Interview : VANT

Sound Of Britain a rencontré le groupe au Montreux Palace dans le cadre du Montreux Jazz Festival. Préparez-vous, car le quatuor risque d’exploser très rapidement !

Nous vous en parlions lors de notre découverte du dimanche il y a quelques semaines, eh bien quelle joie de retrouver les VANT et leur rock sauvage et politique au Montreux Jazz Festival ! Pour la première fois, on me donne rendez-vous au Montreux Palace, ce qui est un peu intimidant pour une jeune journaliste habituée des caves underground comme moi. Il faut dire que les quatre compères sont déjà signés sous une major, Parlophone pour être exacte. Étant donné que Parlophone est une branche de Warner Music, je suis accueillie par la sympathique responsable de Warner Music Suisse. J’ai un peu de temps devant moi dans ce magnifique hall où je ne me sens pas vraiment à ma place. Heureusement, il y a un piano. Je m’y installe, telle une pauvre au royaume du luxe. Je crois me souvenir qu’ils apprécient Arcade Fire et je commence à jouer The Suburbs. Les VANT apparaissent alors comme par magie. Ils me sourient, et je les retrouve quelques minutes plus tard sur l’un des canapés. Ambitieux et engagé, Mattie Vant croit en son groupe et souhaite le faire grandir le plus possible. Détrompez-vous cependant : il a les pieds sur terre et sait qu’il devra aller toujours plus loin pour atteindre son rêve et celui de ses amis.

Vant au Montreux Jazz Festival

Vant au Montreux Jazz Festival

Je retrouve la bande quelques heures plus tard dans la Rock Cave, et l’ambiance est au rendez-vous dans la petite salle. D’habitude, le public est plutôt constitué de curieux qui découvrent le groupe le soir-même, mais cette fois il y avait aussi des fans chantant les paroles en chœur tout en secouant leurs cheveux aux premiers rangs, ce qui faisait plaisir à voir.

Rejoignez-nous alors que nous parlons des revendications du groupe, de l’EP Karma Seeker, de leur show en live et de la connexion qu’ils essaient d’établir avec le public, et bien plus encore.

Salut les VANT, bienvenue à Montreux ! Est-ce que c’est votre première fois en Suisse ?

Mattie Vant : Merci à toi ! Oui, c’est notre première fois en tant que groupe. Nous sommes très reconnaissants d’être ici.

Henry Eastham : Je suis déjà venu à Zurich auparavant, pour visiter. Il faisait très froid !

Bien que vous n’ayez pas encore sorti d’album, vous avez déjà dévoilé plusieurs chansons, environ 8 n’est-ce pas ?

Mattie : Oui, quelque chose comme ça ! En fait, je crois que c’est plutôt quelque chose comme… 9 ? (rires) Il y a deux chansons qui n’étaient disponibles que sur vinyle. Nous avons été plutôt lents, mais constants sur cet aspect. Je pense que nous avons beaucoup de chance, car nous sommes à un stade où nous avons beaucoup de chansons dont nous pensons qu’elles sont très bonnes. Nous voulions petit à petit nous présenter au monde. La première sortie « conséquente » sera en août, ce sera notre premier EP.

Oui, j’ai même lu quelque part que vous aviez enregistré cet EP avant même d’avoir sorti quoi que ce soit !

Mattie : Ouais, nous avons enregistré l’album – ou du moins la majorité de l’album – avant même d’avoir contacté des labels ou d’avoir sorti quoi que ce soit. Nous étions déjà signés lorsque nous avons commencé à sortir de la musique. Je pense que nous avons fait les choses de manière très différente. Nous avions de l’expérience avec nos anciens groupes, tu mets quelque chose en ligne en espérant que quelqu’un te remarque, ou alors tu donnes des concerts. Mais nous n’avions pas donné beaucoup de concerts avec Vant. C’était juste une approche différente. Je pense que j’avais une collection de chansons avec lesquelles j’étais content, et l’intention était de sortir le disque peu importe si un label nous soutenait ou non. Notre vision était de foncer et de le faire seuls. Par chance, un label s’est intéressé à nous et s’est impliqué.

« Aujourd’hui, le marché est différent. Tu n’as pas autant de temps pour grandir ou évoluer, sauf si c’est vendable pour le grand public. »

 

Oui, on dirait que tout est allé si vite pour vous ! Vous avez directement signé sous une major !

Mattie : Oui, relativement vite. C’était complètement fou. Je crois qu’ils nous ont contactés trois heures après avoir entendu Parasite, qui ne fait qu’une minute et 20 secondes ! Donc oui, même si notre approche était différente par rapport aux autres groupes, je pense que cela a bien marché jusqu’ici.

Et comment cela se passe-t-il par rapport à la pression ?

Mattie : Honnêtement, on ne ressent pas vraiment de pression. Si tu jettes un œil aux précédents artistes de Parlophone, le nombre de musiciens incroyables qu’ils ont eu depuis des 60s à nos jours comme les Beatles, Morissey, Radiohead ou encore Blur, beaucoup d’entre eux ont sorti quelques albums avant de devenir très célèbres. Aujourd’hui, le marché est différent. Tu n’as pas autant de temps pour grandir ou évoluer, sauf si c’est vendable pour le grand public. Je pense que c’est l’élément principal qui peut faire pression. Mais comme nous étions en dehors des scènes musicales, nous avons eu le temps de nous développer et de trouver notre son. Notre premier album contient beaucoup de supers chansons et de singles potentiels, c’est peut-être pour cela que nous étions intéressants pour eux (ndlr : Parlophone). En termes de liberté créative et de pression, ils ont été merveilleux. Ils nous ont toujours encouragés autant qu’ils le pouvaient, idem avec notre vision. Ils croient en notre groupe et en notre message. Chapeau bas pour eux !

Quand on y pense, beaucoup des groupes que tu as mentionnés parlent de politique dans leurs chansons, et ils ont bénéficié de cette même liberté.

Mattie : Nous avons parlé à différents labels avant de signer avec Parlophone. Beaucoup d’entre eux étaient intéressés par cet aspect ; cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de groupe de rock qui parlait de politique. Il y a eu des artistes comme PJ Harvey, M.I.A. ou Björk… Même Neil Young parfois. Mais il n’y a pas beaucoup d’artistes plus jeunes qui aient vraiment exprimé leur opinion, dans le rock en particulier tu sais. Je ne me souviens pas de la dernière fois où un groupe de rock a dit quelque chose là-dessus.

« Nous parlons plutôt de politique de manière globale, c’est peut-être pour cela que des gens venant d’autres pays se sont intéressés à nous. »

 

Oui, tu as même dit que le rap est le nouveau-

Mattie : Ouais, le rap et le grime sont presque les seuls médiums pour ce genre de paroles. Mais j’imagine qu’elles sont normalement à propos de ce qu’il se passe autour de ces scènes ; je veux dire qu’elles parlent de ce qui se déroule dans cette partie du monde en particulier, alors que nous parlons plutôt de politique de manière globale. Des choses qui nous concernent à l’échelle globale tu sais. C’est pour cela que nous disons que nous venons de la planète Terre, plutôt que de dire que nous venons de Grande-Bretagne. Nous nous voyons plutôt comme un groupe global, qui vient de nulle part en particulier. Je pense que c’est peut-être pour cela que les gens venant d’autres pays se sont intéressés à nous.

C’est en quelque sorte ce que tu déclares dans Birth Certificate n’est-ce pas ?

Mattie : Ouais, exactement. Pas de frontières. Mais pour répondre à ta question, je pense que c’est pourquoi nous avons décidé d’aller chez Parlophone. Ils nous ont vraiment donné l’opportunité d’avoir notre propre voix, de parler de choses qui nous importent. Ils n’ont jamais eu l’intention d’édulcorer notre message. Beaucoup de labels nous ont dit : « vous ne pouvez pas dire ça ». Nous avons eu des disputes avec des producteurs radio, qui ne voulaient pas forcément nous autoriser à dire certaines choses dans nos chansons. Le label nous a toujours soutenus par rapport à cela. Je pense que c’est pour cela que nous sommes si chanceux.

J’aime aussi la manière dont vous communiquez avec vos fans, notamment le sondage que vous avez mis en ligne sur twitter à propos du Brexit pour vos plus jeunes fans.

Mattie : Oui, je suis d’ailleurs en train de songer à écrire un rapport là-dessus ! Ou du moins nos conclusions et nos opinions sur le résultat. C’est assez intéressant. Je suis d’ailleurs content que nous ne l’ayons pas sorti tout de suite, car de récentes études ont montré que beaucoup plus de jeunes ont voté que ce qu’on pensait au départ.

Il paraît que beaucoup de gens ont fait des recherches là-dessus après avoir voté. Je trouve cela presque idiot- apparemment pour eux ce n’était pas très important.

Henry : Absolument ! C’était la question la plus posée sur Google, « Qu’est-ce que l’UE » ! Et c’est le problème je pense, chaque côté a très mal assuré sa communication. Les gens n’ont pas compris l’importance du vote.

Mattie : Mais je pense aussi qu’initialement, on a rejeté la faute sur les jeunes de 18 à 24 ans, car les premières statistiques montraient que seulement 36% des gens qui s’étaient enregistrés pour voter sont effectivement allés voter. Mais ensuite ils ont fait une étude approfondie, et c’était en fait 64% ! Donc ce n’est pas du tout la faute des jeunes, et ce que nous essayions de démontrer avec notre sondage était qu’on aurait dû autoriser les jeunes de 16 et 17 ans à voter, car ils ont terminé leur éducation obligatoire. Le gouvernement devrait être capable de donner des informations à ces ados afin qu’ils soient capables de voter lorsqu’ils quittent l’école.

« On aurait dû autoriser les jeunes de 16 et 17 ans à voter sur le Brexit, car ils ont terminé leur éducation obligatoire. Le gouvernement devrait être capable de donner des informations à ces ados afin qu’ils soient capables de voter lorsqu’ils quittent l’école. »

 

Oui, je suis d’accord. Pourquoi ne pas en parler à l’école ? Ainsi les jeunes auraient les informations et les outils nécessaires pour voter.

Henry : Absolument !

Mattie : Je pense que c’est l’une des choses que nous souhaitons démontrer dans notre rapport, le système éducationnel doit changer. Il n’y a rien qui ne soit mis en place actuellement pour expliquer aux gens l’importance des sujets sur lesquels ils votent, ou l’importance de leur vote. Cette mentalité doit changer. La politique est probablement l’une des choses les plus importantes dans nos vies : peu importe qui on est, elle nous affecte au quotidien, que ce soit pour le chômage ou les droits humains. Toutes ces choses ont été prises à la légère à cause du manque d’information. Et cela remonte probablement aux années 50 et 60 ! Je ne crois pas que l’école ait mis l’accent sur cela, ce n’est en tout cas pas le cas de nos jours. Cela doit changer !

Je voulais aussi parler de votre single Karma Seeker. Comment la chanson est-elle née ?

Mattie : C’est étrange, car c’est la seule chanson que nous ayons sortie jusqu’ici qui soit philosophique. C’est comme une contemplation de la vie. Il faut s’assurer d’apprécier ce voyage, tu sais. Tu dois vivre dans le présent. C’est la seule période de temps qui existe en fait. La question dont nous avons parlé il y a cinq minutes est à présent un souvenir. Trop de gens passent leur vie à constamment contempler leur carrière ou leurs ambitions. Je pense que tu dois profiter du présent autant que tu le peux. C’est aussi un rappel pour nous tu sais, ce soir nous allons donner un concert devant 400 personnes – ou du moins je l’espère ! (rires) – c’est merveilleux, et nous devrions vraiment célébrer cela. Ce n’est pas parce que nous voulons devenir un groupe en tête d’affiche des festivals dans quelques années que nous ne devrions pas apprécier le chemin que parcourons.

C’est aussi une chanson très personnelle pour moi, il y a beaucoup de connotations détaillées dans les paroles. Par contre, je pense qu’il faut aussi parfois laisser l’auditeur l’interpréter comme il le veut. C’est donc ce que j’ai essayé de faire ici. Il y a beaucoup de chansons directes sur le reste de l’EP qui reviennent à notre principale mentalité en tant que groupe, où nous sommes plus « généreux ». Je pense que nous voulions montrer une autre facette avec cette chanson. Nous ne sommes pas toujours aussi déprimés ou pessimistes ! (rires)

« Karma Seeker est aussi un rappel pour nous tu sais, ce soir nous allons donner un concert devant 400 personnes. C’est merveilleux, et nous devrions vraiment célébrer cela. »

 

Puisque nous parlons de différentes facettes, je trouve que la face B du single, Cold War Sites, est très différente de ce que vous avez fait jusqu’à présent en ce qui concerne la musique. Elle est bien plus calme.

Mattie : Je crois que nous voulions montrer une grosse variation de ce que nous créons et donner un aperçu du contenu de l’album. Cold War Sites est très calme et mélodique, mais aussi politique. C’est important pour nous de suggérer cela à notre audience, parce que sinon ils vont écouter l’album et se dire « pourquoi est-ce que chaque chanson ne fait pas 1 minute 50 et n’est pas rapide ? ». Nous voulons que les gens sachent qu’il y a une facette différente en nous que nous voulons explorer. Il y a différents courants dans le rock dans lesquels nous voulons expérimenter. Cela se voit avec la B-side, et cela se verra dans l’album qui sortira début 2017.

Parlons un peu de vos concerts. J’ai lu dans plusieurs reviews que vous aimiez que votre public participe, quitte à jouer dans la fosse. Pouvons-nous espérer cela ce soir ? Que se passe-t-il exactement dans vos têtes lorsque vous êtes sur scène ?

Mattie : Hmm… C’est difficile à dire. Je pense que dans la plupart des cas, c’est- jusqu’à-ce que tu aies une connexion directe avec les gens, ils ne comprennent pas. Je m’en souviens toujours, ce qui a changé ma perspective du live est une citation de Nick Cave. Il dit que lorsqu’il joue en live, il n’interagit qu’avec les premiers rangs du public, et il fait exprès de tous les regarder dans les yeux pour essayer de créer une connexion directe. Ce qu’il a remarqué, c’est qu’une fois que la connexion est établie avec les premiers rangs, le reste du public suit et se sent lui aussi impliqué. Évidemment, nous n’avons que quatre rangs pour l’instant (rires), mais c’est pour cela qu’il est important pour moi de secouer les choses et d’enthousiasmer les gens. Nous ne copions pas exactement Nick Cave dans son approche, mais j’aime cette interaction avec le public, j’aime transpirer et toucher les gens. Cela rend la chose plus humaine. Tendre le bras et toucher quelqu’un, c’est réel. Pour moi, rester simplement debout devant un micro, c’est… who gives a fuck about that, tu vois ce que je veux dire ? Je veux voir des groupes qui me choquent, qui me divertissent. Les meilleurs groupes que j’ai vus m’ont fait sentir que je faisais partie de l’expérience. C’est cela, il y a quelque chose de tribal dans la musique live. C’est comme les hommes des cavernes assis autour d’un feu qui tapent sur un rocher, cela a toujours existé. Depuis les débuts de l’humanité, il y a toujours eu cette connexion émotionnelle entre les gens qui est inexplicable. Tu dois continuer cela et t’assurer que les gens vivent cette expérience ensemble, quitte à défoncer les murs. C’est cela qui nous pousse à jouer en live, nous nous nourrissons de l’énergie d’une salle. Tu dois créer cette énergie, même si tu fais peur aux gens au premier abord (rires).

David Green : Je pense que c’est bien lorsque tu vas dans la fosse, parce que beaucoup de gens montent alors sur scène. C’est comme si cela ouvrait une porte, le public se dit alors « c’est juste une grosse fête, une célébration ! ». Et c’est super pour moi, parce que je suis toujours assis derrière à la batterie. Je ne peux pas atteindre l’audience, mais elle vient à moi !

« Il y a quelque chose de tribal dans la musique live. C’est comme les hommes des cavernes assis autour d’un feu qui tapent sur un rocher, cela a toujours existé. Depuis les débuts de l’humanité, il y a toujours eu cette connexion émotionnelle entre les gens qui est inexplicable. Tu dois continuer cela et t’assurer que les gens vivent cette expérience ensemble, quitte à défoncer les murs. »

 

Mattie : Je pense que c’est important de se souvenir que même si nous sommes 4 personnes sur scène, chaque personne dans la pièce est tout aussi importante que nous. Si le public n’était pas là, nous ne nous amuserions pas.

David : Oui, c’est comme une synergie n’est-ce pas ? C’est un peu cliché de dire cela, mais si la foule se déchaîne, nous nous donnons encore plus et vice-versa.

Mattie : C’est cela le but ! Nous nous considérons un groupe live plus qu’autre chose. Les tournées sont ce que nous aimons le plus, visiter des endroits comme celui-ci et faire partie du Montreux Jazz Festival, qui a un tel prestige.

Eh bien, regardez où nous sommes… (rires)

Mattie : Je suis sûr qu’aucun de nous ne pourrais se payer une chambre ici ! (rires). Mais c’est plutôt cool, une partie de moi veut brûler l’hôtel, mais-

Ne vous inquiétez pas, moi aussi ! Lorsque je suis arrivée, je me suis demandée ce que je foutais ici ! (rires)

Henry : Mais tu t’es assise au piano ! On t’a un peu écoutée, c’était joli.

Haha, merci !

Mattie : Mais tu vois ce que je veux dire, c’est vraiment bizarre et contradictoire par rapport à ce que nous revendiquons, lors de notre précédente interview nous étions assis au bar et on nous donnait des cocktails ! (rires)

Oui, je vous ai vus !

Mattie : Je parle de la classe ouvrière un martini à la main ! Non mais plus sérieusement, nous sommes privilégiés et nous devons faire de ce qui est autour de nous une réalité pour plus de gens. L’écart est gigantesque.

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