Le séisme émotionnel des Villagers au Café de la Danse

Une vague d’émotion a fait chavirer les cœurs témoins des ballades des Villagers, lundi soir au Café de la Danse

Villagers en concert au Café de la Danse, Paris, le 4 mai 2015

Quelques jours avant leur passage à Paris, les Villagers jouaient dans la salle Barbican, résidence de l’Orchestre symphonique de Londres. Oui, ça en jette, et forcément, on a quelques attentes ; rien de très précis, plutôt une diversité brouillon d’attentes possibles. D’une part, le fantasme d’un set en grande pompe avec une armée de beaux instruments divers et variés (oui, une guitare c’est très beau, on ne fait pas de discrimination, mais vous avez compris l’idée). Rappelons qu’au Haldern Festival en 2013, Earthly Pleasure avait été interprété avec un orchestre – oui, Madame. Et puis, il y a aussi eu la fois où Conor O’Brien avait joué avec la Britten Sinfonia au Barbican. Alors finalement, ce petit fantasme a quelques airs de réalité (mis à part le trou budgétaire qu’il supposerait pour la tournée, évidemment). D’autre part néanmoins, une telle installation ne serait peut-être pas en phase avec l’esprit de cette tournée : ce qui nous amène à l’autre extrémité de cet éventail de fantasmes, le retour solo acoustique. L’esprit en question, c’est celui du dernier album des Villagers, Darling Arithmetic, présenté lors de cette tournée. Un album acoustique, nu et de mise à nu, dont la douceur et la simplicité de ses chansons d’amour pourraient être mises à mal par trop d’arrangements. En conséquence, une simplicité sur scène à l’image de celle de l’album paraît idéale ; en fait, un peu comme sur la tournée de son premier album, Becoming A Jackal.

Villagers en concert au Café de la Danse, Paris, le 4 mai 2015

Pour cette première date de la tournée européenne, le Café de la Danse affiche complet. Pluie d’applaudissements et de sifflements pour accueillir le groupe irlandais, qui était de toute évidence très attendu depuis son dernier passage à la Cigale, il y a deux ans. Darling Arithmetic ouvre le set, et s’il y a une chose qui saute d’ores et déjà aux yeux et aux oreilles, c’est le choix des instruments pour le live. Un choix moins classique (d’autres diront au contraire plus classique, au regard des instruments) qu’il y a deux ans : la basse a été troquée contre une contre-basse (toujours sous la main de Danny Snow), et une des guitares est remplacée par une harpe. Rupture scénique, donc, avec la tournée précédente, de l’album Awayland, durant laquelle prônait la configuration guitare-basse-clavier-batterie, comme dans la plupart des groupes pop-rock. Le nouvel album est lui aussi en rupture avec cet aspect là ; et ce d’autant plus si l’on se souvient d’un des derniers morceaux qu’avaient sorti les Villagers pour le Record Store Day 2014, Occupy Your Mind. Le changement de direction, plus épuré et personnel, qu’a pris Darling Arithmetic après ce titre a pu en étonner plus d’un. Il serait d’ailleurs plus juste de parler de retour aux sources plutôt que de changement de direction.

La harpe, qui introduit délicatement Dawning on Me, donne de la puissance à cette douceur, et la contre-basse de la profondeur a des morceaux tel que Everything I Am Is Yours. Cette configuration, c’est finalement le juste équilibre de cet éventail d’attentes qui nous travaillait tout à l’heure. Le nouvel album a par ailleurs été joué dans son intégralité. On regrette seulement l’absence de Cecilia and Her Selfhood, mais bon, on comprend qu’il ait oublié ce flots de paroles. Quant aux autres anciens morceaux, comme Set The Tigers Free, leur (ré)interprétation leur donne une dimension différente, et pas seulement à cause des arrangements. C’est un peu comme lorsque l’on vit un nouvel événement, et que toutes les expériences précédentes prennent un nouveau sens : c’est l’impact de Darling Arithmetic sur les anciens titres.

Villagers en concert au Café de la Danse, Paris, le 4 mai 2015

Le danger de ce genre de set, rempli de douces chansons d’amour, c’est que ça peut très rapidement devenir chiant (sans parler du public tout aussi chiant qu’il peut attirer). C’est d’ailleurs un danger que l’on peut aussi étendre à l’album, malgré son thème universel. Conor O’Brien et ses Village people, comme il aime à les appeler, ont cependant réussi à captiver l’attention de leur public tout au long de ces 18 morceaux (alors que oui, 18 morceaux, quand on s’ennuie, ça peut paraître drôlement long). Captiver l’attention, c’est plutôt un euphémisme. Il y avait une dimension presque religieuse – tout aspect fanatique exclu – ce soir-là : autant dans le respect silencieux durant la performance, que dans la communion. Alors que beaucoup murmuraient les paroles tout au long des chansons, notamment durant My Lighthouse et The Ship Of Promises, ces chuchotements étaient à peine audibles. C’est dire, même les photographes en première ligne avaient l’air gênés des bruits pourtant discrets que faisaient leur appareil. Ce n’est que pour Becoming a Jackal, après que Conor O’Brien invite le public à chanter, que l’existence de voix humaines a pu finalement être constatée. A pu aussi être constatée la communion entre l’artiste et son public, prolongée par la suite par un rappel, et plus tard, par un Conor O’Brien qui va humblement à sa rencontre. En fin de set, la foule fidèle lui dédit une standing ovation, applaudit, et tape des pieds à en faire trembler la salle. Un petit séisme, conséquence d’une émotion justement partagée par les Villagers.

Setlist :

Darling Arithmetic

Set the Tigers Free

Dawning on Me

Nothing Arrived

So Naïve

No One to Blame

That Day

Everything I Am Is Yours

Memoir

My Lighthouse

The Soul Serene

Hot Scary Summer

Little Bigot

The Waves

Ship of Promises

—-

Becoming A Jackal

Pieces 

Courage

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