29ème cru des Eurockéennes de Belfort

Fascinantes, brillantes, troublantes Eurockéennes de Belfort. Si elles n’existaient pas, nous ne pourrions les inventer, ni même oser les imaginer, tant l’ambiance qui émane de cette presqu’île du Malsaucy est indéfinissable. Alternant sans cesse entre expériences éprouvantes et moments de grâce, le festival divise autant qu’il rassemble. Préparez vos lunettes de soleil et votre k-way, on vous raconte ces quatre jours de bonheur, perdus au milieu du relief franc-comtois !

« C’était mieux avant » avions-nous pu entendre, il y a quelques mois, lors de l’annonce de la programmation en conférence de presse. Aussitôt renommée Eurapéennes par quelques fans surpris de voir Booba et PNL trôner fièrement dans les premières lignes de la programmation, le festival a finalement comblé de bonheur ses détracteurs, ou alors a totalement changé son audience. Et pour cause, l’événement a dépassé, pour la première fois de son histoire, la barre convoitée des 130’000 festivaliers.
Au programme de cette 29ème édition, une véritable ambition d’amorcer un changement dans le festival, en modifiant notamment l’emplacement de la scène Loggia (ndlr. la plus petite, destinée aux groupes émergents), ainsi qu’en plaçant le camping dans une zone plus ombragée et animée. Derrière ces modifications, la volonté non dissimulée d’augmenter, pour les prochaines éditions, la surface du festival.

  • Jour 1 : jeudi 6 juillet

Le festival baigne fièrement dans le soleil pour sa première journée. On commence par un rapide tour sur le stand de la Bourgogne-Franche-Comté pour jouer au désormais classique Blind-Test des Eurocks. On y va évidemment pas pour enfiler des perles : il nous faut gagner le fameux chapeau décoré par le logo de la région, élément de style et de survie en cette période quasi-caniculaire. Pas vraiment le temps de savourer ma défaite que j’entends faiblir le DJ set de Serge Bozon, qui anime la Loggia entre les groupes… Et place à Archie & The Bunkers, power duo originaire de Cleveland composé de deux jeunes frères, utilisants respectivement une batterie à bas prix (tel que le décrit leur site) et un synthétiseur bloqué sur l’option orgue. Bien que la setlist du groupe soit énergique, la répétitivité de ses compositions aura raison de nous. Au tour de deux autres frères -décidément-, ceux de The Lemon Twigs, dont la sortie remarquée de leur album Do Hollywood ne vous a surement pas échappé. Retour dans les années 60-70 plus que réussi, rappelant la performance fantasmagorique de Foxygen, deux ans auparavant sur la même scène de la GreenRoom.

Shame à la scène Loggia. Photographie de Brian Kalafatian pour Sound of Britain.

Nous avons malheureusement du délaisser The Lemon Twigs pour aller voir Shame, le premier groupe britannique de cette programmation. Impossible de passer à côté du quintet londonien, considéré comme la relève de la punk britannique. Le groupe a tenu sa promesse, fournissant un set destructeur et rythmé, où régnait joyeusement le chaos.
Pour ce qui était du rap, le concert de PNL, considéré comme la pierre angulaire de la programmation par les organisateurs, était attendu au tournant. Et pour cause, après l’annulation de deux dates à Coachella et le report de leur tournée des Zeniths, la méfiance était de mise. Les deux frères -encore des frères ?- étaient-ils prêts ? C’est finalement dans la plus grande décontraction que nous retrouvons les rappeurs de Corbeil-Essonne, aidés par de belles animations visuelles et par un public visible transcendé par l’occasion.

Iggy Pop, quant à lui, n’a pas perdu de sa superbe. Après avoir fêté ses 70 ans en avril dernier, celui que l’on surnomme « L’Iguane » n’a pas hésité à se baigner dans la foule et à danser avec ses fans venus pour l’occasion, toujours aussi nombreux. Côté électro il nous sera malheureusement impossible d’approcher le concert de Petit biscuit, où la foule revenant de PNL s’était compactée, sur l’espace beaucoup trop petit de la plage. Cela ne nous empêchera pas d’entendre, au loin, jouer Sunset Lover, dans une ambiance résolument estivale.

Bien que la fatigue commence à apparaître timidement en cette fin de soirée, impossible de quitter le festival sans s’attarder au concert du phénomène DJ Snake, dont l’empreinte a façonné la majorité de la production de musique électronique de ces cinq dernières années. Enchaînant hit sur hit, le DJ français a clôturé de la meilleure des manières cette première journée de festivités en fournissant un set de haute volée avant de faire chanter à tout le public La Marseillaise. Un moment de grâce incomparable, tranchant avec les à-coups parfois brutaux de l’electro trap.

 

  • Jour 2 : vendredi 7 juillet

Après un passage devant la punk hargneuse et contestataire du groupe de Bristol Idles, que nous retrouverons cet été à la Route du Rock, nous nous  rendons sur la GreenRoom pour écouter l’irrésistible folk de Devendra Banhart. Le concert commence à peine que nous entendons « Ah, mais c’est lui qui s’est tapé Nathalie Portman ! Il a une jolie barbe… » C’est vrai qu’il a une jolie barbe, mais malheureusement nous n’avons pas trop la possibilité de débrieffer le Closer de la semaine précédente. Nous commencions à peine à planer sur la musique intimiste et touchante de Devendra qu’il nous a fallu redescendre, et changer totalement de registre pour aller voir celui que l’on surnomme l’Empereur du Sale. Il s’agit bien entendu de Lorenzo, un troll de première catégorie qui n’a pas hésité à chanter cinq fois d’affilée son fameux Freestyle du Sale, et d’inviter sur scène un spectateur afin de fumer ce qui ressemblait de loin à de l’herbe médicinale (suivant la législation du pays dans lequel on se trouve).

Nous nous attendions à être surpris par Parcels, mais sans doute pas à ce point. Le groupe australien, bien que tout jeune, a démontré une réelle prestance sur scène et un vrai sens de la composition musicale. Il y a fort à parier que nous entendrons parler de cette formation d’ici peu, surtout au vu de leurs dernières actualités avec Daft Punk et Phoenix.

Gojira était le seul nom métal de cette programmation, alors que les amateurs de ce style se font de plus en plus nombreux. A l’image d’une GreenRoom débordée de part en part, le groupe a fait sensation, à tel point que leur présence aie été qualifiée d’événement.

Dix ans précisément après leur première venue aux Eurockéennes, le groupe Editors a fait son grand retour sur la Grande Scène. Que de chemin parcouru pour le groupe, qui lors de son premier passage au Malsaucy n’aurait pu imaginer rentrer dans la légende de la pop britannique.

Editors à la Grande Scène. Photographie d’Olivier Tisserand pour les Eurockéennes.

Gucci Mane accusant un retard de près de trente minutes, nous n’aurons entendu que la voix de son chauffeur de salle, criant « JUMP » toutes les trois secondes. L’intention de vouloir maintenir le public est louable, mais l’élément temporel est précieux en festival. C’est finalement Machine Gun Kelly qui étonnera les spectateurs en cette fin de soirée. Et pour cause, beaucoup étaient venus voir un concert de rap, et ne s’attendaient pas à voir un groupe entier, alternant avec brio entre hip-hop et garage rock.

 

  • Jour 3 : samedi 8 juillet

Après avoir fait un rapide warm-up sur le toit de l’espace Desperados/RADAR, Vitalic laisse la place au très prometteur Thomas Azier, à l’élégance et au talent incomparable. Certaines femmes, visiblement sensibles au charme du chanteur, cherchaient à se faire remarquer, jusqu’à obtenir un précieux clin d’oeil de la part du jeune homme.
La Grande Scène était sans doute un peu trop imposante pour le groupe Her, attristé par l’absence de leur second chanteur Simon, donnant au concert une ambiance solennelle et émouvante. L’histoire retiendra le talent de cette formation en pleine ascension, et la qualité de ses compositions.

Tuxedo a quant à lui fait danser la Plage sur des airs résolument funkys. Mais la véritable attraction de la journée, pour beaucoup, c’était la venue de Booba pour sa seule date de l’été. Le rappeur était en effet la seconde folie que s’étaient permis les organisateurs du festival, avec PNL. Le public avait en effet fait le déplacement pour l’occasion, et avait fait ses devoirs en revoyant les paroles de celui que l’on surnomme le D.U.C.

Côté rock progressif, le live d’Explosions in the Sky a été un réel moment de grâce, où sonorités se mêlaient aux couleurs et prouvant que parfois il n’y a pas besoin de paroles pour être transporté dans un autre monde. Le groupe américain Dropkick Murphys, s’inspirant des origines irlandaises des Etats-Unis, a quant à lui a su faire danser et se déchaîner les foules.

Justice à la Grande Scène. Photographie de Brice Robert pour les Eurockéennes.

Cette fameuse troisième journée se terminera dans l’apothéose, et dans la boue. Et pour cause, à cause de violents orages annoncés dans la région, et de la pluie battante qui a sévit, le concert tant attendu de Justice n’a pas commencé à l’heure prévue. La pluie refusant de s’arrêter, et les ingénieurs tentants tant bien que mal de protéger les platines des DJ français, il est alors bon ton de penser que le concert sera annulé, par sécurité. Au bout de trente minutes, qui finalement passeront assez vite grâce à l’ambiance magique de la pluie combinée aux chants des festivaliers, une voix se fait entendre, celle du speaker : « Mesdames et Messieurs *insérer un blanc de 4 secondes du speaker et les cris des festivaliers déçus* Nos excuses pour cette attente. Le concert de Justice peut maintenant commencer ! » Cris de soulagement du public donc, pour l’un des groupes d’électronique les plus appréciés de sa génération. La grande messe peut commencer, laissant s’enchaîner les tubes du groupe français dans une ambiance à la fois visuelle et auditive.

 

  • Jour 4 : dimanche 9 juillet

Le festival est sur le point de se clore. Il pleut toujours sur le relief franc-comtois, rendant le terrain boueux. Mais ce n’est pas assez pour décourager les amoureux du festival, grands habitués de conditions climatiques exécrables. D’autant plus qu’une belle journée s’annonce, bien que courte et relativement calme. Un groupe avait retenu notre attention, Diamante Electrico, formation colombienne s’inscrivant dans l’opération diplomatique « Année de la Colombie » crée en coopération avec le festival. Et il faut dire qu’il n’avait pas fait le voyage seul, à en juger par les drapeaux colombiens et les personnes qui les encourageaient en espagnol.

Une heure, ce n’est pas assez pour un groupe comme Royal Blood. D’autant plus que l’ambiance a été plus longue à s’installer que lors du premier passage du groupe aux Eurockéennes, sur la même scène, et ce malgré le chemin parcouru par le binôme depuis. Mais toujours cette même puissance, qui ferait presque croire, si l’on avait les yeux fermés, qu’un quintet est sur scène.

Phoenix à la Grande Scène. Photographie de Brice Robert pour les Eurockéennes.

 

Le groupe Phoenix, aura quant à lui réalisé une bonne performance, malgré quelques soucis techniques rendants impossible l’affichage de la moitié des effets scéniques. Pas grave, nous nous rattraperons pour le Lunallena, à Bandol.

Pas forcément bien placé dans le planning, le concert de Daniel Avery a tout de même affiché complet. Le jeune prodige de la techno anglaise a distillé avec passion des touches psychédéliques sur la Plage. Le concert d’Arcade Fire, finissant de la manière la plus solennelle cette 29ème édition, restera pour beaucoup de spectateurs le meilleur concert de cette édition. L’esprit de groupe demeurera le point fort de ce concert somptueux. A la fois dans la formation canadienne elle-même, où chaque musicien évoluait dans un désordre organisé, mais aussi dans le public, où près de 50’000 personnes reprenaient à l’unisson les refrains entêtants du groupes alors que le feu d’artifice mettait définitivement fin à cette 29ème édition des Eurockéennes de Belfort.

 

  • Bilan

Une magnifique édition, comme à l’accoutumée avec les Eurockéennes de Belfort. Si la programmation a semblé décevoir les adeptes du festival, elle a finalement su se révéler être efficace en mettant en avant des découvertes et des artistes de qualité. La réelle force des Eurockéennes se trouve dans sa simplicité, dans sa beauté et dans son public. Ainsi, à chaque édition, nous entendons que le festival se meurt, mais qu’en est-il vraiment ? Peut-on réellement qualifier les Eurockéennes de Festival à la dérive, lorsque chaque année, alors que sonnent les dernières notes de l’ultime concert de l’édition, des larmes semblent se dessiner sur les joues des festivaliers tristes de devoir partir ?

Quid de l’édition 2018, qui marquera les 30 ans du festival ? Matthieu Pigasse, président des Eurockéennes, se laisse la possibilité de rêver. « Pour l’instant, ce sera au moins sur deux jours (ndlr. les 7 & 8 juillet 2018)… Pour le reste, surprise ! » nous confiera t-il, avant d’ajouter -comme chaque année- « les Daft Punk, pour la 30ème, pourquoi pas ! » Pari risqué pour le festival terrifortain, qui aura lieu en même temps que ses deux grands adversaires : le Main Square Festival d’Arras et le Werchter Festival, en Belgique.

 


Toutes les photos, sauf mention contraire, ont été fournies par les Eurockéennes de Belfort. Nous remercions le festival, l’agence de communication Éphélide, nos contacts sur place ainsi que nos amis pour leur soutien précieux.

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