Le triomphe de Loyle Carner au Badaboum

Depuis son passage très remarqué au Pitchfork Avant-Garde et la sortie de son premier album Yesterday’s Gone, Loyle Carner n’en finit plus de faire parler de lui. On s’est incrustés à son concert au Badaboum vendredi dernier et il a fait chaud…

Véritable phénomène débarqué du sud de Londres, Loyle Carner (de son vrai nom Benjamin Coyle-Larner) souffle comme un vent de fraicheur sur la scène rap et hip hop actuelle où le grime domine. L’engouement autour du jeune homme n’a cessé de s’intensifier au cours de ces derniers mois, notamment après la sortie de son album Yesterday’s Gone, unanimement salué par la critique (vous pouvez retrouver la nôtre ici). Il n’est donc pas étonnant que son concert parisien a affiché complet plusieurs semaines avant le jour-J, les tickets restant s’arrachant sur les sites de revendeurs.

Sur les coups de 20h30, le rappeur Barney Artist fait irruption sur la scène du Badaboum, sa mission : échauffer une foule déjà impatiente. Ami proche de Loyle Carner, le MC est comme chez lui, il fait le show et arrive à se mettre le public dans la poche. Comme une boule d’énergie, il balance son flow sur les beats joués par son DJ et fait naître des sourires sur les visages dans l’audience. Après une quarantaine de minutes, ayant rempli sa partie du contrat, Barney nous laisse en compagnie de son acolyte qui continue à animer l’entre-sets avec des sons hip-hop old school. Une bonne façon de faire patienter la salle même si l’attente finit tout de même à se faire sentir.

Enfin les premières notes de The Isle Of Arran résonnent dans la salle et le DJ, rappeur et grand pote de Loyle, Rebel Kleff qui prend ses marques, suivi de près de la tête d’affiche de la soirée. Le morceau, qui sert également d’ouverture à l’album, donne le ton pour la suite. Entre des refrains gospels, Loyle Carner pose ses mots; le texte est très personnel, abordant le sujet tabou de la religion et son rapport à la foi. C’est là l’un des gros points forts du rappeur londonien : il est franc, honnête, il ne triche pas.

Le jeune homme nous happe, il crée un véritable moment de partage, nous emporte dans son univers, dans sa vie. Jusqu’à son set-up, composé de lampes de chevet ainsi que d’une petite étagère sur laquelle repose ses vinyles favoris et des photos de ses proches, Loyle installe une intimité entre lui et son public. Entre deux morceaux il lève la voix pour dénoncer le Brexit, son envie d’être européen et son ras-le-bol face aux dirigeants de son pays. Il passe également une dédicace à son partenaire de crime de toujours, Tom Misch, avec qui il a écrit Damselfly. C’est d’ailleurs sous les exclamations enthousiastes des fans que les riffs et la voix de l’anglais se font entendre, instaurant une atmosphère chill et cosy.

Mais ce qui compte le plus pour Loyle Carner, c’est sa famille. Elle l’inspire et est la raison pour laquelle il fait de la musique. Il introduit Florence, une chanson qu’il a écrit pour sa mère et la petite sœur qu’il n’a jamais eu. Puis dans le combo BFG/Tierney Terrace il aborde à cœur ouvert le décès de son beau-père et la perte de repères entraînée par la disparition de ce modèle masculin. « Everybody says I’m fucking sad / Of course I’m fucking sad / I miss my fucking dad » ça sonne juste, ça touche. Loyle est comme un alchimiste, sachant parfaitement doser les émotions qu’il provoque dans le public, passant de la mélancolie à l’allégresse en quelques beats.

 

Une heure de concert s’est déjà écoulée et on sent que la fin est proche lorsque Rebel Kleff quitte son ordinateur et ses platines pour rejoindre Loyle et entamer son single NO CD. La foule chante, crie les paroles et le morceau s’achève sous des applaudissements intarissables. Le rappeur est visiblement touché par l’accueil que lui a réservé le public parisien, mais toutes les bonnes choses ont une fin. Il clôture son set avec l’une des chansons les plus importantes de son album Sun Of Jean, une composition familiale à laquelle sa mère et son père défunt ont contribué. Le morceau s’achève et une projection de sa mère récitant les vers d’un poème qu’elle a elle-même écrit finit d’émouvoir l’audience. Loyle Carner quitte la scène, le maillot de son beau-père dans sa main, il ne l’aura pas quitté de tout le concert. L’ovation du Badaboum couvre un peu Yesterday’s Gone l’un des morceaux de son beau-père figurant sur un album qu’il n’a jamais publié. Malgré les efforts du public, il n’y aura pas de rappel, mais c’est peut-être mieux ainsi, car rien n’aurait pu surpasser l’émotion de ce final.

 

Setlist

The Isle Of Arran
Mean It In The Morning
+44
Seamstress
Damselfly
Stars & Shards
Mufasa
Florence
No Worries
Check The Rhime
Mrs C
BFG
Tierney Terrace
Ain’t Nothing Changed
NO CD
Sun of Jean

Yesterday’s Gone

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