02 Mar Peace : « Nous n’avons jamais été capables de rester dans un genre unique »
Sound Of Britain a rencontré Harry et Dom lors du passage du groupe à Nyon en Suisse.
Il est environ 13h15 lorsque nous arrivons à l’Usine à Gaz de Nyon. Le festival des Hivernales et Sony Music Suisse ont gentiment accepté d’organiser une interview pour votre correspondante suisse de Sound Of Britain. Amicaux et drôles, Harry et Dom de Peace mettent tout de suite à l’aise : « Ne sois pas nerveuse, tiens, prends une banane ou des cacahuètes ! […] Désolé, on n’a pas pu amener de t-shirts. Des problèmes de douane. En fait c’est de la faute de notre manager. Tu es viré », Harry lance-t-il à ce dernier pour rire. Une fois l’entrevue terminée, nous retrouverons le groupe beaucoup plus tard – vers 1 heure du matin – pour un concert plein de solos de guitares pointus, de tubes et de transpiration. Par ici pour le live-report !
Bienvenue en Suisse les gars ! Vous avez joué à Zürich hier, c’était bien ?
Harrison Koisser : Merci ! Ouais, c’était l’un de mes concerts préférés ! J’ai eu quelques problèmes de voix au début de la tournée, mais hier cela s’est amélioré, c’était beaucoup mieux. Et j’ai senti qu’il y avait une bonne connexion avec le public. Avant le concert je n’étais pas confiant, je me suis dit « ah, je le sens pas vraiment. » Mais dès qu’on est montés sur scène… on s’est dit « c’est parti ». Dom était vraiment bon aussi !
Dominic Boyce : Merci mec. J’étais assez bourré en vérité.
Harrison : En fait il a bu quelques bières de trop hier soir ! Et nous avons été dîner dans un restaurant asiatique, et il a joué avec les baguettes. Tu sais, les gens qui jouent de la batterie avec ces baguettes pour manger. Il a joué l’ensemble de Moby Dick sur la table !
Dominic : Désolé les Suisses ! (rires)
En fait, je vous ai découverts lors de votre concert au Bleu Lézard il y a deux ans grâce à une amie. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, parce que vous étiez un peu alcoolisés à la fin !
Harrison : Hmm… (ndlr : il réfléchit longuement).
Dominic : Est-ce que c’était dans une cave ? Ah oui je me souviens ! Nous avions mangé du steak tartare !
Harrison : Je ne m’en souviens pas du tout ?!
Ce n’est pas grave, c’est compréhensible ! C’était un super concert en tout cas.
Dominic : Oui oui, c’était un bon concert ! Je me souviens exactement de ce soir-là, je vois tout à fait ce que tu veux dire ! (rires)
Harrison : Je veux m’en souvenir.
Dominic : C’est un endroit avec beaucoup de marches d’escaliers, très charmant.
Harrison : Ah, est-ce que c’est cette salle avec un mur où des noms de groupes sont écris à la craie ?
Oui, le nom de tous les groupes qui ont joué au Bleu Lézard.
Harrison : Je me souviens de cela, je m’en souviens ! Très bien même.
Pourrions-nous parler un peu de Happy People ? D’abord, la couverture. Était-ce votre idée ?
Dominic : Oui, tout à fait !
Harrison : La première idée que nous avons eue… nous voulions qu’elle soit jaune, à cause de mon étui d’ IPad. J’ai acheté un étui pour IPad qui était d’un très joli jaune, et j’ai trouvé que c’était la plus belle couleur que j’ai jamais vue. J’ai pensé : nous devons mettre cette couleur pour la pochette de l’album. Et aussi, le choix du jaune… ce n’est pas courant non ?
Dominic : On aurait dit que c’était à la mode il y a un moment. Est-ce que tu connais Six Music ? C’est une station de radio anglaise. Là-bas, ils ont un mur entier couvert de pochettes d’albums, et celles qui captent tes yeux en premier sont les jaunes.
Harrison : Elles sont toutes très grandes. Des couvertures d’albums classiques. Elles recouvraient tout le mur. Nous avons joué lors d’une session là-bas, et je regardais ce mur, c’était géant. Et lorsque je suis parti, c’est comme si… tu continues à penser à Never Mind The Bollocks, Here’s The Sex Pistols. Les couvertures d’album jaunes restent dans ton esprit, alors nous devions faire une pochette d’album jaune. Parce que j’adore la couleur jaune. Cette couleur est tellement sous-estimée, tu vois ce que je veux dire ? (rires) J’ai en quelque sorte eu l’étincelle pour cette idée, et tout le monde était partant. Ensuite… L’idée du miroir. Cela venait d’où déjà ?
« Les couvertures d’album jaunes restent dans ton esprit, alors nous devions faire une pochette d’album jaune ! »
Dominic : À la base, nous avions eu l’idée de tous nous placer dans un décor de salon. Puis nous avons rencontré les photographes et les metteurs en scène. Et puis en gros ils nous ont dit « nous pouvons monter un miroir qui vous permettra à tous de figurer sur la photo sans que l’on voit votre reflet, et sans utiliser d’effets spéciaux. »
Harrison : C’est juste une photo, il n’y a pas d’effets spéciaux ni de Photoshop.
Dominic : Alors ce miroir large était en quelque sorte plié, et tu pouvais tout voir sauf l’appareil photo. C’était ça la magie !
Harrison : Oui, je suis pas sûr pourquoi… Je ne me souviens jamais pourquoi cela s’est passé ainsi, mais ils ont réussi. C’est super.
Aussi, il s’est écoulé deux ans depuis In Love. J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de variété dans les influences de Happy People. Fur et Money sont des morceaux très différents l’un de l’autre par exemple.
Harrison : Oui, beaucoup d’influences différentes. Le premier disque… In Love a été beaucoup critiqué pour sa diversité et pour l’absence d’un genre en particulier. J’ai trouvé que beaucoup de gens nous disaient de rester sur ce que nous étions, de nous fixer à un seul style. Alors lorsque nous étions en train de prendre les décisions pour ce disque, nous nous sommes dits « Allons encore plus loin ». Je ne sais pas, je pense que nous sommes trop du genre enfants gâtés pour nous fixer sur une chose.
Je ne pense pas que cela soit un problème. Peut-être que cela peut d’abord faire peur, mais finalement votre songwriting est si bon qu’il parvient à faire fonctionner le tout.
Harrison : Voilà, voilà le point !
Franchement, j’aime votre travail alors mon avis est peut-être biaisé-
Harrison : C’est ce que j’étais en train de dire avant à Oli, de notre label. Lorsque nous parlions de l’écriture- il est devenu un très bon ami, quelqu’un avec qui je peux vraiment parler d’écriture etc., C’est sûr, tant que la chanson est vraiment bonne, elle peut être dans n’importe quel style. Et aussi, aujourd’hui, les gens n’écoutent plus de la musique album après album. J’ai l’impression que…
C’est plutôt chanson par chanson.
Harrison : Ouais. Mes cousins- ils ont environ 13 ans – si tu regardes sur leur iPods, tu vois qu’ils ont une, deux ou trois chansons par des tonnes d’artistes différents, mais ils ne possèdent aucun album d’aucun artiste. Ils diront « oh, j’adore les Arctic Monkeys », et puis sur leur iPods ils auront quatre chansons issues des deux derniers albums du groupe, et ils diront « c’est mon groupe préféré. » Mais en même temps, ils écoutent plein de choses différentes. Alors, il me semble que cela prenne son sens pour nous. De toute manière nous n’avons jamais été capables de nous fixer dans un genre unique parce que nous sommes trop hyperactifs.
Pourquoi devrions-nous entrer dans un moule afin d’être uniformes alors que… des gens comme moi, ou des gens plus jeunes peuvent apprécier plusieurs genres. Plus personne ne veut qu’une chose. Plus personne ne s’assoit et se dit « Je suis un punk maintenant, alors je vais juste écouter de la musique punk. » J’étais un bon exemple, lorsque j’étais plus jeune j’adorais la techno, mais aussi les groupes à guitare et Led Zeppelin. Et j’aimais la trance aussi lorsque j’étais ado. Je ne me coinçais pas dans une seule catégorie. Alors notre disque- oui il est varié, mais si tout fonctionne bien il y a beaucoup de choses différentes dessus qui retiendront ton attention. Qui retiendront mon attention. Et c’est difficile de garder mon attention pendant longtemps.
« Pourquoi devrions-nous entrer dans un moule afin d’être uniformes alors que… des gens comme moi, ou des gens plus jeunes peuvent apprécier plusieurs genres. »
Est-ce aussi un moyen de s’adapter à la nouvelle génération ?
Harrison : Non, pas de s’adapter. Mais j’étais plutôt rassuré par elle, parce que j’ai une capacité de concentration tellement faible- si je devais écouter un album entier qui sonnait comme I’m A Girl ou un album qui sonnait comme Money, dans un seul genre donc, je travaillerais probablement pour faire un meilleur album.
C’est intéressant que tu dises que tu aies du mal à focaliser ton attention sur quelque chose pendant longtemps, parce que les chansons de Led Zeppelin sont assez longues.
Dominic : Oui c’est vrai. Mais ils sont un peu les rois des performances égoïstes n’est-ce pas ?
Harrison : Oui mais si tu compares Communication Breakdown, The Rain Song, Fall In The Rain et Hot Dog, tu as tellement de styles différents. Sauf que c’était pendant une période de dix ans, une carrière entière. Mais… la diversité. Variety is the spice of life ! (ndlr : la variété rend la vie épicée). Je pense que cela ne peut être que bénéfique. Je trouve que c’est ce que plus de groupes devraient faire, être complètement différents à chaque chanson.
Lorsque vous écrivez, le procédé est-il conscient ou pas ? Étiez-vous déjà conscients de ce que vous vouliez faire avec les différents genres par exemple ?
Harrison : Pas vraiment musicalement. Mais avec les paroles, cette fois- sur In Love, lorsque j’écrivais les paroles c’était de manière complètement inconsciente. À la dernière minute, en studio la plupart du temps. Mais cette fois, comme nous n’avions pas beaucoup de temps, nous devions absolument avoir les couplets et les refrains écrits. C’était déjà plus conscient pour moi, juste écrire les paroles avant, et puis penser pour la première fois depuis dix ans ! Alors oui, les paroles étaient conscientes, mais musicalement nous nous laissons porter. C’est aussi pour cela que nous sommes en studio. Il n’y a pas de forme ni d’intention, c’est simplement- Dom commencerait à jouer quelque chose avec Sam, puis je trouverais quelque chose qui irait bien avec. Il y a de l’intention, mais il n’y a pas trop de réflexion derrière. Nous savions juste que nous voulions faire un bon album.
Dominic : Haha, oui ! Genre du groupe : bon. (rires)
Pourrions-nous aussi parler de votre chanson O You ? Je l’ai choisie car je trouve les paroles intéressantes. Pourriez-vous m’en dire plus ?
Harrison : Hum… J’ai écrit cette chanson et Gen Strange en même temps. Pour O You… le refrain est la première chose que j’ai écrite. À la base le titre devait se trouver plus loin sur l’album. Et j’ai juste pensé que c’était une revendication d’une intention très gamin gâté et gonflée, c’est pour cela que nous l’avons mise au début de l’album, « J’essaie juste de changer le monde dans lequel tu vis, de le rendre meilleur pour tes enfants. », c’est ce que nous voulons faire avec cet album et en tant que groupe, ce que n’importe qui devrait souhaiter faire dans sa vie en fait. Et c’est là, dans la première chanson. Et… Le couplet regarde vers le passé en quelque sorte. Comment le monde était, et comment il est aujourd’hui.
« O You est une revendication très gonflée : J’essaie juste de changer le monde dans lequel tu vis, de le rendre meilleur pour tes enfants. »
Avec cette ligne, « The 90s were cool I’ve heard all about, the 80s were better I have no doubt » (les 90s étaient cools, j’ai tout entendu, les 80s étaient mieux, je n’en doute pas), on dirait que tu réponds aux critiques de certaines personnes.
Dominic : Oui, tout à fait.
Harrison : C’était un peu cliché quand même (rires). Mais ouais, et cette chanson donne un peu le ton pour Gen Strange. C’est un album qui n’est pas à propos du passé, mais sur le présent.
Pour terminer, j’ai trouvé une belle photo de vous par Ed Miles. Vous parlez aussi d’androgynie dans vos chansons, et je crois que c’est ma photo préférée du groupe.
Dominic : Oh, c’était pour le NME !
Harrison : J’aime cette photo. J’aurais dû en demander une copie. Les chaussures de Doug sont incroyables. C’était mon idée, j’ai dit « nous allons le faire en tant que deux couples différents ». À la base, l’un devait être très élégant tandis que l’autre devait être plus trash. Je voulais que Sam et Doug soient le couple élégant, voire mod, tandis que moi et Dom devions être vraiment trash.
Dominic : J’adore cette photo. Je trouve que je suis pas mal dessus ! C’est des pantalons en cuir en passant, si tu te posais la question ! (rires)
Harrison : C’est juste le bonheur de la vie n’est-ce pas ? Tomber amoureux, se mettre en couple. Ils auraient dû l’utiliser pour la couverture !
Dominic : Oui, je suis d’accord.
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