« Amy », entre grandeur et décadence : Un docu poignant

Asif Kapadia s’est plongé dans la vie-carrière d’Amy Winehouse, incarnation du rise & fall dans sa plus tragique représentation.

 

 

Etait-ce trop frais ? Quatre ans après la mort d’Amy Winehouse, Asif Kapadia s’apprête à entrer dans la course aux Oscars avec un documentaire consacré à la chanteuse. Icône avant l’heure, objet de fantasme et artiste incomprise, Amy a fasciné autant qu’elle a suscité l’adoration et aimanté les médias. Depuis sa disparition en 2011 – elle entrait alors dans le bien triste club des 27, nom donné à un cercle fermé de stars parties à 27 ans – mélomanes comme journalistes et fans de la chanteuse soul s’interrogent encore. Et une question revient de manière incessante : qu’est-ce (ou qui) a tué Amy Winehouse ?

 

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Ne comptez pas sur Kapadia pour jouer la « balance ». Néanmoins, celui qui a l’on doit le sublime documentaire sur Ayrton Senna (2010) nous donne quelques cartes pour se forger une propre opinion. Au fur et à mesure que l’on se plonge dans le quotidien de la star, entre images officielles et une multitude de séquences rares et intimistes, le spectateur devient acteur. Tentant de refouler cette malsaine sensation, décortiquant à nouveau la vie d’une star maudite mais pas déchue, il se place sans le vouloir dans la peau d’un potentiel meurtrier. Celui-là même qui mangeait dans la main des tabloïds et nourrissait l’ultra-médiatisation d’une femme surexposée. Celui-là qui trouvait quelque chose de grisant, voire excitant, dans le fait de voir une artiste en devenir filer inexorablement vers une fin certaine. C’est l’angle choisi, la dimension voyeuriste sans limite, qui provoquera une forme de culpabilité, celle d’avoir fouillé dans la vie personnelle d’une morte et à nouveau sans défense.

 

 

Que découvre-t-on dans Amy ? Derrière le portrait d’un talent brut doublé d’une femme sensible, passionnée et un brin enfant, navigue plusieurs « personnages », de son père qui prendra une importance cruciale – notamment dans la chute de sa propre fille – à ses amis, en passant par son petit ami Blake Fielder-Civil, son label… Tous sont plus ou moins impliqués, plus ou moins coupables aussi. D’avoir sous-estimer le drame qui se tramait sous ses yeux, d’avoir pousser une innocente fragile dans ses plus sombres retranchements, de ne pas avoir fixer de limites, d’avoir été dépassé les événements.

Outre ce jeu de cluedo grandeur nature malsain, Amy permet de rendre hommage à une artiste soul hors pair, en revisitant les grands chapitres d’une carrière fulgurante, au rythme d’une bande originale permettant de constater que chaque titre écrit et composé illustre trait pour trait le vécu de l’auteure des albums Frank et Back to Black. En somme, le résultat d’Amy, c’est la somme de tous les ingrédients qui font du destin d’Amy Winehouse une grande histoire hollywoodienne, avec tout ce qu’il faut de sulfureux et de passion. Amy, une histoire d’extrêmes en quelque sorte, un documentaire sur une star dans sa quintessence et une réflexion sur une époque, un objet voué à la réussite s’il est signé d’une main de maître.

 

Disponible en DVD, ce docu aussi vertigineux que passionnant s’admire autant pour sa narration captivante que son enveloppe musicale où chaque morceau choisi prend un tout autre relief, offrant une émotion que l’on aurait peut-être pas pu saisir jadis. Si l’objet cinématographique ne vous intrigue pas assez, et que seul l’amour de la musique est parlant, autant se tourner vers la belle galette qui sert de bande-originale, où le thème du Brésilien Antonio Pinto fait écho aux plus belles créations de l’artiste, entre la sublime version acapella de Back to Black, ses premiers titres, et des sessions oubliées (Jools Holland, Live Lounge).

 

 

Amy, d’Asif Kapadia, dans les bacs depuis le 2 décembre.

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