08 Avr Interview: Blaenavon
A l’occasion de la sortie de leur premier effort, That’s Your Lot, nous avons rencontré le trio Blaenavon pour une interview fleuve exclusive.
Sound Of Britain: Ce n’est pas votre première fois à Paris, vous avez déjà été au Trabendo et à La Flèche d’Or. Qu’est-ce que cela vous fait de revenir à Paris ?
Frank Wright : Oui, nous n’avons pas passé tant de temps que ça à Paris ! On ne peut pas encore dire si on aime cette ville ou pas…
Harris McMillan : Ça fait du bien de marcher plutôt que d’être coincé dans les embouteillages ! Je suis passé devant La Flèche d’Or et je me suis dit « Ah, je connais ce coin-là ! » Il pleuvait, les gens étaient coincés dans les bouchons… C’était plaisant ! [rires]
Une question un peu bête : d’où vient le nom de votre groupe ? Car vous n’êtes pas natifs de la ville de Blaenavon !
Frank Wright : Dans la ville de Blaenavon il y avait des tee-shirts, donc nous en avons chopé un, l’avons regardé un peu et nous nous sommes dit « hé, c’est cool comme nom ça ! » On aurait pu s’appeler Paris, qui sait ?
Harris McMillan : Je pense que c’est mieux de porter le nom d’une ville inconnue au milieu du paysage anglais, Paris c’est plutôt…
Frank Wright : Plutôt comme le nom d’un groupe inconnu sur la scène indie rock ! [rires]
C’est un peu un nom qui reflète votre position dans le paysage musical actuel !
Frank Wright : C’est ça !
Comment vous êtes-vous tous les 3 retrouvés pour composer, enregistrer de la musique ensemble ?
Frank Wright : Ben et moi avions un professeur de piano, et il nous répétait « vous devez faire un groupe ! Vous devez faire un groupe ! » Au même moment il y avait un grand concours de concerts organisés par l’école où nous avons interprétés Knight of Cydonia de Muse, et… On a gagné ! Si nous avions perdus nous ne serions probablement plus ensemble ! Un bon petit boost d’ego ! [rires] Après ça nous avons passé des semaines dans la chambre de ma sœur à nous enregistrer, tester des trucs, écrire, nous éclater… Ouais, c’est comme ça que ça s’est déroulé !
Quelle est la musique qui vous a inspiré pour vos propres compositions ?
Ben Gregory : Tu connais un groupe qui s’appelle WU LYF ? Ils ont été une grande inspiration pour nous. C’est le genre de groupe que tu écoutes à 15 ans et dans lequel tu te projettes.
Frank Wright : Ils avaient un nom bizarre et toutes ces sonorités uniques qui pouvaient sans cesse te surprendre… Ç’a un peu été un déclencheur pour nous dire « faites quelque chose, vraiment » !
Vous parlez de WU LYF ; avez-vous écouté le nouveau projet de Ellery Roberts, Lost Under Heaven ?
Ben Gregory : Oui, c’est très cool ! On a assisté à plusieurs de ces concerts, c’était fou. On a aussi vu Thomas Francis McLung, le bassiste de WU LYF. Incroyable bassiste.
Frank Wright : Et évidemment Joseph Manning, de WU LYF, fait Ménage à trois ! Tu en as pour ton argent. C’est vraiment très bon.
C’est important pour nous de ne pas être assimilé à un groupe d’indie rock
Vous avez sorti votre premier EP en 2013, et votre premier album, That’s Your Lot, sort seulement en avril 2017. Qu’est-ce qui vous a pris autant de temps pour sortir ce premier album ?
Ben Gregory : Durant tout ce temps nous avons sorti assez de morceaux pour réaliser un album, un album et demi, mais… Si on avait sorti quelque chose il y a quelques années ce n’aurait pas été aussi… Ce n’aurait pas été la même chose.
Harris McMillan : On chantait tous dans la chambre de Frank quand on était très petits, et on se rendait compte qu’il y avait du potentiel pour faire quelque chose de grand, genre comment allons-nous faire ça. Nous devions d’abord devenir de bons musiciens pour concrétiser les idées que nous avions dans nos têtes. Après ça il y a eu différentes étapes où nous enregistrions des albums démo, plongeant dans tout ça bien en profondeur, …
Ben Gregory : On a toujours voulu que notre premier album soit quelque chose de solide, on le voulait parfait. On s’est pas mal mis la pression.
Pour avoir écouté l’album, je peux vous confirmer que c’est un album très bon, très solide !
Frank Wright : Oh, tu l’as écouté ? Cool ! … Il a fuité ? [rires]
Ben Gregory : Les pièces manquantes de l’album ont dû venir s’assembler vers fin 2015, après on a regardé l’ensemble et on s’est dit : ouais, c’est bon, enfin !
En écoutant That’s Your Lot, et même avec vos précédents EP, on a l’impression que chaque morceau a ses propres sonorités, va dans sa propre direction… Ils brassent tous des genres très différents ! Je voulais savoir comment vous composez, comment vous envisagez votre musique ?
Frank Wright : Tout d’abord c’est une chose adorable à entendre. C’est important pour nous de ne pas être assimilé à un groupe d’indie rock mais de pouvoir aller dans toutes ces directions ! Nous n’écoutons pas tant d’indie rock que ça, et on voulait à tout prix se détacher de cette image qu’on pouvait avoir. Le process démarre avec des démos acoustiques, qui peuvent sonner folk ; elles peuvent être plus marrantes, je peux bidouiller des sons sur mon ordinateur ! Puis on se concerte avec les gars, on se demande quelle direction faire emprunter à la chanson, où on peut l’emmener… On peut se planter et la rendre atroce puis se rendre compte qu’on s’est trompés ! C’est un bon process qu’on a tous les 3.
Harris McMillan : La plus drôle doit être I Will Be the World ! Ça a démarré comme une simple démo acoustique pour au fil du temps se transformer en ce grandiloquent titre rock ! On a envoyé le titre et la démo pour que les gens se rendent compte de l’évolution du titre.
C’est très intéressant car certaines chansons démarrent comme une simple ballade folk pour grandir de plus en plus jusqu’à se transformer totalement ! C’est incroyable.
Frank Wright : On est heureux que quelqu’un ait pu écouter l’album ! Ce doit être la première fois !
Sur That’s Your Lot il y a certains titres comme Swans, Alice Come Home ou encore Ode To Joe qui sont plus longs que les autres titres, dépassant allègrement la barre des 6-7 minutes. A mes yeux, composer de longs morceaux est quelque chose de très compliqué ; je voulais savoir si, pour vous, c’était une façon de distinguer certains morceaux, ou si cela se faisait naturellement, au fil de la composition ?
Ben Gregory : C’est très différent à chaque fois. Swans est un morceau que j’ai composé à 15 ans et qui devait durer à peine 3 minutes, sans aucun grand climax. Puis en l’enregistrant en démo on a commencé à balancer ces grands accords, et on a continué à la jouer pour encore 5 minutes de plus jusqu’à se dire « c’est bon, c’est fini ! » Et on était content de cette structure.
Frank Wright : Si on avait fait notre album quand nous avions 15 ans toutes les chansons dureraient 7, 8, 9 minutes et on se dirait « ok nickel » [rires]
Ben Gregory : Notre producteur nous disait « ouais ouais c’est cool mais ajoutez un couplet et un solo de guitare et un solo de basse » et je suis content d’avoir eu ce retour. Parfois les chansons qu’on compose peuvent nous sembler géniales mais être ennuyeuses pour les gens, c’est quelque chose qui me fait peur. C’est agréable d’avoir un retour extérieur qui nous dit « continuez, faites-la plus longue », ça ajoute un groove dans la durée. Et peut-être que c’est aussi composé comme une chanson longue ? Genre 4 chansons différentes compilées en un seul et même titre !
Sur That’s Your Lot on retrouve un morceau, Prague ’99, qui vient de votre premier EP, Koso. Je voulais savoir comment vient ce choix de prendre un ancien morceau pour l’intégrer dans un album 4 ans plus tard ?
Ben Gregory : C’est bizarre, c’est la seule fois qu’on a fait ça. J’avais peur qu’en réenregistrant Prague, le morceau ne sonne plus aussi bien qu’avant, que dans le contexte de l’album ça sonne comme une régression… Mais finalement ça sonne comme une belle, neuve et grande chanson.
Frank Wright : C’est une bonne chose qu’elle soit sur l’album, c’est une part de nous amenée dans le présent.
Ben Gregory : On ne peut pas finir nos concerts avec cette chanson massive pour que les gens achètent notre album en nous demandant « elle est où » ?
C’est une sorte de pont entre vos débuts et maintenant.
Frank Wright : Oui, et ça fait aussi un pont au sein de l’album. Une moitié est composée de chansons très vieilles, notamment I Will Be the World qui et un ancien titre.
De That’s Your Lot je n’aime pas que le contenu, j’aime aussi sa pochette, superbe. D’où vient-elle ?
Frank Wright : C’est un de nos amis qui s’appelle Finley Adam qui s’en est chargé. Il fait de l’art absolument incroyable. On avait pioché dans quelques-unes de ses œuvres que nous aimions, avec toutes ces fleurs, et ça nous semblait parfait de faire la pochette avec ça.
Ben Gregory : C’était très dur car chaque fois que nous trouvions une œuvre d’art on se disait que ça pouvait être la pochette, ça pouvait très bien être de l’art australien expérimental un peu cheap ! Puis Fin a dit qu’il pouvait nous faire quelque chose, et ça nous a convenu.
Harris McMillan : C’est quelque chose qu’il a toujours voulu faire il me semble, créer la pochette de That’s Your Lot. Il a passé en revue plusieurs de ses œuvres pour nous donner celle-ci. Il s’est également chargé de toutes ces variations sur le thème des fleurs pour les singles. Elles sont toutes superbes. On les adore.
Pour That’s Your Lot vous avez travaillé avec Jim Abbiss, producteur qui a bossé avec Arctic Monkeys, Adele, Bombay Bicycle Club, … Qu’a-t-il apporté à l’album ?
Frank Wright : Des directions. On flottait sans trop savoir où aller, et Jim nous a donné une direction, un but, dans la meilleure des façons.
Harris McMillan : Il comprenait comment tirer le meilleur de chaque morceau sans jamais transformer l’album en un fourre-tout où chaque morceau se ressemblerait. Il est très heureux d’expérimenter mais très prudent quant au fait de savoir où il va avec ça. Il intervenait toujours au bon moment ; s’il voyait un instant où le morceau pouvait devenir joyeux, enthousiaste, il entrait en action. D’un autre côté si on se retrouvait à chanter avec une guitare pendant 2 heures il intervenait aussi au bon moment pour en tirer quelque chose.
Ben Gregory : C’était utile et essentiel. Il faut quelqu’un avec qui on peut partager ce qu’on compose. Et surtout avec Jim, car il a fait une tonne d’excellents albums.
Frank Wright : Tous les albums qu’on a plagiés ! [rires]
Dans l’hypothèse d’un second album, travailleriez-vous toujours avec Jim Abbiss, ou vous tourneriez-vous vers un autre producteur pour emmener votre son ailleurs ?
Harris McMillan : Je crois que Jim aime expérimenter, travailler avec de nouveaux et flexibles groupes comme nous, qui n’ont pas de pression particulière pour leur album. On pourrait en faire un autre avec lui.
Frank Wright : Et je pense que lui comme nous voudrions le faire différemment. Ça nous exciterait beaucoup de faire quelque chose de nouveau avec les mêmes personnes.
Ben Gregory : Ce serait parfait. C’est pour ça que nous l’avons choisi, car nous voulions aller dans cette direction, l’explorer… Si c’est possible j’aimerais continuer de bosser avec lui. S’il est libre, s’il est disponible !
On s’avance un peu, mais que pensez-vous faire après tout ce qui entoure That’s Your Lot ? Enregistrer de nouveaux morceaux, vous arrêter un peu pour prendre du recul ?
Frank Wright : Je crois que jusqu’au 17 Juin, nous avons 10 jours de libre. Pas trop de temps pour enregistrer de nouvelles choses donc !
Ben Gregory : On a commencé à bosser sur de nouveaux morceaux mais juste des bouts, rien de concret. On s’assure d’abord qu’autant de personnes que possible entendent parler de nous.
Frank Wright : On a aussi cette énorme base de chansons dans laquelle on peut piocher. Quand on a choisi les morceaux pour That’s Your Lot, on avait plus de… 120 chansons ? Il y a déjà beaucoup de titres qu’on pourra reprendre, retravailler ! C’est chiant car il y a des titres qu’on voulait absolument sortir sur That’s Your Lot mais qui ne convenaient pas. Mais on aura toujours l’opportunité de les ressortir plus tard !
Harris McMillan : C’est dur car on a de quoi faire 10 albums, mais il faut savoir se contenter d’un seul album pour le moment. On n’aurait pas le temps de tous les créer, de les sortir, c’est assez triste.
Changeons un peu de sujet : qu’est-ce que cela vous fait d’ouvrir pour Two Door Cinema Club ? C’est un groupe que vous affectionnez ?
Harris McMillan : C’est plutôt cool ouais ! Et le Casino de Paris est une superbe salle, c’est agréable !
Ben Gregory : La plus belle dans laquelle on ait jamais joué même !
Harris McMillan : A chaque fois qu’on vient ici il y a un vrai sens de l’hospitalité pour les musiciens. On se sent bienvenu, et ce n’est pas toujours le cas aux UK, les salles peuvent parfois être grises et mornes !
Avec quels groupes, quelles formations actuelles aimeriez-vous jouer ou collaborer ?
Frank Wright : [ironiquement] Coldplay ? Ils ont toujours été nos héros. Coldplay et The Chainsmokers ! [rires]
Ben Gregory : Plus sérieusement, je suis très fan de Car Seat Headrest, je l’envie beaucoup. Il revient en Angleterre bientôt, j’ai hâte de le voir ! KEXP Sessions, génial ! [rires] On aimerait beaucoup faire quelque chose avec Foals. On a déjà fait un concert avec eux. Ce sont nos potes, ce serait parfait.
Frank Wright : Ce serait tellement fun !
Pour finir, qu’écoutez-vous en ce moment, quels sont les titres que vous passez en boucle ?
Frank Wright : J’écoute beaucoup l’album solo de Tim Darcy, un des gars de Ought. Il a sorti son premier album et c’est plutôt cool ! Je préfère Ought évidemment, mais ça me plait.
Harris McMillan : J’écoute ce morceau en boucle qui s’appelle Avril 14th de Aphex Twin. Il y a juste ce piano très caractéristique, triste et nostalgique, je regarde hors du van avec l’air triste et ça fonctionne bien ! [rires] [La discussion dérive doucement sur le nouvel iPod doré style « spanish gangsta » de Frank et sur leurs manies dans le van pour finalement se recentrer]Frank Wright : Je me suis mis à écouter un groupe français récemment !
Harris McMillan : Daft Punk ? [rires]
Frank Wright : Moodoïd ! Je n’arrive pas à dire s’ils sont bons ou pas, mais j‘aime bien. J’adore aussi Naked (On Drugs), ils ont un album super badass. Vraiment incroyable. Très bon saxophone !
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