais 9 ans, et pleurer encore et encore tellement j’aimais ce titre.

Camilla : Tu aurais aussi pu être Rosanna de Toto.

Emily : Oui, pas faux.

 

Si j’étais une actrice ?

Jessica : Si j’étais une comédienne je dirais…

Emily : Je sais ce que tu vas dire : Cate Blanchett ?

Jessica : Non. Dame Judi Dench. Mais ça serait arrogant de ma part de dire ça.

Emily : Juste, est-ce que c’est celle qu’on aimerait être dans nos rêves, ou celle que l’on pense être ?

 

Si j’étais… celle que vous aimeriez être, un fantasme.

Jessica : Ouais, donc Judi Dench.

Emily : (elle hésite)

Camilla : L’heure tourne Emily… Tu ne serais pas Julie Walters ?

Emily : Non je dirais Cate Blanchett. Elle est toujours hypnotisante à l’écran. Mais en second, je serais Angela Lansbury.

Camilla : (elle hésite à son tour et réfléchit)

Jessica : Kathy Bates ? Ou peut-être Emma Watson ?

Camilla : Tais-toi !

Emily : Dis Nicolas Cage

Camilla : Mais ce n’est pas une actrice (rires). Il est très polyvalent.

 

Oh je suis sûr qu’il pourrait très bien le faire… 

Camilla : (rires) Oui, il a déjà des yeux très féminins. Je dirais Helen Mirren, parce qu’elle est fantastique, gracieuse, magnifique.

 

On pourrait encore en faire beaucoup. Mais si on poursuit dans vos goûts, vous avez travaillées avec Tom Jones à plusieurs reprises. Ce genre d’artistes fait-il partie de vos références ?

Emily : Certainement, on était de grands fans bien avant d’avoir son appel. En termes de génie vocal, il est l’un des plus grands. Pour couronner, notre mère est galloise, comme lui. Elle était donc folle. Son album sur lequel on a collaboré avec lui est quelque chose de plus blues qui plus est, et c’était produit par Ethan Jones (qui a aussi produit notre premier album) alors qu’au fond, on fait des choses très différentes de Tom Jones.

Camilla : Je crois que c’est difficile de ne pas être inspiré par ce genre de gars, notamment pour ces prestations live, l’énergie qu’il met sur scène.

 

Parlant de live, vous avez fait une headline à Glastonbury… avec Mumford & Sons.

Jessica : Yeaaah (heureuse de voir qu’on l’avait aussi remarqué).

Camilla : C’était dingue. On jouait chaque jours à Glastonbury, on faisait des interviews lorsqu’on a eu un des gars de M&S qui nous a interpellé pour savoir si on voulait venir avec eux sur scène, jouer un titre avec d’autres artistes. On s’est retrouvées dans la dressing room avec des groupes comme Vampire Weekend ou les Vaccines, et on se disait qu’on avait quelques unes de leurs chansons comme ça par le passé, et que là on allait jouer avec eux sur scène… mais dans quel monde vit-on !

Jessica : On avait l’habitude de jouer cette chanson dans notre cuisine avec notre mère, c’est te dire.

Camilla : C’est un rêve devenu réalité. Sur scène, on n’avait jamais vu autant de gens devant nous, à perte de vue. On a pris beaucoup de plaisir.

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