11 Juin Ala.Ni envoûte la Cigale
Ala.Ni peut se vanter d’avoir sorti un des albums les plus hypnotisants de cette première moitié 2016. Mélancolique, travaillé tout en douceur, You & I se veut un recueil de chansons d’une sensibilité folle et surtout la révélation d’une voix unique, aux accents soul à la fois subtils et éclatants. Ce 7 Juin, l’artiste se produisait à La Cigale pour une date unique et exceptionnelle.
19h45: les gens se pressent devant la salle pour entrer le plus vite possible. La Cigale a pour l’occasion revêtu son plus beau costume: l’espace de la fosse est rempli de sièges d’un élégant rouge, la ferveur et la moiteur d’un public stationnaire ne s’accordant pas à l’écrin de douceur dans lequel la chanteuse s’apprête à nous enfermer. 20h précises, c’est l’heure pour la première partie, Theo Lawrence, de monter sur scène. Cheveux impeccablement laqués, armé d’une simple guitare et d’une voix agréable n’hésitant pas à se faire rocailleuse, le chanteur nous livre 35 minutes de set, subtil mélange de reprises et de compositions personnelles. Les reprises sont peu facilement reconnaissables pour les non-initiés du blues 60’s, et force est de constater que les compositions du guitariste se mêlent agréablement à ces reprises qu’il nous signale de temps en temps, témoignant de la cohérence de son style. Au cours de la dizaine de chansons qu’il interprète, il n’hésite pas à interagir avec le public, expliquant le thème de ses chansons, signifiant discrètement qu’il adapte sa setlist à la réception du public, confiant son trac. Un humour gentiment désuet, un jeu et une voix impeccable: la mise en bouche est de qualité, et Théo Lawrence sort de scène le sourire aux lèvres sous les applaudissements du public.
21 heures tapantes. Alors que les lumières s’éteignent, Ala.Ni monte sur scène, accompagnée de ses 3 musiciens. Pas de batterie ou de section percussions au programme de ce soir: une guitare, un violoncelle et une harpe viennent répondre aux mélodies distillées par la chanteuse. Ainsi, tandis que la harpe dessine les premiers contours du délicat Cherry Blossom, Ala.Ni a à peine le temps de poser sa voix que la salle explose d’applaudissements et de cris de félicité. Émue, elle interroge la salle, demandant si ces applaudissements ne sont pas censés se produire à la fin de la chanson. Tout sourire, elle reprend le cours du morceau et se lance dans un set d’une délicate perfection. Les instruments se répondent avec brio et maîtrise, et Ala.Ni chante, sans aucune fausse note, déployant sa voix comme un immense châle recouvrant l’ensemble de la Cigale pour nous embarquer dans un sublime et intemporel voyage. Quand elle cesse de chanter, c’est pour mieux blaguer, interagir avec le public, hilare, facétieuse, toujours pleine de grâce. Elle profite de la lumière brièvement retrouvée entre deux chansons pour demander les noms de spectateurs, menacer les premiers rangs de les arroser d’eau, « comme les rockstars » (menace qu’elle mettra évidemment en œuvre vers la fin du concert, sur une furieuse reprise où elle n’hésite pas à donner de son corps pour marquer le tempo et enrichir les sonorités ambiantes), se permettant même de traverser la salle pour aller voir elle-même l’ingénieur son et lui demander quelques ajustements. Le set se déroule à la perfection, avec comme indéniable temps fort cette incroyable fin de morceau où la chanteuse abandonne talons et micro pour se balader dans toute la salle en s’époumonant sur les syllabes d’un ultime refrain.
Après une quinzaine de chansons, les musiciens se retirent de la scène, Ala.Ni annonçant alors un invité spécial: ce n’est nul autre que Chassol, multi-instrumentaliste et compositeur de génie, auteur du mémorable Big Sun paru en 2015, qui la retrouve sur scène. Ils interprètent ainsi ensemble 3 morceaux dont une reprise de West Side Story, elle au chant, lui au piano, se laissant tous deux aller à d’aériennes improvisations. Le départ de Chassol fait revenir les 3 musiciens qui entament alors un ultime set, où Ala.Ni s’empare notamment de feuilles recouvertes chacun d’un ou plusieurs mots écrits par les fans, avec comme challenge pour la chanteuse de créer une chanson à partir de ces mots. Elle s’en donne alors à cœur joie, épaulée par son guitariste, adaptant la tonalité et la puissance de son jeu au chant. Ala.Ni, elle, prend un plaisir fou, s’esclaffant face à certains mots (« qui a écrit poisson rouge? pourquoi poisson rouge? »), prenant une voix exagérément grave quand une des feuilles lui fait se demander ce qu’elle ferait si elle était un géant. La salle est hilare, la chanteuse aussi, mais sa voix elle ne fait jamais aucun faux pas, impressionne de son timbre, de sa justesse, de sa puissance. Vient malheureusement, après 1h40 de performance et une superbe reprise d’Édith Piaf, le moment pour Ala.Ni de conclure son concert: le public se fend de généreux applaudissements, elle s’incline dans de gracieuses révérences pour finalement traverser la salle et se rendre au merchandising à l’entrée de la salle, prenant le temps de dédicaces, de câlins et de photos avec chaque fan.
Si sa musique se joue, en studio, sur un thème mineur, discret, mélancolique, les performances live d’Ala.Ni sont, elles, indéniablement dans un mode majeur, vaste célébration de la musique, pleine de facéties, de virtuosité et de joie. Un temps fort, mémorable, un concert inoubliable.
Vous pouvez retrouver toutes les photos du concert juste ici: http://soundofbrit.fr/2016/06/11/photos-ala-cigale-paris-07-juin-2016/
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