Interview : Bloc Party

Rencontre avec l’âme et la tête pensante de Bloc Party, son leader Kele Okereke, à l’occasion de la sortie dans les bacs d’Hymns.

Pourquoi avoir choisi Hymns pour titre d’album ?

A la base, j’aimais beaucoup l’allure que l’album pour avoir avec ce titre. Je me souviens avoir dit à Russell (Lissack) qu’en lettre capitale, ça donnait de la valeur, graphiquement parlant. Ensuite, je me suis posé cette question : si on appelle cet album Hymns, qu’est-ce que cela veut dire, en quoi ça peut dicter la musique que l’on a fait. C’est étrange à vrai dire parce que je ne songe pas au titre en premier lieu, mais plutôt à faire la musique d’abord.

Cet album, en plus d’être aussi électro, sonne plus soul et calme que les précédents opus. Il y a une explication à ce nouvel angle ?

Ca s’explique déjà peut-être par le fait que j’ai maintenant 34 ans et plus les 22 ans de nos débuts. Lorsqu’on a débuté, c’était beaucoup basé sur l’énergie, des performances plus agressives, se faire entendre le plus possible. Nos attitudes ont changé au fil des années. Les gens me demandent beaucoup pourquoi avoir changé, mais en tant qu’artiste, on a aussi envie d’explorer de nouvelles formes de musique et faire quelque chose de différent. Dans ma vie de tous les jours, je ne vais plus voir des concerts de rock. Maintenant les endroits où je trouve une vraie forme de connexion avec la musique, ce sont les clubs. Quand vous écoutez de la musique électronique, à mon sens, vous vivez plus de choses différentes, vous avez tellement d’autres textures, des atmosphères. J’ai voulu que ce cinquième album ait aussi de tout cela.

A la première écoute, Hymns semblait également plus coloré. Il y a des musiques qui t’avaient influencé plus que d’autres au moment d’écrire et de composer cet album.

Je n’écoutais pas plus de musique que ça, et à dire vrai, j’étais plutôt dans une forme d’exil. Je ne lisais pas, je ne m’informais que très peu pendant l’enregistrement d’autant que c’était dans une période d’élections en Grande-Bretagne à ce moment-là, avec toute la propagande et la manipulation médiatique qu’il peut y avoir. Et je ne voulais pas être manipulé ou quoi, pour pouvoir réfléchir sur ma musique. Mais de ce que j’écoutais alors, il y a pas mal de gospels, de black music un peu spirituelle, les Talk Talk et notamment Spirit of Eden, beaucoup de Jon Hopkins également, Song in the Key of Life de Stevie Wonder. Je voulais que cet album soit éclectique, un peu néo funk. Donc j’écoutais aussi du Al Green, des Beatles, Fleetwood Mac.

The Love Within est probablement le morceau le plus électronique que Bloc Party ait fait, et en même un titre comme Fortress sonne beaucoup The xx.

C’est amusant pour The Love Within, parce que c’est venu de Russell, de sa manière de jouer de la guitare, d’utiliser les rythmes. Et je me suis dit qu’on pourrait aussi bien le voir sur un clavier façon DJ, et que ça pourrait être cool. Quant à The xx, je n’ai jamais écouté un album, mais je sais que les gens aiment beaucoup, j’ai déjà dû attendre quelques titres par ci par là.

J’ai particulièrement aimé The Good News, un titre à l’image de l’architecture d’Hymns…

Juste avant d’enregistrer l’album, j’écoutais pas mal de trucs spirituels. Et un des trucs que j’ai fais lorsque je suis retourné chez mes parents, ce fut de me replonger dans un livre qui s’appelle The Hymn Book, que j’utilisais lorsque j’étais en primaire, et qui contient beaucoup de chansons. C’est un retour en arrière pour me demander pourquoi je faisais cet album, quel était l’objectif, pourquoi j’avais ressenti une lassitude, qu’est-ce que je devais faire. Et The Good News, c’est un vrai hymne pour moi. L’histoire d’un personnage qui arrive au bout et qui demande de l’aide, de la force, à une puissance divine – soit une thématique précise qui revient souvent dans des ouvrages comme The Hymn Book – et au final, cela donne quelque chose qui relève de la célébration.

Comment le groupe a réagi aux départs consécutifs de Matt Tong et surtout de George Moake, ce qui a provoqué deux nouvelles arrivées ?

On fait une grande fête (dit-il d’un air sarcastique avant de rire). En ce qui concerne Matt, c’était un choc parce que c’est arrivé en plein milieu d’une tournée, et on ne savait pas comment on allait faire. Mais à vrai dire, après son départ, les ondes étaient meilleures et bien mieux que s’il était resté. J’adore faire partie d’un groupe, rechercher l’alchimie pour le meilleur, et c’est pour cela que Gordon a demandé à partir.

Si on devait inverser les rôles, que tu passerais producteur, quel genre d’artiste irais-tu chapeauter ?

Je pense que j’irais chercher quelqu’un de nouveau, quelqu’un qui se cherche encore, de l’aider à trouver un son, voir émerger une forme de relation. Mais je n’ai pas encore pensé à tout ça, mais si cela arrive, produire un nouveau truc serait cool.

Ta dernière découverte musicale ?

Je dirais Elliott Smith. Je l’ai vraiment découvert au travers d’un documentaire. Je connaissais un peu, mais je n’avais jamais vraiment écouté. Il m’a indéniablement éclairé sur l’artiste qu’il était, sa manière de créer, discuter, mettre de l’ordre, même après sa mort, ce qu’il a laissé comme héritage.

Tu as grandi à Londres, également en tant qu’artiste. C’est une ville qui t’a beaucoup influencé ?

Elle m’a appris une attitude qu’on a eue dès nos débuts, que j’ai encore aujourd’hui et qui vient assurément du fait de grandir dans une grande ville, c’est-à-dire de se mélanger à d’autres gens, ne pas être effrayé par de nouvelles personnes, des choses nouvelles, voir le meilleur dans chacun.

On t’a aussi vu en solo. En 2014, tu publiais un deuxième album, Trick. Est-ce que c’est quelque chose que tu vas refaire, ou c’était juste pour le fun, se retrouver ?

J’ai réalisé, après avoir fait mon premier album solo The Boxer en 2010, qu’en fait j’avais adoré cette expérience, le fait de produire et de faire une musique qui n’était connectée en rien à Bloc Party. Donc j’imagine qu’il y aura encore d’autres productions en solo dans le futur.

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