L’éblouissant 30ème anniversaire des Eurockéennes

« On est encore plus fort, encore plus beau, encore plus haut », argumentait avec émotion Mathieu Pigasse, Président des Eurockéennes, lors de la traditionnelle conférence de presse de clôture d’événement. Retour sur une trentième édition les pieds dans la boue et la tête dans les étoiles -ou du moins les nuages-, qui restera à n’en pas douter dans les mémoires.

Difficile de dire quand s’arrêtera, ou même ne montrera ne serait-ce qu’un léger signe d’essouflement, la fulgurante et magnifique ascension des Eurockéennes. Ne regardant que très rarement dans le rétroviseur, si ce n’est pour faire plaisir à ses fans, le festival ose, quitte à provoquer l’agacement des festivaliers de la première heure. Et finalement, ne serait-ce pas cela, ce qui caractérise les plus grands ?

Les Eurockéennes, plus fortes que les éléments

La pluie torrentielle du premier jour et le quart de finale de Coupe du Monde joué par l’équipe de France le lendemain auront bien tenté de déstabiliser le festival, en vain. Ce sont finalement près de 135’000 festivaliers, un record, qui ont foulé le sol boueux des quatre scènes de l’événement, doté pour l’occasion d’une grande roue et d’une parade exceptionnelle de la Patrouille de France. La réinstallation d’un chapiteau au dessus de la Greenroom, permettant d’offrir un réel cocon aux concerts à la manière des grands festivals scandinaves, semblerait presque avoir été réalisée en accord avec la météo, offrant un abri aux milliers de fans de Bigflo & Oli massés pour l’occasion, ou bien aux badauds peu adeptes de glissades dans la boue.

Le groupe Nothing But Thieves ouvre la grande scène pour la seconde journée de festivités.

Prophets of Eclectism

La programmation des Eurockéennes aurait pu amener à sa perte, au vu du tollé provoqué lors de son annonce, surnommée comme à l’accoutumée surnomé Eurapéennes par quelques festivaliers mécontents, pensants avec fierté être les premiers à faire la blague. Il n’en sera rien, la programmation faisant suite au souhait d’éclectisme développé par Mathieu Pigasse lors de sa prise de fonction, à l’issue de la 27ème édition du festival en 2015. Si dresser une liste exhaustive des meilleurs concerts semble être une tâche impossible, nous pouvons tenter de vous dresser une liste de nos coups de coeur, et bien sûr de nos déceptions.

  • Jour 1 : Toujours autant d’pluie chez moi. Mais il fait quand même beau, il fait beau.

Une fois le camp de base au coeur du camping établi, il est déjà temps de se diriger vers les festivités. C’est en plein milieu de la prestation de l’énergique groupe Tank & The Bangas que retentissent les premières notes d’un concert pas comme les autres. La Patrouille de France, invitée à l’occasion du trentième anniversaire du festival, est l’une de ces petites folies que se sont permis les organisateurs, un cadeau au public redevenu enfant le temps de quelques minutes, alors qu’un spectateur grincheux affirme avec insistance qu' »à chaque passage de la patrouille, c’est un Kendrick Lamar qui part en fumée« . Véritable révélation britannique, Sampha a présenté son premier album Process à un public désireux de découvrir de nouveaux artistes. Pari réussi pour le récipiendaire du Mercury Prize. C’est le concert de Texas, que nous avons vécu entre la sandwicherie et la fosse, qui va marquer un tournant dans cette première soirée. Assennant classiques sur classiques, dont nous entendons la majorité à la radio sur la route des vacances, le groupe écossais va malheureusement voir une grande partie de son public déserter, alors qu’un pluie torrentielle s’abat sur la Presqu’île du Malsaucy. Cherchant plus à être à l’abri de la pluie qu’à réellement profiter de Bigflo et Oli, on se décide à rejoindre la grande scène et Orelsan. C’est finalement le groupe Portugal. The Man, ponctuant sa scénographie de blagues et de références à la France, qui a fourni l’un des meilleurs shows du festival. Macklemore, intemporel et barré, a lui aussi fourni un excellent spectacle, ramenant bon nombre de festivaliers à leurs jeunes années. Le festival commence à peine, alors que les jeunes festivaliers se demandent déjà si ils vont tenir le coup pendant quatre jours.

  • Jour 2 : Après le tempête, le calme (relatif)

On s’y attendait : cette seconde journée de festival n’allait pas être de tout repos. A peine le temps d’essorer nos chaussures trempées de la veille, d’enfiler des sacs plastiques en guise de chaussettes, qu’il nous a fallus rejoindre le centre du camping pour le match opposant la France à l’Uruguay. Manque de chance, le grand écran ne marche pas. C’est finalement au bout d’une vingtaine de minutes que retentissent les premiers cris des supporters rassemblés sur la place principale du camping, au désespoir du DJ Prieur de la Marne, programmé en même temps que le match.

Richie Hawtin a proposé son spectacle « Close » aux spectateurs des Eurockéennes.

Il faut le dire, on a rarement le temps de s’ennuyer aux Eurockéennes. Mis à part quelques personnes qui ont acheté leur pass seulement pour rester au camping, les concerts s’enchaînent vite. Nothing But Thieves, semblait avoir déjà conquis une partie de son public venu pour l’occasion, de même que pour Rilès, véritable révélation rap de 2017. Mais le véritable spectacle s’est produit lors du concert de Prophets of Rage, supergroupe composé des groupes Public Enemy, Cypress Hill et Rage Against the Machine, déclenchant la folie de son public. Transition étonnante, Leon Bridges va offrir le seul moment de répis de la soirée, avant que ne commence Nine Inch Nails, l’une des plus grosses attentes du festival. Et il fallait les voir, les centaines de fans du groupe, arpentants le festival et arborants fièrement un t-shirt floqué du logo du groupe. Au vu de la qualité du concert, on peut imaginer que cela valait le déplacement. FFF a quant à lui peiné à convaincre, malgré l’excellente idée de rejouer un concert à l’identique 20 ans après leur fameux album live enregistré à Belfort en 1997. L’ambiance du festival va quant-à elle changer du tout au tout, rassemblant les derniers festivaliers sous un club à ciel ouvert, alors que résonnent les sets de The Black Madonna et de Richie Hawtin.

  • Jour 3 : Ce soir vous travaillez pour moi

Autant dire que, comme après une bonne fête et une bonne dose d’alcool, le réveil est difficile. Heureusement notre premier concert de la journée est doux. Juliette Armanet, surêment inspirée par Michel Berger et par Elton John, offre une pause méritée alors que la journée ne fait que commencer. Si Damso était l’atout rap de la journée, amenant notamment de nombreuses personnes venues pour l’occasion, il a malheureusement peiné à convaincre les festivaliers qui n’étaient pas acquis à sa cause. La preuve, les nombreux badauds devant le concert de Superorganism, mené par la chanteuse Orono du haut de ses 17 ans. Un trip coloré, plaisant, alors que le soleil se couche sur la Plage. Queens of the Stone Age est un peu un cliché du groupe de rock. On passera sans doute sur les frasques de son chanteur, assenant à la sécurité entre deux morceaux « ce soir vous travaillez pour moi« , pour apprécier l’énergie du groupe, devenue bien trop rare. Face à l’impossibilité de rejoindre le concert de Rick Ross, nous décidons de rester à la barrière pour Jungle, qui délivera un spectacle millimitré, mais empli d’émotion.

  • Jour 4 : Dernier jour au paradis

Ultime journée de festival. Il y a toujours cette ambiance un peu particulière sur le camping des Eurocks, alors que le festival s’apprête à fermer ses portes.  Le voisin de tente est parti sans dire un mot, le porte-voix de celui qui criait « apéroooo » n’a plus de pile, et les bières commencent à manquer. Après avoir fait un tour au stand de la FNAC pour suivre l’interview de Lomepal, on fonce à la Greenroom pour ne rien manquer du concert du kid Eddy de Pretto, une réelle surprise en live. C’est le concert de Liam Gallagher, l’événement du festival pour beaucoup, qui va rassembler les foules, à l’image des deux enfants de sept ans diffusés sur écran géant, chantants de bout en bout Wonderwall, aidés par le public. Un moment de communion solennel, que peinera malheureusement à reproduire le spectacle sans doute un peu sur-produit des Shaka Ponk, qui ont vu leur  énergie noyée dans des effets visuels trop présents. Pas facile d’égaler la magnificence d’Arcade Fire en 2017.

 

Liam Gallagher sera pour certains le véritable closing du festival, au détriment du groupe Shaka Ponk.

Le festival face aux augmentations des frais budgétaires

Rappellant que le festival des Eurockéennes est « un événement à but non-lucratif avec des missions d’intérêts publics »,  l’organisation du festival charge l’augmentation délétère des coûts d’organisation du festival. Outre le cachet des artistes, augmentant exponentiellement depuis près de dix ans, est mis en cause une circulaire ministerielle contraignant les événements à rembourser les dépenses liées à la sécurité. Ainsi, selon des informations de nos confrères de L’Est Républicain, la mobilisation des 270 gendarmes, 30 militaires, 45 policiers, 210 pompiers et 80 secouristes nécessaire à la sécurisation du site coûterait près de 254.000 euros au festival, contre 30.000 euros en 2017 alors que les effectifs étaient moins conséquents et représentant une augmentation des charges de près de 800%. Une augmentation non négligeable pour Sénateur LR du Territoire de Belfort Cedric Perrin, qui pointe sur twitter une situation « inacceptable, [mettant] en péril l’avenir du festival« , alors que de plus en plus de festivals cessent leur activité faute de financements.

Nous remercions l’organisation du festival, l’agence de communication Éphélide, nos contacts sur place ainsi que nos amis pour leur soutien précieux.

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