Sundara Karma : « C’est important que tu ne laisses pas la société t’empêcher d’être toi-même »

De leur nouvelle vie de musiciens à plein temps en passant par leur album, les conseils pour sortir tout seul et les fringues, Oscar Pollock des Sundara Karma nous dit tout !

Nous sommes vendredi après-midi, et il est environ 15h30 lorsque votre correspondante suisse Soundofbrit arrive devant la petite salle de l’Exil à Zurich. Il neige, il fait froid, et je m’empresse d’envoyer un sms au manager des Sundara Karma avec mes doigts gelés : « Je suis devant la salle, mais c’est fermé à double tour ! Est-ce que vous êtes là ? » « J’arrive. Est-ce que tu peux venir devant la porte arrière ? » quelques secondes plus tard, je me retrouve déjà en backstage avec la joyeuse bande. Ils me demandent si j’ai fait un long chemin pour venir, et je leur répond que honnêtement oui- environ deux heures et demie de train. J’ai même du sécher mes cours à l’université pour arriver à temps ! «Wow ! Tu ne le regretteras pas. On va te dire des trucs exclusifs ! » Le leader Oscar me répond-il en riant. Je me dis alors que la glace est brisée. Mais y avait-il seulement une glace à briser ? Je n’ai même pas le temps de réfléchir qu’ils m’offrent déjà à boire et à manger. Nous constatons que nous possédons les mêmes appareils photos- eux aussi ont pris un Olympus Trip avec eux. Ce qui m’a frappée, mis à part la gentillesse du groupe, c’est à quel point ses membres sont terre à terre: conscients de leur chance, mais aussi de leur image de groupe pop. Plus tard dans la soirée, le concert se déroulera dans une ambiance chaleureuse- les fans, toutes générations confondues, étaient au rendez-vous pour encourager les quatre anglais lors de leur première date suisse.

Est-ce que vous vivez toujours à Reading ?

Oscar Pollock : Non !! (rires) Je viens de déménager à Londres, il y a environ une ou deux semaines. Je n’y ai vécu qu’une semaine, et puis nous sommes partis en tournée. Donc je viens de déménager à Peckham, au sud de Londres. C’est cool. Je suis avec un ami qui s’appelle Aiden, et il est adorable. Et je pense que les autres cherchent aussi à déménager à Londres, Haydn va emménager avec sa copine qui vit déjà à Londres… Je pense qu’on veut tous sauter ce pas en quelque sorte. Mais nous dirons toujours que nous sommes un groupe de Reading, parce que c’est là que nous nous sommes rencontrés.

C’est drôle, parce qu’il n’y a pas beaucoup de groupes de Reading qui viennent jouer chez nous. C’est plutôt des groupes de Londres, Birmingham, Leeds…

Ouais… Les groupes là-bas n’ont pas autant d’opportunités que ceux de Londres par exemple. Ce n’est pas exactement un endroit que tu associerais à des opportunités. Je pense que c’est juste une question d’ambition. Il n’y a pas beaucoup d’ambition à Reading, parce que c’est tellement proche de Londres. Beaucoup de gens préfèrent simplement déménager à Londres et se « présenter » en tant que groupe Londonien.

« La jeunesse est toujours présentée comme quelque chose d’amusant […]  souvent, C’est une période très fragile pour beaucoup de monde. Il faut souligner cela plus souvent. »

Pourtant, Londres est très chère.

Oui, nous ne réalisons pas encore. Nous devons garder cela en tête j’imagine. Mais d’un autre côté, qu’est-ce que tu peux faire ? C’est un endroit sympa et excitant. Mais c’est vrai que lorsque tu déménages dans une ville comme celle-ci, tu contribues en quelque sorte à la gentrification. Peut-être tacitement. Et il y a toujours des zones très pauvres. Et tu les traverses, et tu te sens mal parce que les prix montent et qu’ils n’ont nulle part ailleurs où aller… C’est vraiment la merde. Des familles qui ont vécu à Londres pendant des générations ont du mal à joindre les deux bouts. Donc il faut être conscients de cela.

C’est clair. Mais j’en déduis que vous parvenez à vivre de votre musique ?

Oui !

C’est génial. Félicitations !

C’est putain de génial ouais ! C’est l’une des choses les plus cools, c’est vraiment génial. Au départ tu ne penses pas que cela soit possible, c’est fou.

Je voulais aussi vous demander si vous aimiez la mode ? Déjà dans vos clips, et même aujourd’hui- je trouve que vous êtes toujours très bien habillés !

Merci ! (rires) Eh bien, ma mère est designer de mode. Elle enseigne la mode maintenant. Je pense que depuis mon très jeune âge j’ai toujours été conscient du message communiqué à travers les habits. Même si tu mets un t-shirt et qu’il n’y a pas de message derrière cela – c’est juste quelque chose que tu fais chaque matin – tout ce que tu portes dit quelque chose sur ta manière de voir la vie. Même si tu n’aimes pas la mode, inconsciemment il y a quand même quelque chose qui est dit. D’une certaine manière, c’est presque politique. Je pense qu’il y a beaucoup d’espace pour les idées, c’est une forme d’expression dans un sens. Mais ouais, j’aime la mode.

Moi aussi, quand j’ai l’argent pour ! (rires)

Mais honnêtement, les magasins de seconde main sont supers ! Si tu as une idée claire de ce que tu veux, tu trouves des choses géniales. Ou commence le tiens ! (rires)

Bonne idée, je vais demander à des amis ! De nos jours, beaucoup de groupes font les mannequins pour des marques de vêtements. Est-ce que vous seriez intéressés à faire de même ?

Je l’ai déjà fait en fait, j’ai fait un truc avec Doc Martens. C’était vraiment bizarre, j’étais mal à l’aise. Beaucoup de groupes doivent faire cela de nos jours, pour des raisons financières. C’est très similaire au groupes dont la musique apparaît dans les publicités par exemple. Dans un sens, tu te transformes en marchandise. Mais je pense que tu dois faire cela de nos jours pour gagner de l’argent. À l’époque, c’était mal vu de faire ça parce que tu n’en n’avais pas besoin. Tu te faisais des sous en plus des millions que tu avais déjà. Mais de nos jours, tu as besoin de faire ça pour payer ton loyer. Je pense qu’il n’y a pas de mal à cela.

J’ai vu que dans beaucoup d’interviews, les journalistes parlent de ton look androgyne. Je voulais savoir si c’était important pour toi de défier la norme.

Hmm… Je pense que c’est important d’être toi-même. C’est important que tu ne laisses pas la société t’empêcher d’être toi-même. Je ne pense pas que tu doives essayer d’être autre chose que toi-même. Et par « toi-même », je veux dire « ce que tu veux être ».

« C’est important que tu ne laisses pas la société t’empêcher d’être toi-même. »

Parlons un peu de votre album, Youth Is Only Ever Fun In Retrospect (ndlr : la jeunesse n’est amusante qu’en rétrospective). Je suis d’accord avec cela, mais c’est un peu bizarre parce qu’on est encore jeunes-

Oui ! J’ai 22 ans maintenant, et je me sens vieux ! Je pense que quand j’aurai 43 ans, je me dirai enfin « je me sens à l’aise ». La pensée derrière le titre, c’était que la jeunesse est toujours présentée comme quelque chose d’amusant, et tout doit être sympa. Mais cela peut entraîner chez beaucoup de gens le sentiment d’être isolé et seul. Parfois- souvent en fait, ce n’est pas amusant. C’est une période très fragile pour beaucoup de monde. Il faut souligner cela plus souvent. Parce que plus les gens s’identifieront à d’autres personnes et leurs expériences, moins ils se sentiront seuls. Je pense que c’est une bonne chose. Personne n’est heureux à 100% pendant sa jeunesse, du moins pas chez nous en occident.

Est-ce que c’était facile de faire cet album ? J’ai vu que vous avez aussi repris quelques anciens titres.

Hmm… Il n’y a rien pour comparer, mais c’était très amusant, et nous avons beaucoup appris. Ce disque est comme une protestation bourrée à une fête, plutôt que quelque chose de très recherché pour être honnête avec toi.

Comment ça se passe lorsque tu écris ?

J’écris les chansons, puis je les montre aux autres. Ils me disent s’ils les aiment ou pas, puis on répète tous ensemble.

D’accord. Parce que j’ai l’impression qu’à travers l’album – je prends l’exemple de Flame – les guitares sont très légères, tandis que la basse semble supporter le tout. Peut-être que c’est faux-

Non, je pense que c’est une bonne observation. Selon moi, la musique qu’on a sortie sur l’album est plutôt simple. Tu peux faire beaucoup avec de la musique simplifiée. Et lorsque cette musique est simple, la basse a tendance à ressortir plus, ce qui est très intéressant. Tandis que quand quelque chose est plus complexe, tes oreilles sont attirées par les notes plus hautes.

« C’est agréable de savoir que nous sommes profondément peu importants et que tout le monde s’en fout. […] Tu peux alors te sentir libre grâce à cela. »

Cela fait un moment que tu fais de la musique maintenant, tu as commencé à 14 ans environ. Si tu pouvais donner un conseil au jeune Oscar, que lui dirais-tu ?

Hmm… Sois patient, je pense. Et décide vraiment de ce que tu veux. Et puis… lance toi, et ne fais pas de compromis. C’est difficile de ne pas faire de compromis lorsque tu es dans un groupe pop, mais essaie de faire ce dont tu as envie sans être un connard. Prend l’avis des autres en considération.

Je voulais aussi avoir ton avis sur cette question : je n’ai pas beaucoup d’amis qui écoutent la même musique que moi, et je me retrouve souvent à devoir aller à des concerts seule. As-tu des conseils pour les gens qui sont dans mon cas ?

D’accord. Je suis pareil que toi ! Je trouve parfois difficile d’aller à des concerts seul. Je suis allé au cinéma tout seul l’autre jour, et c’était une expérience très libératrice ! (rires) Parce que tu peux vraiment te concentrer et être avec tes pensées pendant un moment. C’est différent d’aller à un concert, parce que tu es debout au milieu de gens bourrés. Une chose qu’il faut savoir, c’est que personne ne se soucie vraiment de toi ; on pense toujours que les gens sont constamment en train de nous observer et de nous juger, mais ce n’est pas le cas. D’une certaine manière, c’est une sorte de self-obsession n’est-ce pas ? Donc c’est agréable de savoir que nous sommes profondément peu importants et que tout le monde s’en fout. Et tu peux alors te sentir libre grâce à cela. Mais c’est toujours compliqué, c’est clair. Je pense que plus tu le fais, plus cela deviendra facile. Tu dois te forcer à y aller, c’est comme pour une salle de sport ! Tu réalises que ce n’est qu’une corde, ce n’est pas un serpent.

Enfin, que pouvons-nous espérer de Sundara Karma dans le futur ?

Plus de chansons, un nouvel album… Et voilà !

Les Sundara Karma backstage à l’Exil de Zurich, 8.12.2017

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