Four Tet – New Energy

 

 

Écoute et critique du dixième effort de l’icône de l’électronique indépendant Four Tet. New Energy porte avec lui la douceur nécessaire à votre automne. 

S’essayer à Four Tet, c’est prendre un pari risqué. Porteur d’une musique tout sauf accessible, Kieran Hebden a toujours préféré le renouvellement à la redondance. L’électronique, un genre souvent décrié comme « inhumain » et dénué d’une structure traditionnelle, demeure pourtant le sillon de la musique le plus sujet à l’inventivité. Puisqu’il peut manier l’acoustique encore mieux qu’un orchestre, tout en restant contemporain de son époque, jamais rétrograde, souvent précurseur (ce qu’on appelle la « French Touch » n’y est pas pour rien).

De l’autre côté de la Manche, Four Tet manie son art depuis une grosse décennie, gageant une certaine stabilité : toujours surprendre. Ainsi, après avoir dévoilé au compte-goutte ses nouvelles pépites (Two Thousand and Seventeen, SW9 9SL, Planet), la bulle spéculative a gonflé, gonflé, jusqu’à éclater lors de l’officialisation de ce tant attendu dixième album. New Energy ne réitère jamais son propos, au contraire il l’étaye jusqu’à bâtir une oeuvre ample, planante et très émouvante.

Il est difficile de mentionner les quatorze titres qui ponctue New Energy. Très dense, l’ensemble résulte, bien évidemment, de moments de grâce plus mémorables que d’autres. On n’est pas forcément marqués par les interludes Tremper, Fall 2, 10 Midi et Gentle Soul, qui ne sont que les préambules (certes indispensables) aux grandes odyssées qui suient. Ce n’est rien face au reste, suffisamment généreux.

L’ouverture magnifique de l’album, Alap, étonne de sa harpe, qui glisse et soupire ses notes. Une sensation de suspend s’empare dès lors de l’oeuvre, qui restera, pour le bien de Four Tet, tout du long. Two Thousand and Seventeen, en plus de bénéficier de la première boîte à rythme, use une nouvelle fois de cet instrument si rare et précieux. La machine est définitivement lancée.

Avec New Energy, Hebden nous embarque volontiers dans un univers très coloré et travaillé. Impossible de ne pas penser à Jamie XX, période d’In Colour, dans les sonorités de Lush, tandis que la bien nommée LA Trance porte en elle toute l’allégorie sensationnelle d’une ville nocturne, sûrement futuriste, digne de Blade Runner. Coup de coeur certain pour Scientists, qui débute en un soupir et qui signe le retour de la harpe dans sa seconde moitié. Un saxophone, incontrôlable, semble évadé des dernières productions de Bon Iver.

Le morceau, qui fonctionne dans sa non-structure, sonne d’autant plus acoustique que ses petits frères. SW9 9SL, née sous la bonne étoile d’un sampling haute-volée, construit petit-à-petit une piste de danse.

Sans tomber dans la facilité dancefloor, le titre vire radicalement vers l’expérimentation pour s’évaporer à nouveau dans la transe, irresistible, de sa genèse.

Memories et Daughter, deux très beaux titres, inscrivent New Energy dans une nouvelle dimension. Nostalgique, l’usage de la voix n’est peut-être pas anodin. Féminine, elle s’immisce, possède l’instrumentalisation et mène la danse. Un miroir mental érigé par son créateur ? Si Four Tet reste aux commandes, « caché » derrière son moniteur, son émotion se palpe plus en profondeur, dans les sons qu’il propose. Le final saisissant Planet, est en fait un best-of de tout ce que New Energy a su nous offrir pendant près d’une heure : un usage d’instruments indémodables (la harpe, gros parti pris de l’album), une âme certainement électronique et, sans doute, un souffle incommensurable.


 

Tracklisting

Alap

Two Thousand and Seventeen

LA Trance

Tremper

Lush

Scientists 

Fall 2

You Are Loved

SW9 9SL

10 Midi

Memories

Daughter

Gentle Soul

Planet

Nos morceaux favoris : Two Thousand And Seventeen, Scientists, SW9 9SL, Lush, Planet, Memories, Alap…

La note : 9/10

 

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