Interview avec Tom Chaplin, le leader de Keane

On a rencontré Tom Chaplin, le leader de Keane, à l’occasion de son passage dans les studios d’RTL2, pour qu’il nous en dise un peu plus sur son retrait de la scène et sur son premier album solo, The Wave.

Quand as-tu décidé de débuter une carrière solo ?

Je ne sais pas vraiment. Les gens me le demandaient tout le temps, car auparavant c’était Tim qui écrivait les paroles, moi qui les chantait. On me demandait « Tom, as-tu prévu de sortir ton propre album et d’en écrire les paroles ? » On a commencé à me le demander dès que nous avons rencontré du succès avec Keane, il y a treize ans. Tim était un auteur si talentueux que j’ai longtemps renié et sous-estimé ma propre créativité, mais la créativité grandit, elle veut se faire entendre (rires). En 2013, quand on a sorti le best-of, j’ai ressenti le besoin de faire autre chose et de m’éloigner du groupe, de donner une voix à ma propre créativité. J’ai commencé à écrire vers 2013-2014.

Qui a travaillé sur le nouvel album avec toi ? Est-ce que les autres membres du groupe t’ont donné un coup de main ?

Le but était de s’éloigner de Keane, de faire quelque chose d’entièrement différent. J’ai effectivement travaillé sur une des chansons avec Tim pendant un moment, quand j’essayais encore de trouver qui je voulais comme producteur sur l’album. On a fait du bon travail sur le morceau mais ça ne me paraissait pas bien que Tim produise l’album. Je n’ai pas tellement vu les autres membres de Keane pendant la production de The Wave, mais ce qui est génial, quand on crée un album solo, c’est que l’on a l’opportunité de travailler avec beaucoup de nouvelles personnes, de voir comment elles écrivent, produisent, pensent, jouent de leur instrument… J’ai travaillé avec au moins dix musiciens différents sur la totalité du processus de production et je me suis éclaté avec chacun d’entre eux, c’était très amusant.

Comment ont réagi tes proches quand ils ont su que tu voulais faire un album solo ?

Je pense qu’ils étaient très contents pour moi, et impatients, en particulier ma femme. Je pense qu’elle a vu dans ce projet un moyen pour moi de m’engager dans quelque chose. Le problème, et j’en ai beaucoup parlé, c’est que j’ai commencé à travailler très rapidement et à écrire quelques chansons, mais mon addiction a refait surface pour ensuite prendre complètement le contrôle de ma vie.

En 2014, je suis devenu de moins en moins créatif, je me suis détruit, donc je pense qu’à la fin de l’année, mes proches ne se posaient pas la question de savoir si je faisais de la musique ou non, mais plutôt de savoir si je serais toujours vivant la prochaine fois qu’ils me verraient. Evidemment, l’année qui a suivi a été complètement différente. Je me suis soigné, la musique a recommencé à s’échapper de moi et je pense que mon entourage était très content, ce qui est adorable.

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À quel moment as-tu décidé qu’il était temps de retourner en studio ?

Ma dernière prise de drogue date de début 2015, en janvier. Les mois qui ont suivi, je n’avais pas d’intérêt pour grand chose. Je savais que je ne pouvais pas revenir à mes vieilles habitudes, ou même si elles fonctionneraient toujours pour moi, non pas qu’elles aient jamais marché mais sait-on jamais. Je suis resté dans cet espèce de no man’s land où je savais que je ne pouvais pas replonger dans la drogue, et où j’observais le monde sans m’y sentir connecté, je me suis chimiquement détruit. Il est difficile d’apprécier quelque chose de nouveau après en avoir pris aussi longtemps. Cela m’a pris du temps de me reconnecter avec la musique.

Je me souviens du gars qui me parrainait à l’époque et m’aidait à traverser cette période. Je lui ai dit que je ne voulais pas retourner en studio, que la musique ne m’intéressait plus et il m’a répondu « retourne juste au studio, assis-toi là pendant cinq minutes, joue de la guitare, joue du piano, fais quelque chose, vois comment tu te sens. » J’étais genre « ouais okay, peu importe, je vais essayer. »

Quand je me suis assis là-bas, je me suis dit « ça peut être bien, c’est ce que j’aime faire. » Je dois avoir l’air pragmatique à propos de ces choses, genre « continue à vivre », mais une fois requinqué je me suis senti plein d’energie, tout ces efforts et cette energie que je plaçais dans mon addiction massive qui prenait tant de place dans ma vie, j’ai soudainement été capable de les rediriger vers un travail créatif et positif et je me disais « Woah, qu’est-ce que je suis en train de faire ? » C’était très excitant.

Tu as récemment donné une interview au journal The Telegraph. Quand je l’ai lue, je me suis demandée si, lorsque tu parles de ton addiction de façon si ouverte, cela t’aide comme quand tu écris des chansons, d’une façon thérapeutique ? C’est très personnel.

C’est vrai ! Les gens me le disent souvent et je ne trouve pas que ce soit bizarre ou particulier, mais je comprends ce que tu veux dire. Les gens me disent « woah, c’est super personnel ce que tu racontes. » Le truc, c’est que je me suis rendu compte que c’est de ce que je ressens en ce moment, que je suis beaucoup plus heureux en me confiant, que le fait de m’ouvrir en tant qu’être humain et de partager mes soucis rend ma vie beaucoup plus supportable. J’ai parlé à mon psychiatre de toutes les parties les plus sombres de mon âme, en détails, des choses dont j’ai honte, des choses qui me rendent triste, des regrets que je peux avoir, des choses dont je me sens coupable.

Ce dont je me suis rendu compte, c’est qu’une fois que je parlais de toutes ces choses, ce bloc solide qui était coincé à l’intérieur de moi s’est juste évaporé et je me suis dit que c’était une bonne chose. Beaucoup de gens pensent qu’il faut gérer ses problèmes en les gardant pour soi, en les réprimant et en les mettant de côté. Je pense que ce n’est pas comme ça que cela fonctionne. Le meilleur moyen, c’est de tout laisser sortir et c’est ce que je fais quand je donne des interviews et je me fiche du jugement des gens.

J’ai reçu des messages adorables, de personnes disant des choses comme « moi/un membre de ma famille a eu un problème de santé, a souffert d’addiction, a traversé une période difficile, et cela m’a fait du bien de voir à quel point tu étais ouvert et vulnérable sur ton album, parce que ça m’a encouragé/a encouragé un de mes proches à faire de même. » Entendre ce genre de retours était la meilleure chose que je puisse espérer. Je continue donc sur ma lancée (rires). C’est ce que je suis, ce que j’ai fait, cacher ces choses ne m’a pas aidé donc je tente une autre approche, l’approche inverse.

De plus, je pense que pour produire quelque chose de bon, d’un point de vue créatif, tu dois faire preuve d’honnêteté.  Certains sont capables de mettre cette honnêteté de côté et de se transcender quand même. Un compositeur se doit d’écrire des chansons personnelles et sincères. Je voulais atteindre le niveau supérieur, donner un contexte à l’album, pour que les gens comprennent pourquoi j’ai écrit ces chansons, et d’où elles viennent.

Si tu recommences à tourner avec Keane, est-ce que tu comptes écrire tes propres chansons ?

Je ne sais pas ce que le futur me reserve, concernant Keane. Il m’est difficile d’imaginer que les choses pourraient rester telles quelles, avec Tim qui écrit les chansons et moi qui les chante. Comme je suis une personne différente maintenant, je pense que je voudrais m’investir davantage sans la création. Je suis divisé entre deux options : d’un côté, je pense que Tim serait partant pour que l’on recommence à travailler avec le groupe. Il m’a fait des retours vraiment sympas sur mon album, il m’a envoyé des messages adorables, c’était super. J’ai cette possibilité. D’un autre côté, il reste une partie de moi qui se demande si c’est ce que je veux faire désormais, être un artiste solo, continuer de faire ça. Je ne sais pas comment je me sentirai dans six mois, dans un an, et je préfère ne pas y penser. Ce sera la surprise.

Est-ce que tu joues d’un instrument sur l’album ?

J’ai joué de la guitare, du clavier, et je chante, en plus de la voix principale évidemment. A la fin de l’album, il y a beaucoup de chants type Gospel. Je voulais donner l’impression que plein de gens chantaient la même chose en même temps, donner une idée de relationnel. Beaucoup de chansons sont basées sur le thème de la connexion avec les autres, donc je voulais que l’idée de plusieurs personnes chantant ensemble, comme une congregation ou une chorale d’église, se fraye un chemin parmi mes morceaux.

Du coup, des chansons comme « See it so clear », « The wave», « Bring the rain » « Hold on to our love », ont toutes ces choeurs dedans. J’ai beaucoup contribué à chanter ces différentes voix moi-même, je me mettais dans la peau d’un autre, je me disais par exemple « aujourd’hui je suis Marjorie » et je chantais d’une voix haut perchée. J’essayais d’incarner des personnes différentes et c’était vraiment amusant. J’ai laissé la guitare et les parties difficiles au piano et au clavier à d’autres (rires). Oh, et la batterie aussi. Ce ne sont pas mes points forts. On peut dire que du coup, j’ai fait quelques brèves apparences sur mon propre album. (rires).

English version here.

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tom chaplin

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