En immersion dans la 31ème édition des Eurockéennes

La 31ème édition des Eurockéennes n’aura pas ménagé ses organisateurs, tant au niveau climatique qu’humain. Mais la fête triomphe toujours, et les Eurockéennes en sont le plus bel exemple.

Finalement, chaque année semble être l’anniversaire des Eurockéennes, tant le festival ne cesse de se démarquer de ses concurrents. 128.000 personnes auront fait le déplacement pour cette 31ème édition. Un peu moins que l’édition précédente (qui marquait une affluence record de 135.000 personnnes) mais tout de même un bon résultat pour l’événement qui, comme beaucoup d’autres à l’exception du Hellfest, a été fortement impacté par la crise des Gilets Jaunes. Conséquence indirecte, la légère augmentation du prix des billets, attendue au vu des coûts liés au cachet des artistes et à la sécurité, mais restant en deçà du prix des grands festivals parisiens. Avec le magnifique cadre de la Presqu’ile du Malsaucy en plus.

Malgré l’annulation du très attendu groupe The Prodigy, après la disparition de son chanteur, l’événement a su trouver une solution en invitant The Smashing Pumpkins en cloture pour leur unique date française.

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  • Se réinventer tout en restant fidèle à ses racines.

Rares sont les événements qui, en France, attisent autant les passions. Niché au coeur du site naturel du Malsaucy, le festival peut se targuer de faire revenir, d’année en année, un grand nombre d’habitués. Un événement interessant les festivaliers pour son contexte familial, cette année renforcé par la présence des humoristes Le Comte de Bouderbala et Malik Bentalha, à n’en pas douter aussi pour ses animations et son engagement associatif, mais surtout pour sa programmation très diversifiée. Son camping, gratuit, est aussi un élément contribuant fortement à l’attractivité pour le festival. A ce titre faudra t-il remarquer la très bonne coordination des navettes entre le festival et le camping, permettants de rarement attendre pour rejoindre les deux lieux de festivités. Même constat pour les sanitaires et les points d’eau placés dans le festival et permettants de rapidement pouvoir subvenir à ses besoins.

Forcément, le festival expérimente, à l’image de l’utilisation réussie et attendue par beaucoup du cashless. Expérimentation un peu moins réussie, celle du nouveau placement de la régie, ne contribuant malheureusement, sans considérer les éventuelles mesures de sécurité, qu’à créer de nombreux mouvements de foules dans certains espaces réduits.

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A la manière des plus grands, dont les Eurockéennes font à notre avis parties, l’événement propose bien plus qu’un festival de musique, à l’image de ses stands dédiés à la sensibilisation contre le harcèlement en festival, ou encore son stand All Access et son bar tenu par des personnes handicapées. Si nous regrettons l’absence du feu d’artifice, tant il est difficile d’oublier celui offert en fermeture d’Arcade Fire deux ans auparavant, la présence de la Patrouille de France semble être devenue une habitude, pour le plus grand plaisir des festivaliers.

Malgré tout, rarement les clivages entre l’ancienne génération du festival et la nouvelle, restant principalement à la Greenroom, n’auront été aussi marqués. La présence décriée de certains artistes, notamment The Chainsmokers ou encore Ninho, marque pour beaucoup un tournant dans l’histoire du Festival, cherchant de plus en plus à capter un nouvel auditoire notamment interessé par les musiques urbaines et électroniques. Mais finalement, il semble difficile de ne pas s’amuser devant les effets pyrotechniques des Chainsmokers, rappellants les plus grands festivals de musique électronique, ou encore devant la pop si actuelle d’Angèle. En contrepartie, jamais le festival n’aura été autant attaché à ses valeurs, proposant un panaché artistique se faisant rare en festival et un défrichage musical des plus intéressants, porté cette année dans sa totalité par son programmateur Kem Lalot et se ressentant notamment sur les scènes de la Loggia et de la Plage. Il était ainsi possible de de voir l’unique date française de Weezer, le génie de la guitare John Butler, le fameux groupe de métal mongol The Hu ou encore le duo de musique électronique Kompromat, porté par les géniaux producteurs de musique électronique Rebeka Warrior et Vitalic. Un calcul de bon sens pour le festival, qui en plus de suivre avec beaucoup d’intérêt les tendances musicales, se heurte de plein fouet à une multiplication des festivals de moyenne capacité, programmants aussi la nouvelle vague de musique urbaine française. Ainsi, seuls les jours aux têtes d’affiches issues de cette dernier auront fait complet, contrairement au jeudi et au dimanche. A tel point qu’Arnaud Rebotini, assurant le closing du festival sur la Plage et présentant en live ses compositions de 120 Battements par Minute, se demandait où était parti le public du festival pendant son rappel.

  • Les Eurockéennes méritent de porter les couleurs du Rock.

« Y’a plus de rock« , argumentaient certains habitués du festival à de jeunes spectateurs de Romeo Elvis, définitivement plus interessés par la musique que par un quelconque débat et qui visiblement n’avaient jamais vu une vidéo d’Eddy le Quartier. Une ritournelle que nous avons l’habitude d’entendre à l’annonce des programmations, mais qui est assez rapidement balayée avec une scripuleuse analyse de celles-ci. Dès l’ouverture le ton est donné par Bigger, joyau rock franc-comtois montrant l’engagement local plus que jamais renouvelé par le festival. Le groupe mené par l’irlandais Kevin Twoney est promis à un bel avenir et aura convaincu nombre de spectateurs. Quelques minutes après c’est Slash, l’une des trois têtes d’affiche de la soirée, qui enflamme la Grande Scène, avec l’aide appréciable de Miles Kennedy. Si on regrettera que l’artiste ne joue pas -ou peu- de morceaux issus du répertoire de Gun’s N Roses, on ne se lasse pas de voir son imposante chevelure sur scène. Interpol de son côté aura fourni un show milimitré, d’une classe sans égale et d’une justesse devenue rare. Le groupe de métal français Mass Hysteria, qui devait être accompagné de ses amis, aura fourni un grand moment de métal pour ses fans – même si nous avons eu du mal à rentrer dans l’ambiance. Un concert restera dans les annales, celui de Parkway Drive. Programmé en 2015 sur la Grande Scène, le groupe a souhaité faire son concert sous la seconde scène du festival, abritée par un chapiteau. L’objectif, mettre en avant les effets pyrotechniques. Et en effet, quels effets, le groupe n’hésitant pas à littéralement mettre le feu à la scène de la Greenroom. Un show comme il en existe peu.

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  • La scène britannique et irlandaise mise à l’honneur

Les artistes britanniques n’ont pas été boudés par les programmateurs du festival, malgré l’annulation malheureuse de Sam Fender et de Bakar. Pour beaucoup, le show d’Idles aura été l’un des meilleurs de cette édition, déchaînant la rage punk sur la scène de la Greenroom. Si nous avons souvent vus des chanteurs cracher en l’air, rares sont ceux qui ont réussis à rattraper leur crachat en vol comme le déjanté Joe Talbot. Fontaines D.C. aura aussi attiré nombre de personnes, qu’ils soient fans du prometteur groupe de Dublin ou bien simples spectateurs curieux, et définitivement séduits. De son côté, Frank Carter et ses Rattlesnakes auront offert une plongée dans le troisième album du groupe. Un album basé sur les expériences de son chanteur, forcément plus sage et mature donc, entrecoupé d’extraits des deux précédents opus du groupe. Le rap de Kate Tempest, dont le dernier effort a été adoubé par la critique, n’a laissé personne indifférent en déballant sa poésie engagée sur la Plage du festival.

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  • « Ce soir, aidez-moi à transformer les Eurockéennes en Eurapéennes »

Malgré un manque criant d’artistes issus d’une scène rap étrangère devenue trop chère, dont The Roots et Kate Tempest ont été au cours du festival les plus dignes représentants, la musique rap française a été largement mise à l’honneur. Rarement la Grande Scène du festival n’aura été autant remplie que pour accueillir Nekfeu, présentant un nouveau projet fortement imprégné de l’expérience cinématographique du rappeur. Même constat lors du concert d’Angele aussi aura fait sale comble, quitte à faire déborder le chapiteau de la Greenroom, seconde plus grande scène de l’événement. En cause, un contrat signé avec l’artiste belge avant son explosion médiatique, et l’impossibilité pour l’équipe du festival de la faire passer sur une scène plus grande. C’est sans doute le show de NTM qui aura de son côté marqué les nombreux spectateurs, qu’ils soient fans de la première heure ou bien simplement respectueux du travail accompli par le duo.

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  • Une édition compliquée pour ses organisateurs

Malheureusement, nous l’avons dit, cette édition n’aura laissé que de très rares moments de répit à ses organisateurs. Nous vous en parlions l’année dernière, l’augmention considerée comme démesurée et délétère par les organisateurs des frais liés à la sécurité sur le festival mine les dépenses du festival, surtout lorsque l’on met en parallèle la diminution significative des effectifs de maintien de l’ordre dépêchés sur place. Mais il n’aura fallu qu’une prise de décision de la Préfecture pour mettre le feu aux poudres entre les instances de l’Etat et l’organisation du Festival. En cause notamment les contrôles de stupéfiants opérés par la Gendarmerie et des équipes cynophiles sur le site du camping, du festival et de l’espace mécènes et ayant mené à l’interpellation de plus de 280 festivaliers. ‘Un message fort d’hostilité‘ pour Matthieu Pigasse, Président du Festival, d’autant plus que ces actions ont été réalisées sans prévenir l’organisation du Festival. De son côté la préfecture assure se conformer à l’objectif de lutte contre les stupéfiants mis en avant par l’Etat.

Peu de répit aussi, du côté de la météo. Difficile de dire ce que seraient les Eurockéennes sans la pluie, tant les festivaliers se préparent, d’année en année, à faire face aux averses les plus extrèmes – et dont seule la Franche-Comté semble avoir le secret. Si l’alerte pour orage de grêle aura précipité la fin du second jour de festivités, contraignant l’organisation du festival à mettre fin aux concerts de Thylacine et de Tchami & Malaa. Plus de peur que de mal finalement, notamment pour les nombreux festivaliers présents sur le camping du festival, l’orage se déplaçant vers les voisins alsacien.

Si l’organisation se laisse encore le temps de décider combien de jours durera la prochaine édition, entre « 3, 4, 5 » indique Matthieu Pigasse en conférence de presse, nul doute que les Eurockéennes de Belfort reviendront plus fortes que jamais. C’est tout ce qu’on leur souhaite.

(Photo mise en avant réalisée lors du concert de Chainsmokers par Brice Robert pour les Eurockéennes)

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