Pulp - More

Pulp – More

Vingt-quatre ans après leur dernier album studio, Pulp signe un retour aussi élégant que mélancolique. Sans révolutionner sa formule, le groupe livre un disque dansant, nuancé et terriblement juste.

Vingt-quatre ans. C’est le temps qu’il aura fallu attendre depuis We Love Life (2001) pour que Pulp sorte enfin un nouvel album studio. Avec More, le groupe propose une sorte de diptyque tardif, un miroir tendu à Different Class (1995). Et le clin d’œil est clair dès Spike Island, premier single dont le clip, généré par intelligence artificielle, assemble des images issues de l’artwork de leur album le plus culte. More s’ancre dans l’héritage, mais parle depuis un autre temps.

Pulp - Spike Island (Official Video)
Pulp Spike Island

Comme ses prédecesseurs, More donne envie de danser. Sur dix titres, seuls quatre se montrent calmes – et encore. The Hymn of the North, l’un des plus marquants, est tout sauf figé. Portée par les claviers délicats de Chilly Gonzales, cette chanson d’amour en apesanteur monte en tension jusqu’à atteindre une intensité rare.

À l’inverse, Slow Jam joue la carte de la retenue : un morceau ralenti, doux, presque éteint, où la mélancolie affleure sans jamais virer au pathos. Le reste de l’album, lui, est bien plus rythmé. Got to Have Love, par exemple, apporte une touche solaire, dansante, avec un petit goût seventies. Un titre taillé pour les concerts – on a hâte de le vivre en live cet été à La Route du Rock.

Pulp - Got to Have Love (Official Video)
PulpGot To Have Love

Des textes aussi ironiques que lucides

Mais ce qui frappe surtout, c’est la plume de Jarvis Cocker. Toujours aussi mordante, lucide, précise. Il observe la vieillesse, les normes de genre, l’usure du quotidien, avec un humour et une acuité qui n’ont pas pris une ride.

Dans Grown Ups, il résume le temps qui passe en quelques vers : « So you move from Camden / Out to Hackney / And you stress about wrinkles / Instead of acne » . Dans My Sex, il lâche cette phrase à la fois drôle et profondément actuelle : « I haven’t got an agenda / I haven’t even got a gender » .

Des échos familiers

Avec More, Pulp tisse des ponts subtils entre passé et présent. Quand Jarvis épelle « L.O.V.E. » sur Got to Have Love, impossible de ne pas penser à F.E.E.L.I.N.G.C.A.L.L.E.D.L.O.V.E., la neuvième piste de Different Class (1995). La filiation est évidente, mais jamais appuyée. Ce sont des clins d’œil, des échos glissés dans les chansons, comme des souvenirs qui remontent sans crier gare.

Dans Disco 2000, Jarvis racontait avec autodérision ses souvenirs d’adolescence, évoquant Deborah, amour platonique jamais consommé. Sur More, c’est Tina qui devient cette figure fuyante et fantasmée : une inconnue croisée dans le métro ou sous la neige, jamais abordée, mais autour de laquelle se tisse une relation fictive nourrie de détails inventés. Le narrateur et Tina ne se sont jamais parlés, pourtant elle occupe tout son imaginaire. Dans Grown Ups, Tina réapparaît brièvement, comme une ombre du passé que l’on finit par « oublier » , engloutie par les injonctions à devenir adulte. À travers ces figures féminines rêvées, Pulp excelle dans l’art de raconter les amours bancales, les solitudes modernes et les illusions tenaces, avec une tendresse désabusée et une précision presque sociologique.

Pulp - Farmers Market (Later... with Jools Holland)
PulpFarmers marker

Elegance et retenue

La production, signée James Ford (Arctic Monkeys, Fontaines D.C .…), donne au disque une clarté élégante. Les arrangements sont riches, les orchestrations plus cinématographiques, les ambiances feutrées. La voix de Jarvis, posée, est parfaitement mise en valeur.

Pourtant, More reste globalement sage. Le groupe n’essaie pas de bousculer sa formule ni de se réinventer. On aurait pu espérer davantage de prise de risque. Le disque séduit par sa cohérence et sa finesse, mais surprend rarement. Ce n’est pas un défaut rédhibitoire – tant la qualité d’exécution est là – mais un peu plus d’audace n’aurait pas déplu.

Vieillir sans tricher

Avec More, Pulp ne cherche ni à innover, ni à se réinventer. Et c’est justement là que réside sa force. Dans un paysage 2025 où la britpop renaît de ses cendres, le groupe de Sheffield signe un retour empreint de nostalgie, mais sans caricature.

Jarvis Cocker, fidèle à lui-même, observe le monde avec une ironie élégante et livre des textes d’une justesse désarmante. More ne révolutionne rien, mais il fait tout avec style : danser, raconter, suggérer. Un disque sobrement produit, nuancé, cohérent, qui rejoue les scènes du passé avec une tendresse désabusée. Ce n’est pas un come-back triomphant, c’est une réapparition digne. Et c’est peut-être encore plus bouleversant.

Tracklist :

Spike Island
Tina
Grown Ups
Slow Jam
Farmers Market
My Sex
Got To Have Love
Background Noise
Partial Eclipse
The Hymn of the North
A Sunset

La note de la rédactrice : 7/10
Ses titres préférés : Tina, Got To Have Love, The Hymn of the North
Les autres notes :
Solly : 7/10. Un retour en studio réussi pour Pulp, gros coup de cœur pour The Hymn of the North et A Sunset.

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