Gorillaz – Humanz

Enfin, il est là. Le nouvel album de Gorillaz est disponible à l’écoute, et il est temps de savoir ce qu’il a dans le ventre. Écoute et critique.

On peut dire que le retour de Gorillaz aura été attendu et médiatisé. Les médias musicaux parlent Gorillaz, vantent Gorillaz, mangent Gorillaz depuis l’annonce de ce Humanz, qui s’est évidemment placé sur le devant de la scène musicale ces dernières semaines. Un album porteur du concept fondé par Damon Albarn et Jamie Hewlett et qui prétend jongler entre thématiques et diversité pour proposer ce qui est à ce jour l’opus le plus ambitieux de Gorillaz. Mais l’exécution est-elle à la hauteur de la volonté?

Avant de plonger dans le fond, il convient de contempler la forme: Humanz est dense. 20 morceaux, de nombreux interludes, des titres oscillant entre les 2 et 5 minutes d’écoute; il y a à boire et à manger. Et évidemment, un élément qui frappe, c’est le nombre hallucinant de featurings. Danny Brown, De La Soul, Kelela, Grace Jones, Jehnny Beth, Vince Staples, Pusha T… Tout le monde semble s’être donné rendez-vous pour ce Humanz qui s’annonce alors d’anthologie. Mais cette richesse est la plus grande faiblesse de l’album, et est le triste témoin de l’échec de Gorillaz.

Ainsi, on navigue au fil de Humanz entre hip-hop survitaminé (l’Ascension d’introduction), l’hymne reggae efficace (Saturnz Barz), le rythme post-rock asynchrone (l’ardu Charger), l’engagé pamphlet (Let Me Out) et la conclusion rock fédératrice (We Got the Power). Bien évidemment, tous ces titres ne sont pas égaux. Pour rester dans le positif, on note les exceptionnels Saturnz Barz, à la superbe construction et à l’implacable rythme, le surprenant She’s My Collar où Damon Albarn reprend du poil de la bête avec une mélodie chargé d’émotion et richement produit, ou encore Carnival, sorte de bulle sonique apocalyptique au thème musical dévastateur. Mais forcément, il y a à jeter dans ce nouvel opus.

Momentz se révèle ainsi être un banger beaucoup trop brouillon, Busted and Blue (seul titre sans featuring!) semble ne jamais évoluer et Sex Murder Party ne fait rien pour élever un rythme qui reste cloué au sol. Quant au Charger évoqué précédemment, nul doute qu’il divisera tant son atypique lick le rend plutôt désagréable pour finalement évoluer dans de soniques expérimentations bienvenues, rendant l’écoute particulièrement inégale. Mais Humanz doit être considéré dans son ensemble pour comprendre son majeur problème.

Ainsi, le nouvel effort de Gorillaz ne parvient jamais à être plus que la somme de ses parties. Si Albarn a confié vouloir créer une « playlist de fête de fin du monde », le tout ne parvient jamais à être accompli et engageant, passant d’un concept musical à un autre sans transition, les interludes se révélant sans aucun intérêt. Au milieu de cet effort qu’on pourrait qualifier de mixtape, Albarn s’efface, fantomatique, n’apparaissant que pour des refrains anesthésiés au mégaphone qui se révèlent vite redondants. Ce qui nous amène directement, bien au-delà de la limite de Humanz, à la limite de Gorillaz.

Ainsi, là où les deux meilleurs albums de Gorillaz, Demon Days et Plastic Beach, parvenaient à créer un réel univers visuel et sonore simplement par sa structure et ses mélodies, Humanz semble vouloir forcer le pas et noie sa démarche en balançant des dizaines de featurings qui font perdre au groupe toute cohésion. Là où les featurings se modelaient selon la musique dans Plastic Beach, c’est la musique qui se modèle selon les featurings dans Humanz.

Damon Albarn dit avoir toujours été très admiratif de Massive Attack avec ce concept de noyau d’artistes autour duquel gravitent collaborateurs et musiciens, et il est évident que Gorillaz est sa tentative de recréer cette structure de composition. Mais là où Massive Attack conservent une identité musicale et un univers propre au groupe au fil des albums, privilégiant le morceau à ses collaborateurs, Gorillaz se réfugie avec Humanz derrière cette vague de collaborations et livre une succession de singles inégaux, échouant totalement dans ce que le groupe a entrepris depuis sa création.

Mixtape pleine de featurings proposant à boire et à manger, Humanz représente ainsi le premier réel échec de Gorillaz. Nul doute que dans un effet inversé, ces morceaux auraient fonctionné dans un album ou EP des artistes figurant sur l’album avec Gorillaz crédités en featuring. Mais ici, pas de Gorillaz qui soit: juste une hydre aux milles têtes sans aucune identité commune. Il est du droit de chacun de dire qu’il n’aime pas l’évolution de l’identité sonore d’un groupe; mais que dire quand le groupe en question a oublié cette idée d’identité sonore?

 

Tracklist:

Intro: I Switched My Robot Off

Ascension (Ft. Vince Staples)

Strobelite (Ft. Peven Everett)

Saturnz Barz (Ft. Popcaan)

Momentz (Ft. De La Soul)

Interlude: The Non-Conformist Oath

Submission (Ft. Danny Brown & Kelela)

Charger (Ft. Grace Jones)

Interlude: Elevator Going Up

Andromeda (Ft. D.R.A.M.)

Busted and Blue

Interlude: Talk Radio

Carnival (Ft. Anthony Hamilton)

Let Me Out (Ft. Mavis Staples & Pusha T)

Interlude: Penthouse

Sex Murder Party (Ft. Jamie Principle & Zebra Katz)

She’s My Collar (Ft. Kali Uchis)

Interlude: The Elephant

Hallelujah Money (Ft. Benjamin Clementine)

We Got the Power (Ft. Jehnny Beth)

 

Nos morceaux préférés: Saturnz Barz, Carnival, Let Me Out, She’s My Collar, Hallelujah Money

 

La note: 5,5/10

 

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