28 Mar Le chant de la lionne Nadine Shah
La chanteuse britannique, reine du CentQuatre, a montré sa maîtrise et son aura époustouflantes lors du Festival les Femmes s’en Mêlent.
Il y a des applaudissements qui ont des goûts d’aurevoirs et d’autres qui couronnent tout simplement une performance dramatique digne du théâtre contemporain. Ceux de Nadine Shah étaient pleins de respect et rudement impressionnants. Dès le départ, la jeune fille avait en effet annoncé la couleur aux spectateurs du Festival .Se frayer un chemin entre les canadiens Kandle et leur folk envoûtant, la femme orchestre aux tambours puissants, Emily Wells et Alice Lewis, fleuron de la pop électro hype à la française était plus qu’un acte de bravoure.
Dans la solennité d’une messe musicale, les musiciens en noir de pied en cap faisaient résonner leurs pas lourds sur la scène du CentQuatre précédant ceux de leur soliste. Dans un calme olympien, Nadine Shah avance à pas de velours vers son partenaire de la soirée, son clavier électronique. Sortir les griffes d’un coup n’est pas le genre de la maison. La féline fait cela petit à petit en commençant par effleurer les notes.
Et là, tout s’enclenche très vite. Les doigts sur les touches blanches et ébène, la chanteuse était dans les starting blocks de son tour de chant. Survolant Dreary Town ou Aching Bones, Nadine Shah s’échauffe la voix et domine l’émotion. Quand Floating flotte sur la foule, rien ne va plus. La lionne a trouvé ses marques , émet son cri jazzy et pousse la chansonnette comme on joue sa vie. Car assainer les spectateurs de sa voix grave et voilée ne suffit pas à la britannique. Le spectacle sublime se joue autant sur scène que dans les oreilles. En mimant le désespoir comme la douleur de façon réaliste si touchante, l’interprète montre tout son talent. La tragédienne brune prend des airs de chanteuse de Fado pas du tout fade quand il s’agit de rugir gentiment avec Remember.
De ces moments bluesy, elle épouse tous les bleus de l’âme avec la figure et le corps; se penchant comme blessée sur son clavier ou donnant des coups d’oeil mélancolique à l’oiseau empaillé qui sert, apparemment, de mascotte au groupe. Après ces variations vocales, la virtuose du piano s’assagit, comme si elle avait laissé parler ses pulsions et… sourit. Pas très étonnant pour quelqu’un qui a appelé son dernier album, Love Your Dum and Mad.
Son groupe, aussi singulier, la suit alors dans sa performance plus légère et plus rock. Serrant sa gratte et faisant face à son guitariste, elle tient la barre du quatuor. Un quatuor pourtant masculin mais unique, il suffit pour ça de regarder la chorégraphie désorganisée du bassiste ou la tenue très vintage du guitariste. Sortie un peu décoiffée de ce moment exutoire et pour calmer le jeu, la chanteuse annonce Runaway aussitôt acclamé. Le combat piano voix fait place à celui de la gratte et de la trompette quand le guitariste abandonne son instrument à cordes. Dans ce combo exotique, la chanteuse ose faire résonner son vibrato aussi fort que l’instrument à vent. Jolie fin à ce moment privilégié… la chanteuse conclut avec un « merci » étouffé dans un baissement de tête. Comment ne pas aimer être bête et fou?
No Comments