24 Avr Triomphe absolu et énergie implacable pour Shame à la Maroquinerie
Shame ont investi la Maroquinerie pour une date à guichet fermé qui restera dans les annales comme l’un des meilleurs concerts de l’année. Récit.
Ce serait un euphémisme de dire que cette soirée était attendue. Après un Point Éphémère complet en décembre, le quintet Shame, ne cessant de triompher dans tout ce qu’il entreprend, revenait hier soir pour un concert complet depuis des mois; signe annonciateur du bordel que les jeunes musiciens allaient causer ce soir là.
Programmé à 22h, le groupe laisse le temps à 2 premières parties de les introduire, Black Midi et Hotel Lux; dont nous ne capterons qu’une partie du set du dernier nommé. Hotel Lux donc, quintet dans la veine de leurs confrères Shame, délivre un rock résolument british que n’aurait pas renié la BO de Trainspotting, synthé à l’appui. De mélodies lancinantes à instantanéité garage, le groupe sait laisser sa trace sur un public chaud bouillant qui l’applaudit chaleureusement à l’issue d’un set de 45 minutes. Mais trêve d’introductions: c’est avec un quart d’heure de retard que Shame montent enfin sur scène sous les hurlements du public, impatient.
Green, Forbes, Finerty, Coyle-Smith, et finalement Steen, impressionnant frontman, mi-homme mi-animal. Tout comme sur leur premier album, Songs of Praise, le groupe ouvre avec le ténébreux et furieux Dust On Trial. Si le public est timide dans les premières minutes, Steen prend un malin plaisir à régler ce souci: incitant les gens à se rapprocher le plus possible de la scène, il se lance ensuite dans la foule pour se laisser porter par le public, finissant par surfer sur une foule tumultueuse. La sueur est sur tous les fronts; et ce n’est que le premier morceau.
« On ne tolérera aucune agression, aucune discrimination, aucune haine de l’autre pendant ce concert. On est là pour s’éclater, prenez votre pied. Ce morceau s’appelle Concrete. » Difficile de définir simplement ce qui fait la tétanisante puissance de Shame en live; leur énergie scénique? Leur son? Leur spontanéité? Leur façon d’investir systématiquement leur public? Sans doute un mélange de tous ces facteurs, résultant dans un mélange énergique et euphorique qui ne nous lâche jamais; pendant les mosh-pits qui s’ouvrent dès les premières secondes du deuxième titre, quand Steen tend un micro à un fan pour chanter le pont du titre, quand chaque musicien épuise toutes ses forces pour livrer un set à la fois bruyant et maîtrisé, magnifique et extatique.
La passion ne lâche personne malgré l’énergie dépensée, de l’aérien riff de One Rizla à la surpuissante conclusion de Tasteless (là aussi chantée par des fans) en passant par le vénéneux et spoken-word The Lick. « Notre tout premier concert en France était ici, il y a 2 ans. C’est une soirée très spéciale pour nous. » On ne peut que croire Steen qui, entre deux interprétations impressionnantes, s’assure que les premiers rangs, compressés, tiennent le coup. Difficile de détacher notre regard du magnétique chanteur et frontman qui, au bout de 5 titres, finit enfin torse nu, rutilant de sueur, empli d’un charisme parfaitement contrôlé.
La nerveuse Friction emporte évidemment la foule. « On va vous jouer un nouveau morceau. Enfin, on dit que c’est un nouveau morceau depuis 6 mois. Et il n’a toujours pas de nom. » Le nouveau titre, prenant son temps pour installer son tempo, est accueilli avec plaisir par le public, pas en retard pour se fracasser violemment la première montée en puissance venue. Shame prennent cependant le temps de ralentir les bpm au moment d’interpréter Angie, épatante conclusion de Songs of Praise. La montée en puissance fait son effet, et c’est évidemment en crowd-surfant que Steen interprète le dernier couplet, interrompant quelques brefs instants les violents pogos qui ne s’arrêtent décidément jamais.
Lampoon débarque alors, avec son outro d’une violence inouïe, brisant un peu plus le corps de chaque membre du public. « Ce sera notre dernier morceau Paris, merci pour tout. » L’inimitable Gold Hole arrive, accompagné par son inévitable marée de crowd-surfings, dans un ultime geste de plaisir. Les dernières mesures retentissent puis le groupe s’éclipse; mais le public, lui, ne l’entend pas de cette oreille. Et en redemande encore. Encore. Encore. Les applaudissements ne semblent pas vouloir cesser; et il faut bien croire que le quintet aussi en veutencore.
Un à un, les 5 musiciens reviennent sur scène, Steen demandant avec malice une cigarette à la foule; demande évidemment exaucée dans la seconde. « Ce morceau s’appelle Donk, c’est la première fois qu’on le joue en live. Encore merci, on se voit en décembre. » Moins de 2 minutes de pure folie punk pour se fracasser une ultime fois, et le groupe se retire pour de bon. On ressort de la Maroquinerie, fourbus, trempés, mais résolument heureux.
Encore une fois, difficile de mettre précisément le doigt sur ce qui a transformé ce qui démarrait comme un excellent set en un concert instantanément culte, festif, jouissif et implacable. La maîtrise des cinq musiciens frôle à ce niveau l’indécence. Pour Shame, tout est déjà acquis: les mélodies, imparables, les textes, repris à corps et à cris, et le charisme, parfaitement maîtrisé et dosé, en parfaite communion avec chaque âme présente dans la salle. On n’avait pas vu ça depuis longtemps, et on doute de retomber de sitôt sur une expérience aussi galvanisante. Pour les absents (qui n’auront jamais eu aussi tort), rendez-vous en Décembre à l’Élysée Montmartre.
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Setlist Shame @ La Maroquinerie (24/04/2018)
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