Interview : Editors

En marge de la sortie d’In Dream, le nouvel album, nous avons rencontré la voix, l’âme, la tête pensante du groupe : son attachant leader Tom Smith.

 

 

Quels mots utiliserai-tu pour qualifier ce nouvel opus ?

 

Je dirais cosmique… Bon je l’ai peut-être déjà dit, mais c’est aussi quelque chose de fortement expérimental et pop à la fois. Ca sonne terrible tout ça.

 

Cosmique parce que cet album serait inspiré de rêves que tu as eu ?

 

Il y a une histoire de rêve, mais cet album n’est pas inspiré de rêves que j’ai eu. Comme les autres albums, c’est le fil conducteur qui me trouve, sans que cela vire au concept. C’est quelque chose qu’on pense avant de le faire parce qu’on a jamais fait autrement. Les textures qu’on a sur In Dream sont différentes en revanche, la relation entre ma voix et ces machines. Et puis il y avait l’environnement dans lequel on a travaillé en Ecosse, cette dimension onirique là-dedans avec laquelle on était en phase. Certains titres parlant du rêve, il semblait assez évident d’appeler cet album ainsi. Ce n’est pas un album-concept autour du rêve. D’ailleurs je ne me souviens plus des rêves que je fais aujourd’hui, alors qu’enfant oui.

 

A mon sens, cet album est bien électronique oui, mais aussi sombre et puissant. Ca vous convient ?

 

On aime le drame et le fait d’être théâtral dans nos musiques, donc il y a cette idée de puissance, que ce soit dans Marching Orders ou Salvation. On a toujours apprécié le fait d’être dans l’ombre, de pencher vers le côté dark, avec des termes qui s’y réfèrent. Même si ça ne ressent pas en comparaisons à certains de nos titres pop. Nous aimons, je ne sais pas si ce sont les sons ou l’ambiance, ce côté sinistre. C’est aussi ce que nous recherchons.

 

 

Qu’est-ce que vous avez changé après The Weight of Your Love, un album assurément très différent d’In Dream ?

 

The Weight of Your Love est arrivé après une rupture. Il y a eu un départ [Chris Urbanowicz, guitariste, quitte le groupe prétextant des différents artistiques, NDLR] et deux garçons sont arrivés [Justin Lockey et Eliott Williams, NDLR]. On était donc cinq, et en quelque sorte un nouveau groupe. Nous avons donc évolué comme un groupe qui débutait, se connaître, se lancer dans une aventure de création. C’était album moins rock, direct, et immédiat parce qu’on devait aussi se rassurer sur le fait qu’on pouvait faire de la musique sans perdre notre base. On est ensuite parti en tournée, ce qui nous a permis d’en savoir plus sur nous, de partager. Lorsque ces morceaux ont commencé à arriver, on s’est dit, ‘ok, faisons la musique qui nous représente’. Je dirais qu’In Dream est plus comme notre troisième album. On ne pensait pas le produire au début. Nous sommes partis en Ecosse dans l’idée de développer ces morceaux et voir ce qu’il en ressortait.

 

 

Le fait est que le groupe ne pouvait pas fonctionner comme avant

 

C’est en quelque sorte un nouveau commencement, un autre départ.

 

Oui, en quelque sorte. Néanmoins, The Weight of Your Love peut être considéré comme un nouveau départ, mais il y avait trop d’inquiétudes d’un côté comme de l’autre, nous parce qu’on devait composer avec deux nouvelles personnes, eux parce qu’ils débarquaient dans un groupe bien établi. Le fait est que le groupe ne pouvait pas fonctionner comme avant. D’un côté c’est un virage, de l’autre un premier chapitre.

 

On ne va pas se le cacher, The Weight of Your Love a reçu un accueil mitigé, voire assez froid par rapport aux autres albums. Comment as-tu vécu cela ?

 

Je ne m’arrête pas vraiment sur ce genre de trucs… Mais je sais que, par exemple, un album a pu être bien accueilli en Pologne et pas en Angleterre. Il n’y a pas de règles pré écrites. Notre dernier n’a pas été très bien accueilli ici, alors qu’en Italie, nous n’avions jamais autant cartonné. Je ne me fixe pas sur les reviews. Bien sûr, on accepte les bonnes, on essaye de ne pas trop se concentrer sur les mauvaises. Tu peux pas te laisser entraîner là-dedans. Tu sais, c’est notre cinquième album. Si nous n’étions pas bons, nous n’en serions pas là. Il y a des gens qui aiment ce qu’on fait. Se laisse prendre par les aspects négatifs, au risque que cela impacte ton processus de création, je ne l’accepte pas.

 

J’ai une question qui me taraude depuis longtemps et notamment une époque où on n’a pas cessé de comparer Editors à Interpol. Vous en aviez souffert ?

 

Je ne crois pas. Je pense que ça vient de notre premier album, qui avait était très bien reçu, et dont les sonorités faisaient penser à. Donc forcément, user de cette comparaison pour certains, ça revenait à nous faire un mauvais buzz. Mais je ne crois pas qu’on en ait souffert à partir du moment où on a continué à faire ce qu’on aimait faire. A l’époque, ça aurait pu être frustrant. Mais on n’a jamais voulu être Interpol.

 

Parlons des paroles d’In Dream. Qu’est-ce qui t’inspire lorsque tu écris, des lectures, observer des gens… ?

 

Ca dépend vraiment. Je te dirais que mon deuxième album est plus personnel, parce qu’attaché à des choses qui me sont arrivées et qui m’ont inspirées. Sur le dernier album, j’ai parlé d’amour ce qui ne m’était pas arrivé de manière aussi forte. Pour celui-ci, c’était différent. Il n’est pas inspiré par un livre, un film ou autre. Il est plus intime, interpelle les gens qui ont, enfouit en eux, un côté obscur, des démons, et comment passer à travers. Je suis quelqu’un d’heureux dans la vie, et je ne crois qu’il faille être triste pour écrire des chansons tristes. Lorsque j’écris, je vais dans ces recoins, je parle à mes démons comme dirait l’autre, et c’est comme ça que la créativité me vient. Ce sont des situations que j’ai imaginées, le fait que certains morceaux aient pour héros des personnages en colère et qu’à ceux-là, je marie une voix aérienne comme No Harm ou The Law avec Rachel Goswell qui chante avec moi. Mais toutes ces histoires sont inventées.

 

Si on pense d’emblée que cet album semble assez personnel, c’est aussi parce que tu es sur la pochette de l’album, et c’est inédit chez Editors.

 

Oui mais je suis sur l’artwork. On a tous fait cette même photo avec la même pose, ça semblait juste être la plus évidente à utiliser. Tous ces visuels ont été faits par cet artiste que j’apprécie beaucoup, Rahi Rezvani. Il a fait une vidéo où nous devions tous prendre la même pose, ce qui, il est vrai, ne se voit pas sur la pochette. Je pense qu’est l’album le plus « collaboratif » que nous avons fait, avec cinq entités. Et depuis que ce groupe existe, c’était quelque chose d’inné avec Chris, Edward et Russell. Puis avec cette rupture, ces deux gars qui sont arrivés, deux nouvelles personnes, il me fallait être moins proche d’Ed et Russell, ce qui se ressent ici et donne à cet album une dimension collaborative que l’on n’avait jamais eu auparavant. Donc la cover ne donne pas à cet album une dimension personnelle. Il n’y a qu’une chanson qui est vraiment personnelle, c’est At All Cost.

 

Avec le temps, la vie reste quelque chose qui te fait peur (référence au titre Life Is A Fear) ?

 

Je suis très heureux, j’ai une vie heureuse, des enfants, des choses qui tout au long de mon existence m’ont apporté beaucoup de joie. Mais au-delà, on ne peut omettre la véritable nature du monde dans lequel on vit, ce petit garçon que l’on a retrouvé hier sur cette plage [la veille de l’interview, le corps d’Eylan, ce jeune fils de migrants retrouvé sans vie sur une plage turque avait ému la planète entière, NDLR]. Tout dépend de comment on voit le monde, ce qu’on veut en voir. Life Is A Fear, je n’irais pas à me le faire tatouer, mais parfois, je pense comme ça. Si tu te lèves du bon pied ou non, les craintes que tu verras ou non.

 

 

Vous avez convié Rachel Goswell à plusieurs reprises sur cet album. Pourquoi ?

 

On songeait à une présence féminine depuis le troisième album déjà, mais nous n’avions ni la bonne personne, ni la bonne chanson. C’est en regardant et en traînant avec Slowdive que nous avons relancé l’idée. On a appris que Rachel était fan de ce qu’on faisait. Et c’est une fille cool, talentueuse. On a donc fini par se retrouver hors tournée, bu quelques gins, et on a essayé des choses, voir comment cela tournait, à la fois en backing vocals ou bien en featuring, sur ces chansons qu’étaient The Law et At All Cost. Elle aimait aussi l’idée du duo.

 

Sur scène, vos shows seront-ils plus intimistes ?

 

On a fait des deux, pouvoir alterner entre des gros spectacles et des salles plus petites. Peut-être que cet album, pour l’atmosphère et ce que cela peut créer avec le public, trouve plus d’écho dans une petite salle. Et en même temps, faire un gros show, le faire bien, sentir que vous avez entraîné toute une arena, c’est quelque chose de puissant, de gratifiant. On se sent comme des super-héros. Un truc de rockstar, un rêve de gosse.

 

Je me souviens vous avoir vu dans ces deux registres, d’abord en salles (au Trianon), puis en festival, à Rock Werchter, où vous jouiez en tête d’affiche après Depeche Mode.

 

Oui, c’était en 2013. C’était un honneur pour nous de revenir, nous avions déjà joué en 2012, un concert qui était remarquable déjà parce qu’il nous a montré la voie. C’était le deuxième show que nous faisions avec le nouveau groupe. C’était quelques jours après le départ de Chris. Nous sommes arrivés sur scène avec 3-4 nouveaux titres, nous allions jouer le plus gros show de notre carrière, avec un nouveau line-up. C’est le genre de soirée que vous ne pourrez pas oublier. Si bien que nous sommes revenus l’année suivante. Alors ce n’était pas aussi bien, peut-être aussi parce nos nouvelles chansons ne se prêtaient pas à une aussi grosse scène, et que rien n’y marche mieux qu’un titre comme Papillon. Mais on a une relation très spéciale avec la Belgique.

 

Et vous y reviendrez l’an prochain…

 

Je ne peux que te dire peut-être…

 

IN DREAM, LA REVIEW

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