16 Mai Liz Green : Larme à la voix
La chanteuse britannique a imposé son style décontracté mais captivant au public de la Flèche d’Or.
Entendre Liz Green c’est entre la performance classique et le concert de potes, tant on oscille entre gammes légères et papotages drôlissimes avec le public.
La Flèche d’Or est devenue girouette quand les musiciens de la Pias Nites ont débarqué dans la salle de concert. The John Steel Singers et Broken Twin avaient déjà brouillé les pistes entre voyage sur la plage comme des Beach Boys australiens et musique planante digne de vidéos expérimentales sur chaîne cryptée la nuit. Et Liz Green donne un coup de pied dans la fourmilière avec sa guitare, ses mélodies mélancoliques et surtout sa tchate hilarante.
Alors qu’elle se frayait péniblement un chemin dans la fosse, il était difficile d’imaginer que la rouquine au carré parfait se transformerait en performeuse hors pair. Avec un calme olympien, la jeune fille commence son récital de façon assez surprenante. Un brin fébrile quand elle prend possession des lieux, les yeux oscillant de gauche à droite. Mais à l’instant où sa bouche s’ouvre un miracle s’accomplit. Une voix grave s’envole alors du corps frêle. Son accompagnateur au violoncelle s’active. Un musicien concentré sur son instrument qui ne s’inquiète pas des écarts de voix grave ou lointaine de sa chanteuse. Sa chanteuse ou sa conteuse ? La question arrive rapidement à l’esprit. Avec ses yeux roulants, son air de chercher les mots, sa main constamment en mouvement et l’autre serrant fermement son carnet noir, la narratrice remplit sa page blanche de son imaginaire avec un naturel étonnant. Et alors qu’elle ferme son calepin secret, elle tourne une nouvelle page et annonce une nouvelle chanson. Mais comme mademoiselle Green, ne fait rien comme les autres, celle -ci n’est pas totalement dans les règles. Balayant l’émotion d’un revers de main, la jeune fille n’oublie pas la poésie surréaliste et déclare cherchant son verre « quand le sol est noir et que la boisson aussi, ce n’est pas forcément facile ». La réflexion fait rire l’assistance venue en nombre pour la chanteuse qui ne s’affiche pas comme la star de la soirée. Avant d’entamer « All the rain » au piano, une chanson sur la bizarrerie du monde, elle jette un coup d’oeil complice aux musiciens. Mis au premier plan, sur un pied d’égalité avec elle, le duo de cuivres et les cordes, en rythme, donnent une petite touche jazz band à la scène de la Flèche d’Or. Au milieu, Liz Green joue de son instrument, donne la note et le ton : sa voix. Et arbitre de l’ambiance, elle brise la cadence et avoue : « je ne sais plus comment commencer la chanson » aux premières notes d’Island Song.
Dans cette chanson pour les naufragés, les musiciens tanguent mais elle tient la barre, les mains tendues sur son piano comme une gouailleuse de voyage. Et aux escales silencieuses, elle s’attache à des anecdotes cocasses : l’autre soir, j’étais dans une fête de mariage et nous avons révolutionné le pub, encore désolée pour ce pub. Larme à gauche, tatouage éphémère, elle joue statiquement serrant sa guitare sur son coeur comme une enfant composant une valse. Une valse ? Avec cette tenue? La jeune fille gardait à l’oeil tout son monde grâce à son t shirt fait main. L’ambiance était alors à la mélancolie avec Love song et ses cris de déchirement et When The River Don’t Flow, très applaudis, qui renforcent l’ambiance blues avec les faisceaux bleus. Dans ce cabaret fantastique, Liz Green joue comme sur un orgue ce qui donne des envies de musette à certains qui se plaisent à guincher sur cette musique vintage. C’est dans cette atmosphère poétique que le show s’achève pour un bref laps de temps avant de le réouvrir avec une reprise et quelle reprise! La musicienne devient alors fan, rappelant son passé de libraire à Manchester où elle rencontrait son idole! En deux accords et pas mal d’émotion, l’interprète fait ce qui est très difficile : rendre hommage à son modèle David Bowie dans un Five Years plus aigu mais tout aussi émouvant que l’original. De quoi donner des bleus à l’âme…
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