Pitchfork 2015 : Thom Yorke, la perchitude à son excès

Remplaçant de luxe d’une Björk démissionnaire, le leader de Radiohead était probablement l’artiste le plus attendu de ces trois jours.

 

Il y a de la cohérence chez les programmateurs du Pitchfork Music Festival, il faut le reconnaître. Parce qu’au-delà de tailler sur mesure une programmation pour un festival érigé en temple du cool et de la musique branchée, ils ont su parfaitement rebondir après l’annulation – pour des raisons encore obscures – de Björk cet été. La Route du Rock avait choisi Foals (bien leur a pris aussi), et le Pitchfork, Thom Yorke. Pas étonnant, car comme Björk, il est de ces précieux artistes qui ont marqué les années 90 et inscrit leur patte au panthéon de l’histoire de la musique. Des artistes singuliers, aux univers très particuliers, qui ont marqué leurs époques et influencé tant de musiciens derrière.

 

Sous la Grande Halle de la Villette, passant juste derrière des Battles qui ont fait l’unanimité, Thom Yorke était très attendu. Sur scène, deux petits écrans surplombent le public et trois grands rectangles sont placés en fond. A droite de Yorke, le bien discret Nigel Godrich, producteur de Radiohead (et de Jonny Greenwood) qui complète Yorke en solo. A gauche, Tarik Barri, maître à penser en termes de créations visuelles, appelé à articuler l’ensemble aux triturations musicales de Thom Yorke et son complice. Entamant sur The Clock avant d’embrayer avec A Brain in a Bottle, le frontman de Radiohead ne semble pas manquer d’inspiration(s). Comme sous acides, portés par des élans qui me semblent bien étrangers moi qui m’enivre au jus mangue passion maté – on est branché, ou on ne l’est pas – Thom Yorke et ses deux complices enchaînent à coups de beats élégants, envolées électroniques et autres sonorités bizarres. On ne reprochera pas à Yorke d’aller chercher, fouiller, expérimenter. En revanche, on pourra lui reprocher d’en faire n’importe quoi.
Car si le public est fasciné par le génie Yorke, difficile de rentrer dans son univers complexe, où la mélodie est un fantôme qui vous nargue pour ne jamais se matérialiser. Là-dessus, sur ce brouhaha électronique qui manque à 80% de cohérence, Yorke posera sa voix délicate et touche, mais trop souvent inaudible. J’aurais aimé être emporté par ce que j’ai écouté d’une version studio (Tomorrow’s Modern Boxes, son deuxième album solo) sortie un an auparavant sur un torrent moyennant quelques euros. J’aurais aimé que l’avant-gardiste Thom Yorke ne soit pas aussi perché, performant au détriment d’un soupçon de mélodie. Il jouera bien deux titres d’Atoms For Peace, son autre side-project (Amok et Default, qui clôturera ce set poussif), deux morceaux qui seront presque accueillis pour des séquences salvatrices pour un public réceptif. A 46 ans, Thom Yorke a toujours l’énergie, ses pas de danse alien-esques le prouvant, mais pour ce qu’il en est du génie créatif, on en vient à prier le bon Dieu pour que Radiohead revienne enfin et ainsi faire oublier ce genre de soirée où en situation de malaise, contraint et forcé, tu as fait tomber le maestro de son piédestal.

 

 

Setlist :

 

The Clock

A Brain in a Bottle

Impossible Knots

Black Swan

Guess Again!

Amok

Not the News

Truth Ray

Traffic

Twist

Nose Grows Some

Cymbal Rush

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