27 Fév Rejjie Snow – Dear Annie
Il est né, ce divin disque. Introduit par deux EPs de qualités, ce premier album de Rejjie Snow marque un chapitre définitif dans la carrière de l’artiste. Moulé dans une instrumentalisation d’une incroyable douceur, Dear Annie part en conquête de tous les succès.
Il vient nous sauver. Depuis quelque temps déjà, on prévoyait un brillant avenir pour Rejjie Snow, grand mage en devenir du hip-hop anglais. Au fil des sorties, le musicien a non seulement prouvé qu’il détenait un concept, mais aussi qu’il traçait son chemin dans la même direction que les jardins de Joey Bada$$, des hauteurs de Tyler, The Creator ou Frank Ocean. Ceux-là détiennent la recette idéale, très actuelle : allier les racines culturelles du rap à l’ambiance chaude et colorée de la soul. Pour Dear Annie, Rejjie Snow est parti d’une idée maîtresse : celle de raconter une histoire, cousue sur un même fil. Vingt morceaux, cela peut faire peur, impressionner : tient-il le cap ? Haut la main.
De l’ouverture Hello aux diptyque final Annie/Greatness rien n’est laissé ici par hasard. Bâtir un album romancé, façon Rejjie Snow, c’est tout d’abord commencer par les interludes. The Wonderful World Of Annie, Skinny Jasmine Intermission et Skatebord P Intermission s’en chargent évidemment, agissant comme « annonces », des prochains titres. « Welcome (…) the next track is called…« , le rappeur communique, nous parle, brise le quatrième mur de son album. Ainsi s’installe une ambiance à la fois familière et originale. Surgissent alors les nombreuses pépites et productions léchées, qui ponctuent en force Dear Annie.
Rainbows, forcément irrésistible, se construit de la diversité des voix, tandis que d’autres singles comme Egyptian Luvr et LMFAO vibrent d’un groove intenable. Majoritairement basé sur des instrumentales organiques, l’album ne laisse que peu de place à l’électronique. Les boites à rythmes, cependant, sont marquantes de récurrence (Mon Amour, Bye Polar…).
Ce qui participe à peindre le paysage de Dear Annie, ce sont bien les synthétiseurs. Ronds à souhaits, produits sans excès, leur acoustiques dessinent un mood de chambre incomparable. Tandis que le nocturne The Ends joue sur des dissonances, Room 27 embrasse l’ouïe.
L’ensemble coule, écrit dans une logique implacable, invitant même quelques invités, rajoutant une solide plue-value à chaque morceau (Anna Of The North, Ebenezer, Aminé). Si Rejjie Snow ne prend que peu de risque vocalement, c’est pour laisser respirer l’arrangement. Celui-ci, d’ailleurs, ne déborde jamais. Les titres sont carrés mais les structures loin d’être redondantes. Dear Annie vire dans l’introspection, dans le lancinant.
Hope everything’s Ok… Oh No! n’est qu’un blues de passage, vite surpassé par l’ensoleillé Spaceships, ou le refrain nous propulse au plus près de l’astre Channel Orange, de Frank Ocean. Pourtant, les nuages ressurgissent rapidement, avec The Rain, ou des voix mystérieuses s’échangent les couplets, sur un air de piano mélancolique. Le tonnerre gronde alors, et une inspiration nous frappe. Rejjie Snow n’est pas l’ami de King Krule pour rien. Chacun ont très probablement puisé dans l’art de l’autre pour concocter leurs albums respectifs. Ce qu’il y a de The OOZ dans Dear Annie, n’est en rien de la redite. Le rappeur construit son propre univers sur ces fondations. Désolé, autre pilier de l’album, retrace des segments qui nous rappellent les meilleurs moments de Scum Fuck Flower Boy, de Tyler.
En une heure d’écoute, difficile de cerner la totalité des éclaircis de Dear Annie. Bien heureusement, ce disque garanti le replay. Peut-être pas dans l’immédiat, tant l’oeuvre peut paraître dense, mais après maturation. C’est dans la constante recherche d’innovation que le musicien approuve, de manière irrévocable, l’entièreté de son talent de compositeur.
Ainsi, Dear Annie n’est pas qu’un album de hip-hop contemporain. Bien au contraire, il nage dans le multi-genre ; brasse dans l’indie et pratique le plongeon dans un jazz-rap épuré. Certainement un des tours de force de 2018, une pierre sur l’édifice historique de la musique de demain.
Tracklisting
Hello
Rainbows
The Wonderful World Of Annie
23 (feat. Caroline Smith)
Pink Lemonade (feat. Cam O’bi)
Skinny Jasmine Intermission
Mon Amour
Oh No! (feat. Dana Williams)
Spaceships (feat. Ebenezer)
Egyptian Luvr (feat. Aminé & Dana Williams)
The Ends (feat. Jesse James Solomon)
Room 27 (feat. Dana Williams)
Désolé
The Rain (feat. Cam O’bi & Krondon)
Skateboard P Intermission
LMFAO
Bye Polar
Charlie Brown (feat. Anna Of The North)
Annie (feat. Jesse Boykins III)
Greatness (feat. Micah Freeman)
Nos + : Rainbows, 23, Spaceships, Egyptian Luvr, Room 27, Désolé, The Rain, Charlie Brown, Annie, Mon Amour…
La note : 9,5/10
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