slowthai – UGLY

Deux ans après TYRON, slowthai fait son grand retour avec UGLY , un album explosivement surprenant. Enregistré dans son studio dans le sud de Londres, c’est Dan Carey (Speedy Wunderground) qui signe la production de ce troisième album, aux côtés de collaborateurs tels que Kwes Darko et Taylor Skye (Jockstrap) ainsi que Fontaines D.C. Le chanteur de Northampton y a décidé de créer son propre son, en s’éloignant des codes du hip-hop bien présents dans ses deux premiers albums. Tyron Frampton donne place à ses origines punk – que l’on connaissait déjà vaguement sur Doorman – mais varie les plaisirs pour nous offrir un album explosif et contrasté.

Yum ouvre l’album en reprenant des affirmations positives, mais contrairement à l’image des courants de développement personnel, le chanteur est à bout de souffle et craque aussi vite que le rythme ne s’accélère. Cette ouverture est une introspection sur la santé mentale de l’artiste, il y parle de ses séances de thérapies ratées, d’addiction(s), d’auto-destruction et même de golden showers. C’est à se demander si slowthai ne voulait pas nous donner une crise d’angoisse dès le début de UGLY. Alors qu’il nous répète « excuse me while I self destruct, ‘cause I don’t give a fuck » sur des sons que l’on peut décrire comme proches de l’inconfort, le ton de l’album est tellement affirmé que Yum en devient presque déjà le morceau le plus impactant de UGLY. On reprend son souffle et on écoute la suite. 

Sur Selfish – que l’on avait découvert en février à l’annonce de l’album -, l’artiste baisse l’intensité mais ne perd pas en impact. Il crache ce qu’il a à dire, puis il se pose sur un bridge chanté presque mélodique. slowthai essaie ici de se rappeler qu’être égoïste est une nécessité pour évoluer dans un monde où l’on est seul.e.s avec nous-mêmes. Les deux titres qui suivent se rapprochent musicalement d’un pop-rock anglais de la fin des années 2010 avec des tonalités positives et dansantes : c’est comme si Frampton reprenait conscience d’un environnement extérieur où il peut prendre du plaisir. 

slowthai ne s’arrête pas ici dans son introspection sur la santé mentale. Dans HAPPY, il s’attaque à la recherche constante de bonheur à travers toutes ses actions au quotidien. Des lyrics parlés à la manière d’un post-punk de Charlie Steen (shame) par-dessus des basses oppressantes nous introduisent tout juste à UGLY. Le titre éponyme, que l’on retrouve tatoué sous l’œil de slowthai et qui est l’élément central de la pochette, est un acronyme pour « U Gotta Love Yourself » (trad. « tu dois t’aimer »). Le chanteur affirme dans un communiqué que ce tatouage est pour lui un rappel de s’aimer et d’arrêter de se rabaisser constamment. C’est pour lui une émancipation de penser que l’impression que les gens ont de lui définissent qui il est. 

Après avoir navigué 8 morceaux intenses, slowthai nous offre Falling. Telle la fin d’une crise d’angoisse, Tyron Frampton est épuisé, il se laisse tomber dans les abysses, emporté par la vie. Il parle d’un mode automatique utilisé pour piloter sa vie quand il n’en a plus la force, qu’il ne se sent plus présent. Sa voix à bout de souffle, presque anti mélodique est ici un instrument qu’il utilise avec réussite. Le rappeur reprend ses dernières forces dans Wotz Funny pour s’offusquer de sujets qui le tiennent à cœur, des enjeux sociaux de rire de la pauvreté. C’est dans Tourniquet qu’il s’émancipe enfin de ce qui le tire vers le bas. Il décide d’avancer, en criant peut-être, mais il y parvient. slowthai clôture UGLY avec un morceau qui ne lui ressemble. 25% Club est presque une ballade – à la slowthai biensur -, il s’ouvre et répond au premier titre Yum

UGLY est un album à écouter comme une expérience. Malgré des refrains qui se hurleront en festival cet été (ou à l’Elysée Montmartre en septembre), la priorité de slowthai n’a pas été ici de créer des singles. Ce sont 12 morceaux qui font sens, qui se complètent et qui vous couperont le souffle, car si il y a bien quelque chose que slowthai a voulu partager avec nous, c’est son anxiété. 

TRACKLIST

Yum

Selfish

Sooner

Feel Good

Never Again

Fuck It Puppet

HAPPY

UGLY

Falling

Wotz Funny

Tourniquet

25% Club

LA NOTE DE LA REDACTRICE : 8,5/10

Ses morceaux favoris : Yum, Selfish, UGLY, Tourniquet

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