02 Mai Interview : Frank Carter
A l’occasion de la sortie de End of Suffering, 3ème effort de Frank Carter et ses Rattlesnakes, nous avons rencontré l’énervé frontman pour une interview catastrophe. Récit.
« Demain je suis en journée promo, j’ai vraiment pas envie d’y aller! J’ai envie de dire aux journalistes d’aller se faire foutre! » En concert à la Poudrière de Belfort, 2 jours avant notre interview, Frank Carter a lâché ces mots devant une audience extatique; mots qui nous ont bien évidemment été rapportés. De là, grosse angoisse: Frank Carter va nous enterrer, on va se taper la pire interview du site. Merde. Il nous fallait un concept. Quitte ou double: on a sélectionné divers sujets sur lesquels sir Carter pouvait s’énerver, jouer cartes sur table. Le résultat? Une interview pleine d’amour, à retrouver ci-dessous. Que d’émotions.
On est au courant que tu n’avais pas très envie d’être là aujourd’hui, donc on va rediriger ta haine vers d’autres sujets !
Je suis désolé [rires] Je dis beaucoup de choses sur scène, je ne le pense pas forcément, je sais que ça fera rire les gens [rires]
Que détestes-tu le plus à propos de la France ?
Oh mec, la France ? Merde ! Je ne déteste rien ! J’aime tous les gens qui y sont… La chose que je déteste le plus c’est que je ne puisse pas y être plus souvent, c’est une vraie difficulté ! Notre show à la Poudrière de Belfort était génial !
Que détestes-tu le plus à propos de la scène punk rock ?
A mon sens, le punk rock n’a jamais été qu’une scène, c’est un état d’esprit. Si je devais détester quelque chose, ce serait que parfois ce n’est pas suffisamment visionnaire. A mon sens le punk ce sont des gens qui font ce qu’ils putain de veulent, qui tentent de faire avancer les choses. Viviane Westwood était punk. Virgil Abloh est punk, James Harden est punk. Même Post Malone est punk ! A mon sens, la scène punk rock est très vaste. S’il y a une chose que je déteste, c’est que des nazis l’ont occupé dans les années 80 et ont tentés de la réclamer, de dire qu’elle était à eux, ce qui est faux. Les punks ont toujours été anti-fachistes, et ça doit toujours être comme ça.
Que détestes-tu le plus à propos de certains groupes ? Ça restera entre nous !
Entre nous et ton audience ! [rires] Sérieusement, il y a des groupes qui ne m’intéressent pas, mais quiconque fait de la musique est incroyablement courageux. La musique est quelque chose de très subjectif. Il n’y a pas de groupes que je déteste ; il y en a certains qui ne m’intéressent pas. On a peu de temps sur cette planète, donc pourquoi ne pas faire des trucs cools tant qu’on y est ? Et à mon sens quand t’es un groupe de rock qui lâche des avis comme ça, ce n’est pas forcément demandé, on s’en fout. Mais je ne lâcherai pas de noms ! [rires]
Ça me fait penser au beef Sleaford Mods et Idles… Tu en penses quoi ?
Sleaford Mods cherchent la merde avec tout le monde ! Ils font amis/ennemis tout le temps. Ils savent ce qui va leur donner de la visibilité, ça ne va pas leur faire de mal comme ça ne faisait pas de mal à Oasis dans les années 90 ! Mais il y a tellement de haine dans le monde actuellement, est-ce que cette énergie vaut vraiment le coup d’être dirigée vers un groupe punk-rock progressiste, intelligent et qui essaie de faire bouger les choses ? Putain de non. Comme ma mère le dit, si tu n’as rien de gentil à dire, ferme ta putain de gueule ! [rires]
Il n’y a aucune promotion comme de la mauvaise promotion…
Andy Warhol l’a le mieux expliqué. Il mesurait la presse en centimètres, très littéralement, en empilant des livres ! [rires]
Que détestes-tu le plus à propos de ton premier effort, Blossom ?
Je déteste avoir suggéré l’idée de peindre une centaine de versions de la pochette, c’était une idée à la con. Ça m’a pris 2 mois et demi, et je n’ai toujours pas fini à ce jour ! J’en ai fait 75 et j’étais à bout [rires] J’adore tout le reste, Blossom était parfait pour le moment où il est sorti.
Et à propos de ton deuxième effort, Modern Ruin ?
Hum… Si je devais revenir dans le passé et le refaire je ne changerais pas une seule chose. On pourrait le faire, notamment avec tout ce qu’on a appris au fil des années, mais ce ne serait plus la même chose. Pour ce moment dans le temps, je trouve que ce sont des albums parfaits.
Que détestes-tu le plus à propos de tes clips ?
Rien ! Le seul truc c’est que… On essaie vraiment de faire des choses différentes, de sortir de notre zone de confort, et on n’a pas la visibilité qu’on aimerait avoir. On y met beaucoup de nous mais derrière on n’a pas assez pour mette les clips en avant, et c’est un chemin de croix avant que quelqu’un ne tombe dessus. Tellement d’énergie, de motivation, de sincérité pour que finalement on ne puisse pas toucher une audience large ; c’est super frustrant.
Que détestes-tu le plus à propos de tes concerts ?
Quand j’étais plus jeune, j’allais sur scène et je me foutais de la gueule d’autres groupes, en les nommant spécifiquement, et c’était généralement des groupes avec lesquels je tournais. Je suis extrêmement gêné, c’était un comportement de gamin, et je ne fais plus ça maintenant, j’essaie plutôt de soutenir les jeunes groupes. J’avais une mentalité très fermée et égoïste. Même avec des gros groupes, je ne vois pas trop l’intérêt de faire ça. Coldplay ? Ils ont quand même d’excellents morceau ! Pareil pour The 1975 ! C’est facile d’attaquer des groupes qui ont du succès, surtout quand toi tu n’en as pas. Aujourd’hui je pense que mon énergie est mieux dépensée à travailler sur moi plutôt que de m’attaquer à d’autres personnes.
On ne va pas dire du mal de ton nouvel effort, End of Suffering, alors qu’est-ce que tu adores par rapport à ce nouvel album ?
Tout ! J’en suis incroyablement fier ! Certains des morceaux contiennent mes meilleures performances vocales. J’adores les paroles, j’adore les risques qu’on y prend… J’aime tout, j’aime aussi la pochette.
Qu’est-ce que ça fait de travailler avec Tom Morello ?
Déjà ça a aidé que je joue sur scène avec Prophets of Rage ! Tom est un vieil ami, mon ancien groupe, Gallows, avait joué avec RATM. Quand on a joué avec Prophets en Espagne, on est restés en contact avec, on a gardé un lien qui m’a permis de le faire venir pour l’album. Bosser avec Tom c’est aussi fou que tu peux te le représenter. C’est une légende.
Que détestes-tu le plus à propos de ton job ?
Je déteste être loin de ma fille, c’est très difficile. Elle est entre de bonnes mains, elle a une mère géniale, elle est bien entourée. Mais c’est super difficile au quotidien.
Que détestes-tu le plus dans la société en général ?
Je déteste la société patriarcale. C’est un cauchemar, la masculinité toxique n’a jamais été aussi importante de nos jours. L’égalité entre les genres est quelque chose d’essentiel. Je déteste… Ah mec je ne peux pas trop rentrer là-dedans, on y passerait la nuit [rires] La patriarcat est quelque chose que je déteste, et j’essaie chaque jour de ma vie de créer un espace, notamment pour ma fille, chez moi, espace pour elle, quelque chose qui la mettrait sur un pied d’égalité, qui ferait qu’elle ait les mêmes opportunités que j’ai pu avoir dans ma vie. J’ai beaucoup discuté avec Idles de l’importance de groupes comme les nôtres de pouvoir faire changer les choses, d’avoir cette plateforme, ce pouvoir de parole, qui vient avec des responsabilités.
Que détestes-tu le plus à propos de l’industrie musicale ?
Je déteste la façon qu’ont les choses de toujours paraître aussi putain d’importantes. Si tu écoutes ton manager, chaque opportunité est la meilleure putain d’opportunité de ta vie que tu ne dois absolument pas manquer. Ce n’est pas vrai. Le plus important c’est ta santé mentale, et on peut s’y perdre facilement. C’est ce qui se perd en premier, l’artiste. Les choses évoluent, mais il faut se souvenir que sans artistes il n’y a pas d’industrie musicale. J’aimerais que cette industrie prenne plus de responsabilité dans la préservation du bien-être physique et mental des jeunes artistes. C’est complètement fou. Par exemple, hier et aujourd’hui on a eu des interviews toute la journée, hier on a raté notre train, et là j’ai eu un SMS de mon manager qui voulait ma réponse pour bloquer deux jours pour un festival qui n’a lieu qu’en Novembre. On ne parle pas de la semaine à venir, mais de Novembre ! Avec une deadline de 24h ! Donc on va rater ça parce qu’on n’a pas pu en parler. Donc le vrai souci c’est pourquoi filer une deadline comme ça à un artiste en promotion qui n’a pas le temps et l’énergie de se concentrer sur ce genre de sujet ? Et je sais qu’à la fin de cette journée mon manager va m’engueuler pour cette histoire et je devrais lui dire d’aller se faire foutre [rires] On a une très bonne relation, on dit beaucoup à l’autre d’aller se faire foutre [rires]
Que détestes-tu le plus à propos des interviews ?
[Ironiquement, en jetant un coup d’œil à l’attaché de presse présent dans la pièce] Rien du tout ! [rires] J’adore les journées presse !
Finalement, est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais dire et que tu n’as pas eu l’occasion de dire jusque-là ?
Je veux dire, à tout ceux qui lisent ça : merci de nous donner votre temps. A notre époque où il y a tellement de choix et où chacun peut écouter littéralement ce qu’il veut, le fait qu’on m’accorde du temps est un honneur que je chéris, et je ferai tout ce qui est en mon possible pour être honnête et sincère à propos de ce que je suis et de ce que je fais.
End of Suffering sort ce Vendredi 3 Mai, et on vous recommande chaudement de vous ruer dessus.
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