Johnny Flynn – Sillion

Après quatre ans d’attente, le talentueux Johnny Flynn est de retour avec un nouvel opus : Sillion. Le songwriter, acteur a été très occupé depuis la sortie de son dernier album Country Mile. Effectivement il joue le rôle principal dans la série Lovesick (disponible sur Netflix), a réalisé un soundtrack pour la BBC et apparaît dans la pièce de théâtre Hangman aux côtés de David Morrissey. C’est au cours de ce dernier projet qu’est né Sillion, un album frôlant les bordures du folk avec habileté tout en y ajoutant des expérimentations plus que réussies. On y retrouve aussi l’âme de poète et un certain franc-parler qui caractérisent encore aujourd’hui l’œuvre de Flynn.

Raising The Dead, sorti en janvier est le premier single de l’album ainsi que son premier titre. C’est une composition très intime pour Flynn qui explique dans une interview que “Mon père est mort quand j’avais 18 ans, c’était une expérience galvanisante dont je retrouve toujours des marques dans mon écriture ; chaque grande perte dans la vie, je pense que tout provient de conduits comme ça. Je me suis rendu compte quand ma fille est né qu’elle ressemble beaucoup à mon père et ça m’a fait rire – le sens de cyclicité, de penser à ma fille comme étant mon père”. Exprimant cet élément cyclique avec des inspirations tirées des chants de révolte américains des sixties, c’est une très bonne introduction pour Sillion, un album qui est une vraie ode à la nature traitant des thèmes de la famille, de l’amour, de la vie et de la mort.

Wandering Aengus, le prochain titre est une belle composition avec des éléments de trompette inspirés par un poème de W. B. Yeats : The Song of Wandering Aengus. C’est un des poèmes les plus connus de Yeats qui raconte l’histoire d’Aengus, un dieu de la mythologie Irlandaise. Dans la légende Aengus tombe amoureux d’une jeune fille du nom de Caer qu’il a vu dans un rêve. Il se décide alors de la chercher mais, contrairement à la légende, dans le poème il ne la trouvera jamais. L’Aengus de Yeats vieillit mais garde l’espoir de retrouver son amour perdu outre-tombe. La fin mêlant douceur et amertume voit Aengus s’imaginer à nouveau jeune et immortel dans son palais tout en attendant la mort pour rejoindre Caer.

Heart Sunk Hank est le point fort de l’album avec une introduction qui nous fait penser à It Was A Pleasure Then de Nico. Flynn a révélé lors d’une interview que ce titre a pour inspiration première une chanson folk du nom de Ten Thousand Miles. Enregistré sur un Voice-o-Graph, une cabine d’enregistrement des années 1940 qui a aujourd’hui pour adeptes Neil Young et Jack White, Heart Sunk Hank est l’expérimentation la plus réussie de l’album. L’alternance entre un son rétro et lo-fi et un son moderne et poli traduit brillament la distance qu’il doit traverser pour retrouver sa femme. C’est une exploration des différentes façons d’aborder l’amour et la distance qu’ont elle et lui. Le thème de l’océan est aussi très présent dans cette composition au rythme qui nous fait d’ailleurs penser au son de vagues qui frappent doucement le rivage. Bref, c’est un titre que nous n’oublieront pas de sitôt, bien réfléchi et exécuté, nous présentant un sujet déjà vu de façon originale et novatrice.

Flynn enchaîne ensuite avec Barleycorn, une interprétation contemporaine de folk anglaise traditionnelle. Ce titre sinistre inspiré par son temps sur les planches de théâtre à un caractère mystique et intriguant qui marquent. The Night My Piano Upped & Died relève d’une résonance presque spirituelle. C’est encore une expérimentation singulière et réussie mélangeant des sonorités orientales à de la country, du blues et de folk. Toujours dans la même lignée, In The Deepest est un autre titre inspiré de son rôle dans la pièce Hangman. On retrouve la marque de Mooney, le personnage du psychopathe qu’il a joué dans la fin frénétique et fiévreuse du titre qui nous laisse des frissons dans le dos.

Toujours dans l’esprit de l’expérimentation qui règne tout au long de l’album, In Your Pocket est un titre qui marque néanmoins un changement de direction avec une touche de la signature disco-folk de Bellowhead. Jefferson’s Torch est un titre qui suit cette veine avec un rythme presque Motown, un chœur qui nous fait penser à The Supremes et un beau solo de guitare qui résonne par sa mélodie minimaliste et marquante, tel du Frusciante. Tarp In The Prop utilise également l’élement du chœur, ici pour marquer le refrain en créant un sorte d’écho saillant. Dans The Landlord on retrouve toujours encore le chœur qui se décline cette fois-ci en un ton rappelant presque du gospel. C’est une chanson spirituelle où la guitare délicate règne toujours avec un retour de la trompette, les deux se mélangeant astucieusement. Hard Road clôt l’album parfaitement avec des sons d’orgues et un chœur rappelant des chansons à thème religieux. C’est une fin qui annonce un voyage vers l’au-delà, un adieu enfin prononcé à son père.

Sillion est un vrai chef d’œuvre de par ses expérimentations admirables et sa description poétique de notre condition humaine. Johnny Flynn est un poète qui a le don d’émouvoir son l’auditeur avec une authenticité qui manque dans le mouvement alt-folk d’aujourd’hui. Cet album annonce une nouvelle étape dans la vie de l’artiste qui fait le tri symbolique des événements qui ont marqué sa vie et des mouvements musicaux qui l’inspirent pour en tour accueillir à bras ouverts son l’avenir.

Tracklisting :

Raising the Dead

Wanderin Aengus

Heart Sunk Hank

Barleycorn

The Night My Piano Upped and Died

In the Deepest

In Your Pockets

Jefferson’s Torch

Tarp in the Prop

The Landlord

Hard Road

Nos morceaux favoris : Heart Sunk Hank, Raising the Dead

LA NOTE : 8/10

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