Muse : The Second Law, l’éternel renouveau

Muse livre un sixième album aussi éclectique que grandiloquent. A la hauteur d’un groupe qui ne cessera d’amasser les foules devant sa vision du rock.

 

 

Supremacy. The Second Law débute par un titre presque loin d’être anodin, comme si le trio du Devon avait conscience de son statut de groupe-superstar. Le frontman Matthew Bellamy a construit tout une mystique mégalomanie autour de son groupe qu’il portait à bout de bras jusqu’ici. Pour ce sixième album, toujours plus expérimental, il lâche la bride et laisse ses deux copains de route parler rythmes, paroles et mélodies. Cela donne un The Second Law éclectique au possible, passant par toutes les émotions, surlignant plus que jamais cette image d’un groupe de rock indéniable roi du renouveau multipliant les grands écarts en termes de références. The Second Law, plaisir auditif et grand écart musical, ainsi soit-il.

 

Muse

 

L’opus se lance avec un titre résolument rock, qui aurait très bien pu résonner dans un générique de James Bond. Le lyrisme habituel du groupe, toujours aussi nombriliste (mais putain qu’est-ce que c’est un groupe de rock qui s’assume comme tel), se mêle au rythme des cordes fracassés, lesquelles rappelle les brillantes compos d’un certain Brian May (bras droit de Freddie Mercury chez Queen). Supremacy est un habile croisement entre « Shrinking Universe » et « Hoodoo », deux titres qui parleront certainement aux aficionados. Alors pourquoi cette référence ? Car « Supremacy » est tout simplement le seul titre capable de mettre enfin d’accord les anciens supporters de Muse (ceux qui sont restés bloqués à Origin of Symmetry parce qu’ils ont lamentablement raté l’ascenseur) et les New Born qui ont vu le jour avec Black Holes & Revelations. Le titre est sublime, épique, grandiloquent. Tout Muse.

 

Pourtant, l’oreille va vite comprendre que Muse ne va sûrement pas se résoudre à des titres cohérents d’une piste à l’autre. « Madness » prend ainsi le relais, et si le morceau reste toujours autant décrié, il est un petit bonbon acidulé sur l’habituelle peinture post-apocalyptique dessinée par le groupe. « Panic Station » continue de marquer la rupture, avec une évidente référence Queen-iesque (« Another Bites The Dust » dès les premières notes). Pourtant, le titre volontairement pompeux séduit par ses tonalités funk-rock remuantes. Un coup de cœur en puissance que le « Prelude » (sublime mini-opérette introductrice) et « Survival » vont sublimer. L’hymne des JO ne résonne plus de la même façon depuis que Muse l’a interprété au Stade Olympique lors de la cérémonie de clôture. Le morceau propose même un double discours sur la réussite d’un groupe qui s’est battu contre vents et marées pour imposer sa marque de fabrique. « Oui, je vais gagner », assure un hurlant Matthew Bellamy, comme un message subliminal.

 

 

« Follow Me » est la première incartade de l’opus. Expliquons-nous. Les battements de cœur du petit Bingham Bellamy (ça c’est du featuring) et la voix crépusculaire du père n’ont rien de déplaisants. A priori, les touches électro qui s’en suivent et rappellent « Take A Bow » non plus. Même les premières esquisses dubstep n’ont rien de décevantes. Pourtant sur l’ensemble, « Follow Me » aurait plus sa place sur le générique de L’Histoire sans Fin que sur une gigantesque scène. « Tu peux me suivre, tu peux me faire confiance », argue Bellamy comme une invitation. On aurait volontiers dit oui si l’esprit créateur du groupe n’avait pas tenté de prendre le Bono-style dans son timbre de voix pour le final.

 

Alors Muse continue de multiplier les références et pour les deux titres suivants, « Animals » et « Explorers », c’est Radiohead qui en hérite. « Animals » est un titre habité par l’ennui, sans fulgurance malgré le bon potentiel du riff final. L’interrogation sur la condition humaine et l’instant animal sommeillant en nous trouvent un écho plus posé dans « Explorers », qui se teinte du romantisme exacerbé de « Sing of Absolution ». Ce titre qui passerait très bien sur les ondes de CherieFM est principalement sur la capacité de Bellamy à faire de sa superbe voix un outil de mélodie, qualité qui manque de nos jours dans le rock.

 

Lors de la composition de cet album, Muse affirme avoir écouté autant Skrillex (« un truc qui envoie en live ») que U2. Et c’est le second qui fera clairement l’objet du titre « Big Freeze », qui sonne trop-très U2. Cela dit, si la bande de Bono entonnait ce type de morceau, elle gagnerait en crédibilité, bien qu’Atchung Baby soit la référence de Bellamy pour l’occasion. Son refrain ne manquera pas de bousculer une foule légèrement tétanisée par un album difficilement à capter. Insaisissable, The Second Law poursuit en donnant la parole au bassiste, le si discret Chris Wolstenholme qui compose et interprète la litanique « Save Me », morceau personnel où il exorcise son ancienne addiction à l’alcool (probablement après qu’on lui ait gentiment demandé d’arrêter de remuer sa tête au risque d’un fâcheux torticolis). « Save Me », bien qu’on n’ait aucune envie de s’éterniser dessus, est une compo touchante mais loin d’être indispensable. Et à vrai dire, vu « Liquid State » qui prend le relais, on comprend pourquoi. Si le titre, qui sonne indéniablement plus heavy, est une parenthèse méconnaissable qu’on ne renierait pas, vu le manque de guitare dans cet opus.

 

 

Muse clôture son feu d’artifice par un diptyque où « Unsustainable » et « Isolated System » se tirent la bourré dans un combat inégal. La première est de loin la plus osée, la preuve vivante que l’opéra grandiloquent au dubstep apocalyptique, il n’y a qu’un pas. Muse réussit un tour de force qu’on n’imaginait pas évident alors que le titre est connu depuis plus d’un mois. « Isolated System » sert à son tour un laborieux son électronique, et s’avère moins grandiose que son jumeau. On reste sur sa faim, et ça venant de Muse, c’est un affront.

 

 

Finalement, ce sixième album est la preuve indéniable que Muse sait évoluer avec son temps, expérimente en mixant d’improbables références au lyrisme inhérent à l’esprit que Bellamy insuffle à ses compositions, même s’il a lâché du lest pour cet opus. Une belle surprise, sans grande cohérence certes, mais flanquée d’une audace sans limite. La Muse au point qu’il fallait peut-être, histoire de consacrer ce groupe assurément unique.

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