22 Juil Interview : YAK
Rencontre avec le trio londonien au Montreux Jazz Festival.
Notre découverte en a fait du chemin ! Deux ans après leur formation, les voilà au programme de la Rock Cave du Montreux Jazz Festival. Le lendemain de leur jour de congé passé à Lausanne, je les retrouve avec leur gueule de bois et leur bonne humeur dans les backstages de la Rock Cave quelques heures avant leur concert. D’ailleurs, ils me proposeront ensuite une promenade au bord du lac, histoire qu’ils décuvent un peu et que je leur montre la célèbre statue de Freddie Mercury.
Le côté expérimental et agressif du live des YAK en a choqué, puis converti plus d’un ce soir-là. D’abord, on se demande si on doit applaudir. Puis on se lâche petit à petit et on secoue ses cheveux. C’était probablement ce qu’espéraient Oliver Burslem et sa bande. Rejoignez-nous alors que nous parlons de leur ascension vers le succès, leur album Alas Salvation, Third Man Records et le côté incertain de leur carrière. Eh oui : conscients que cette pluie d’opportunité peut s’arrêter du jour au lendemain, ils sont pourtant prêts à faire face à cette éventualité.
Encore une fois, bienvenue les YAK ! Contente que vous aimiez Montreux !
Andy Jones : Ouais, c’est magnifique !
Oliver Burslem : Je me demande… Est-ce que c’est cher de vivre ici ?
Oui malheureusement… Les prix du logement sont très élevés.
Olly : Oh merde. Moi qui était intéressé, tant pis ! (rires)
Mais c’est un peu pareil à Londres n’est-ce pas ?
Olly : Oui, un deux pièces coûte environ 2000 francs suisses par mois !
À quoi ressemble votre vie à Londres, en tant que groupe montant ?
Olly : Eh bien… Nous n’avons plus de jobs, c’est peut-être l’élément central. Nous faisons de la musique à plein temps. Nous essayons de tirer profit au maximum des opportunités qui nous sont offertes, et nous avons été très occupés ces derniers temps. Nous donnons un concert chaque soir, et nous faisons de notre mieux. Sinon, on essaie d’enregistrer.
C’est génial que vous parveniez à vous en sortir ainsi !
Olly : Oui, nous sommes très chanceux.
Elliot Rawson : Mais nous ne passons que très peu de temps à Londres à présent. Cette année, nous étions constamment en tournée ! On s’éclate, par contre.
Olly : Ouais, tu sais, tant que tu es nourri et logé, tu n’as pas besoin de beaucoup plus que ça. C’est génial de pouvoir découvrir de nouveaux endroits et d’avoir un but.
Andy Jones : Oui, c’est très agréable de visiter des pays et des villes différents chaque jour.
Elliot : C’est ma première fois en Suisse !
J’allais vous poser la question ! C’est donc votre première fois en Suisse ?
Olly : Je suis déjà venu une fois, mais juste un jour, pour visiter. C’est la première fois qu’on y joue !
Parlons un peu de vos disques. The No EP est sorti sur le label de Jack White, Third Man Records, mais ce n’est pas le cas de votre album. Comment cela se fait-il ?
Olly : En fait, nous avions déjà un contrat avec Kobalt, et il était convenu que nous sortirions un disque avant même que Jack White et Third Man Records ne veulent sortir quelque chose. Alors nous avons demandé à Kobalt, « est-ce que c’est ok s’ils sortent cela avant nous ? » et ils ont répondu « oui, pas de problème ». Je crois que cela les ennuyait un peu qu’ils ne puissent pas faire l’album.
Comment cela s’est-il passé avec Jack White ?
Olly : Notre truc, c’est la musique. Mais nous avons un management qui- en fait, les gens de Third Man ont dû entendre notre version tordue de Cumberland Gap, un vieux skiffle. Les paroles sont identiques, mais pas la musique derrière.
Elliot : Je pense que quelqu’un du label a dû cliquer dessus.
C’est drôle, parce que je trouve que la guitare nerveuse sur Alas Salvation rappelle un peu la manière de jouer de Jack White !
Olly : Absolument ! Tu sais c’est bizarre, parce que nous l’avons faite avant de savoir quoi que ce soit à propos de Third Man Records. C’est une chanson simple et directe, je suppose.
« Les gens sont peut-être un peu confus au début mais- si tout va bien, lorsqu’ils arrivent à la fin du disque, au lieu de se dire « c’est juste ceci », ou « c’est juste cela », ils se diront plutôt « what the fuck is this ?! » »
Sur l’album, on trouve des chansons plutôt agressives et punk, mais aussi des chansons plus psychédéliques. Aviez-vous cela en tête lors de l’enregistrement ? Vous aviez déjà sorti plusieurs d’entre elles.
Olly : Lorsque nous avons commencé, nous ne pensions pas faire d’album tu sais. Nous donnions un concert, et puis quelqu’un nous proposait d’enregistrer quelque chose. Cela arrive encore. Nous voulions que l’album capture ce que nous faisons en live. Nous ne voulions pas qu’il soit quelque chose de précis stylistiquement, comme punky par exemple. Je suppose que nous y réfléchissons un peu lorsque nous jouons une chanson. Nous écoutons beaucoup de choses différentes, alors je pense que cela se reflète dans notre musique, où nous essayons de rassembler tout ce que nous aimons. Nous essayons de varier les choses.
Elliot : Ouais, il n’y a aucun intérêt à écrire et à enregistrer 12 chansons qui sonnent de la même manière. Nous aimerions pouvoir faire un album avec différentes parties tu sais.
Andy : Comme un voyage !
Elliot : Les gens sont différents, ils aiment des choses différentes. Et puis, nous ne sommes pas sûr de pouvoir enregistrer un autre disque, alors autant faire en sorte que le premier soit très bon !
Olly : Lorsque nous en jouons en live, cela nous arrive de jouer des morceaux de manière tellement fausse et horrible, puis d’enchaîner avec quelque chose de diamétralement opposé. Quelque chose de très fort, puis de très doux, ou encore une chanson avec un accord suivie d’une chanson avec une progression d’accords. Nous essayons de repousser nos limites le plus loin possible, car nous ne voulons pas être étiquetés d’un genre.
Cela me semble aussi être un bon moyen de capter l’attention du public en live.
Olly : Oui, les gens sont peut-être un peu confus au début mais- si tout va bien, lorsqu’ils arrivent à la fin du disque, au lieu de se dire « c’est juste ceci », ou « c’est juste cela », ils se diront plutôt « what the fuck is this ?! ».
Olly, je trouve aussi qu’il y a quelque chose de hanté dans ta voix sur le disque. Comment fonctionnes-tu lorsque tu créées la partie vocale ?
Olly : Cela dépend de la chanson. Certaines fois je compose à la maison, et d’autres fois j’essaie d’obtenir une performance, c’est-à-dire ne pas enregistrer chaque ligne, mais plutôt tout faire d’un coup afin d’obtenir quelque chose que tu ne peux pas recréer une deuxième fois. Cela rend le truc spécial en quelque sorte, comme un enregistrement ou un document qui témoigne du moment précis où nous étions en studio. J’essaie d’ajouter du caractère à la partie vocale, je suppose. Une vraie performance, au lieu d’essayer encore et encore d’enregistrer quelque chose de parfait. De toute manière, avec toute la distorsion qu’il y a sur l’album, tu ne peux pas vraiment enregistrer la même chose deux fois. J’espère qu’une grande partie du disque est ainsi : quelque chose de spontané qu’on ne peut pas répéter.
Est-ce que tu écris les paroles en premier, ou est-ce que tu improvises ?
Olly : Il y a de l’improvisation et du réfléchi. Nous avons toujours plein de choses en tête, et lorsque nous nous retrouvons pour écrire cela prend forme. Parfois, j’ai plein de paroles mais je n’utilise que deux lignes.
Je voulais aussi parler de Smile/Distortion avec vous. Je trouve que le clip illustre bien le fait que la chanson soit en deux parties.
Olly : Oui, c’est notre ami Errol, que nous connaissons depuis longtemps, qui a fait la vidéo. Nous avons pu bien faire connaissance avec les gens qui travaillent dans ce vieux pub de Londres (ndlr : où la vidéo a été tournée). C’était très bizarre, comme si les choses n’allaient pas ensemble. C’est une bonne représentation de notre histoire, je pense. Il y a Distortion qui vient après, n’est-ce pas ? C’est l’unique chanson qui n’a pas été enregistrée par Steve Mackey (ndlr : le bassiste de Pulp). Elle a été enregistrée par notre ami John Coxon, du groupe Spiritualized. Je travaillais dans un marché, et il est venu m’acheter une table. Nous sommes devenus amis, et j’aimais son groupe, et voilà !
[…]Dans Distortion, c’est surtout de la guitare distordue en boucle. En fait, nous avons enregistré une démo d’une chanson toute différente, et à la fin, dans les 10 dernières secondes, le dernier accord fait « baaang » ! Alors nous nous sommes débarrassés du reste de la chanson, car nous ne l’aimions pas, et nous avons mis ce bout sur bande. Nous l’avons accéléré et ralenti, de telle sorte que la tonalité soit plus haute ou plus basse, puis nous avons bricolé le tout ensemble. Le résultat est ce son un peu noyé. C’était plutôt amusant à faire. J’avais oublié cette chanson ! Nous avons dû la jouer une fois en live. Je crois qu’à cette époque nous essayions de trouver notre propre son en tant que groupe, et nous avons documenté cela. Nous essayons de ne pas trop nous mettre la pression en ce qui concerne ce que nous sommes ou quelles coupes de cheveux nous devrions avoir.
Enfin, que pouvons-nous espérer de YAK dans les mois qui viennent ?
Olly : L’inespéré ! (rires) Je ne sais pas, nous n’avons pas de projets particuliers.
Andy : Des albums-concepts ! Du prog ! (rires)
Olly : Nous aimerions bien enregistrer un autre album, et donner le plus de concerts possibles. Et si nous avons assez d’argent pour payer l’essence pour arriver jusqu’aux salles de concert, nous allons continuer !
Elliot : Peut-être que nous pourrons vivre en Suisse.
Olly : Nous voulons sortir quelque chose de nouveau le plus vite possible. Si tout va bien, nous allons aller en studio dans deux semaines et enregistrer quelque chose de nouveau. Cela devrait sortir avant la fin de l’année, je l’espère.
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