16 Sep Shame – Cutthroat
Avec Cutthroat, Shame poursuit son exploration post-punk. Un album brut et expérimental, pensé pour le live, mais qui divise par ses détours americana et électro.
Deux ans après Food for Worms, le quatuor londonien revient avec un quatrième album, Cutthroat. Annoncé comme un retour plus frontal et plus tranchant, le disque promettait une gifle post-punk sans compromis. Mais à l’écoute, le résultat oscille entre éclairs de fulgurance et chemins de traverse parfois déconcertants.
Pourtant, dès l’ouverture, avec le morceau-titre, Cutthroat, on retrouve l’essence de Shame : une énergie rageuse, une attaque frontale contre la lâcheté et l’hypocrisie ambiantes. Par ailleurs, le clip dégage cette hargne ! On y découvre Charlie Steen et ses compères sous un chapiteau où ce dernier enfourche une moto dans un Wall of Death, parade en short doré, transformant la provocation en spectacle à la fois grotesque et fascinant.
On retrouve également cette énergie sur Cowards Around, l’un des titres phares, où le leader de Shame fustige les députés et figures d’autorité, les qualifiant de lâches : « Cowards are politicians, criminals […] Cowards are Members of Parliament » . La provocation s’accompagne d’un ton presque fragile, comme si la dénonciation des autres révélait en creux ses propres failles.
Shame surprend toutefois en multipliant les détours stylistiques : électronique, americana, guitares rageuses… Mais si l’effort est à saluer, tout n’atterrit pas avec la même justesse. En effet, certains morceaux explosent tandis que d’autres peinent à maintenir l’énergie. Lampião, partiellement chanté en portugais, captive par son rythme hypnotique et ses changements de tempo, mais sa nervosité fluctuante lui fait perdre un peu de punch. Axis of Evil, plus abrasif et électronique, reste néanmoins audacieux, mais difficile à soutenir sur la durée.
Là où les Londoniens excellaient dans la cohérence fulminante et brute de ses premiers albums, Cutthroat prend de le risque de diluer l’essence post-punk du groupe. Même si l’élargissement de la palette musicale diversifie l’album et apporte du contraste, cela accentue également le sentiment d’un disque qui ne suit pas toujours une ligne claire.
Ici, Shame revendique un disque « joyride« , pensé pour le live : direct et brut. Charlie Steen le confirme, leur scène n’est pas un « performance art » mais une confrontation avec le public. On sent cette énergie sur plusieurs morceaux comme To and Fro ou Screwdriver. Malheureusement, les expérimentations sonores estompent parfois l’impact et freinent l’élan que l’on espérait.
Au final, Cutthroat reste un album de contrastes. Il regorge de fulgurances et de morceaux pensés pour secouer le public en live, mais l’inégalité des morceaux et certains détours stylistiques amoindrissent le retentissement global. Shame continue de pousser ses limites et d’expérimenter, mais ce quatrième disque apparaît davantage comme un terrain de jeu que comme une affirmation complète de leur puissance post-punk. Pour les fans, il y a de quoi se réjouir ; pour les attentes élevées, la satisfaction est plus mitigée.
Tracklist
Cutthroat
Cowards Around
Quiet Life
Nothing Better
Plaster
Spartak
To and Fro
Lampião
After Party
Screwdriver
Packshot
Axis of Devil
La note du rédacteur : 6/10
Ses titres préférés : Cutthroat, Packshot
No Comments