11 Avr Wire – Silver / Lead
Ecoute et critique du seizième effort pour Wire, une formation vieille comme le monde… Mais dans le bon sens du terme. Silver / Lead, de l’argent et de la bonne conduite ? En musique, quand on a l’expérience, (presque) tout est pardonnable.
1976. 2017. Qui pensait qu’un groupe comme Wire resterait encore sur les devants de la scène, proposant des albums à son image, sans passer par la case « commercialisation » pourtant de nos jours incontournable ? Avec Silver / Lead, la formation a su redéfinir de manière ingénieuse la tranche post punk qu’il avait inauguré depuis Manscape (1980) et The Drill (1991). Habile dans le geste, mais aussi dans le fond, le propos de ce seizième album est sombre, parfois défait de toute humanité. Le premier titre, étrangement nommé Playing Hard For The Fishes, donne le t(h)on. Jouant sur des notes dissonantes, Wire ne tombe néanmoins pas dans le mauvais goût. Bien au contraire, on détient là une des pièces majeures de cette oeuvre, qui nous ramènerai presque aux dernières heure du maître David Bowie, avec Black Star.
Lancinant, possédé, un tout autre schéma du single-ised Short Elevated Period. Cette fois-ci, on écoute ce qui se rapprocherait plus d’un rock-band décomplexé, aux riffs power-chords totalement grotesques mais assumés, donc recevables. Toutefois, pas la claque présumée. On la discernerait davantage en Diamond In Cups. Doté d’un refrain preneur jusqu’à sa moelle, le morceau se prétend également d’un arrangement qui convient parfaitement aux oreilles. Sensiblement, Wire vogue vers le rock symbolique, aux frontières fumeuses. Ethéré, voire limite shoegaze, Silver / Lead enchaîne deux semi-ballades aussi proche qu’un son de Nirvana que des odyssées de The Cure. « Have you got an alibi ? », chante Colin Newman : de là, on comprend quelles étaient les réelles inspirations de l’émergence psyché TOY. Même rengaine avec Sonic Lens. Avec ces vocalises à l’écho ultra-travaillé, Wire démontre qu’il détient le trophée (pourtant jamais proclamé) aux côtés de Sonic Youth, d’une grosse décennie du rock indépendant. Celui qui s’évapore dans tous les genres.
En toute cohérence, le groupe reprend le mythe de la guitare au delay sur This Time. Reste qu’ici, la production se laisse un poil désirer. Le témoin principal, c’est cette batterie beaucoup trop acoustique, qui coupe les ponts avec les autres instruments. Le titre est tout de suite sauvé par la nappe miraculeuse d’un synthétiseur. L’ambiance vire alors vers une sensualité remarquable, presque cosmique. En route vers la science-fiction ? Pas exactement. La carte de l’acoustique est désormais donnée à la gratte. Rythmé sur un riff à quatre dents, Brio relâche la tension. La voix aussi, se fait plus posée, moins grave. On imaginerait presque les productions de Rick Wright chez Pink Floyd pour The Division Bell. Nouvelle pépite qu’est Sleep On The Wing. Brillante de nostalgie, on touche ici un point sensible. L’émotion se laisse palper, retranscrite des voix jusqu’aux autres corps. Jubilatoire et fascinant, le morceau déçoit de part sa longueur. Trois minutes vraiment ? On en voudrait encore. Dommage, puisque Silver / Lead aborde déjà son tout dernier retranchement.
L’éponyme étant choisie comme final, on pourrait croire qu’elle endosse la responsabilité d’englober son album dans la totalité. Malheureusement, le titre ne convainc guère. Cette clôture simpliste apporte suffisamment d’amertume pour faire de Silver / Lead un disque partiellement réussi. Trop court, parfois même expédié, le mot effort serait-il ici mal choisi ? Les quelques joyaux par-ci-par-là sauvent certainement la donne. Wire est encore là, loin du démodé.
Tracklisting
Playing Harp For The Fishes
Short Elevated Period
Diamonds In Cups
Forever & A Day
An Alibi
Sonic Lens
This Time
Brio
Sleep On The Wing
Silver / Lead
Nos morceaux favoris : Playing Harp For The Fishes, Diamond In Cups, Sleep On The Wing
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