Young Fathers – Cocoa Sugar

Troisième effort pour la formation venue d’Édimbourg, et pas forcément la plus accessible. Mais derrière l’étrangeté de ce disque se cache une beauté sans pareille. 

Ils sont trois, ont grandi ensemble ; d’abord physiquement, puis musicalement. Les compères qui composent Young Fathers ont touché du bout des doigts leur rêve le plus fou : sillonner le monde. Dead (2014) a été l’album déclencheur, véritable tourbillon « à l’époque ». Le temps est passé vite, jusqu’au deuxième opus, White Men Are Black Men Too, symbole à la fois d’une certaine maturation sonore et visuelle, puisque le groupe s’est épaulé de Massive Attack, capitaine de bord pendant toute une tournée européenne en 2016.

La consécration, pour le trio écossais, qui aura probablement puisé dans l’expérience, la découverte et l’ambiance fiévreuse de la scène pour concocter un nouvel album. Malgré tout, Cocoa Sugar n’est pas construit sur l’amoncellement d’inspirations du groupe, bien au contraire. Le disque respire, transpire de l’âme de ses musiciens, qui en quatre ans n’ont presque plus rien à prouver. Très originel, donc forcément orignal, ce troisième petit deviendra grand, très grand au fil des écoutes. C’est promis.

En optant pour une formule plutôt courte (à peine 40 minutes), Young Fathers propose un hyper-concentré de hip-hop expérimental. En plein trip, « fucked-up« , le groupe partitionne son propos dans douze tableaux, inégaux en terme de durée mais fondamentalement sur une même longueur d’onde. Et ce ne sont pourtant pas les deux premiers morceaux qui ont le don immédiat de nous emporter. See How et Fee Fi sont deux introductions prônant la déstructuration totale du format « morceau ». Peut-être était-ce l’entrée en matière nécessaire au réjouissant In My View. Finalement, on cerne Cocoa Sugar comme un concept, dont on comprendrait davantage le propos.

Hypnotisant, le reste de l’album n’est pas né des terres anglaises. De loin, très loin viennent les sonorités de Turn et Lord, où chants de chorales se mêlent aux arrangements hip-hop, samples et boucles compris. Tremolo fonctionne comme Border Girl, réitérant une formule propre à la formation, fonctionnant aux frontière de la sensualité et du rap chanté. L’album atteint son sommet dans un élan d’urgence, avec Wire, élégante ouverture à Toy, marqué de ses voix inquiétantes scandant « silly little boy« .
L’exotisme de Cocoa Sugar n’est pas là par hasard, tant les trois musiciens connectent leurs plumes cosmopolites. Du Nigéria à l’Ecosse, Young Fathers complète son oeuvre dans l’union. Si bien qu’on jurerait entendre la cornemuse faire irruption dans Picking You. Et si c’était vrai ? Rassembleur et à l’encontre du sectarisme des moeurs, Young Fathers propose avec Cocoa Sugar une aventure libre, mutli-culturelle et débordante d’imagination. Si bien que les touches personnelles, que le groupe parsème en filigrane du disque, façonnent une émotion universelle, humaine. On se contenterait bien que de cela, puisque le nécessaire est déjà fait pour se convaincre que nous avons là un grand album.


Tracklisting : 

See How

Fee Fi

In My View

Turn

Lord

Tremolo

Wow

Border Girl

Holy Ghost

Wire

Toy

Picking You

Nos + : In My View, Lord, Tremolo, Border Girl, Holy Ghost, Toy…

Note : 9,5/10

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