Pitchfork Music Festival Paris, jour 2: la caresse Blood Orange

Retour en territoire hipster pour cette seconde journée du Pitchfork, résolument placée sous le signe de la Grande-Bretagne.

Nous attaquons cette deuxième journée avec l’indie-pop (encore!) des norvégiens de Boy Pablo, aux forts accents de Gus Dapperton ou, plus globalement, de toutes les formations indice-pop créées post-Mac Demarco. Un mélange donc encore une fois agréable, sympathique, mais manquant cruellement de gueule et de cachet.

Nous écoutons de loin l’électronique de Tirzah pour mieux nous préparer à l’explosif set de Dream Wife. Grand bien nous en a fait: à peine débarqué sur scène, le trio déborde d’une énergie punk-rock salvatrice et d’un plaisir communicatif auquel on ne peut décemment résister. La bassiste, solide sur ses appuis, ouvre la voie à une guitariste inventive en diable, délivrant d’exquis riffs à foison. Quant à la chanteuse, elle, elle délivre ses lignes avec force et intensité, s’accordant quelques pauses pour alpaguer le public du regard avec malice. « Gender is a construct » clame-t-elle avant l’explosif Somebody, l’antépénultième titre avant le tonitruant final, hymne imparable qui nous laisse sur le cul. Future is female on vous dit.

Nous délaissons tranquillement l’électro légèrement répétitif du frenchie Lewis OfMan pour nous préparer à la tranche de rock alternative que nous allons déguster en compagnie de Car Seat Headrest. Will Toledo, maintenant accompagné sur scène de 6 musiciens(!), vient donc revisiter son cult classic Twin Fantasy (7 ans, déjà…). De l’impressionnant Bodys d’ouverture au titanesque Beach Life-In-Death de clôture (13 minutes au compteur!), en passant par des extraits du mythique Teens of Denial (Drunk Driver/Killer Whales et son sing-along, frissons), la formation fonctionne comme une gargantuesque et jouissive machine, produisant des tubes n’allant jamais sous la barre des 7 minutes avec une aisance déconcertante. À l’issue de ce set, un constat ne fait aucun doute: Will Toledo a produit les meilleurs compositions rock de la décennie. Allez rivaliser avec ça.

Pendant que les rétro-futuristes Chromeo déglinguent la grande halle de la Villette à grand coups de synthétiseurs, nous nous préparons de notre côté à la Bagarre. Le quintet français, créateur selon eux-mêmes de musique de club, est en effet plus prêt que jamais à retourner là bien trop calme halle, majoritairement emplie d’apaisés bobos. La sauce ne prend pas instantanément: l’apocalyptique ouverture Écoutez-moi fait frissonner les premiers rangs, la puissante Béton armé créé quelques timides pogos. La tension se relâche légèrement durant Diamant, ode à la masturbation féminine, mais la formation ne se démonte pas, et obtiendra gain de cause: un wall of death plus tard, et le groupe se lance dans un titre final d’une grosse dizaine de minutes qui emporte absolument toute la foule du Pitchfork dans un grand mosh-pit ne se désemplissant jamais. Le club c’est eux, le club c’est nous: l’électro de Bagarre aura accompli l’exploit de faire bouger cette bien trop sage foule. Rendez-vous à l’Olympia.

Difficile de passer après cette claque, et la synth-pop de CHVRCHES ne secouera pas la foule: les évidents tubes de la formation ne parviennent pas à dynamiter un show bien trop sage et convenu, porté par une Lauren Mayberry visiblement pas en pleine possession de tous ses moyens. Nous retirerons tout de même du set The Mother We Share, pépite électro-pop, ainsi que la formidable clôture Never Say Die, nous noyant sous un torrent de basses.

C’est enfin au tour du rarissime Blood Orange (2ème concert en France, le 1er était il y a 5 ans) d’arriver sur scène, devant une foule compacte et plus prête que jamais. Venu défendre un sublime nouvel album, N**** Swan, le chanteur multi-instrumentaliste fera preuve une heure durant d’une technicité, d’une simplicité et d’une générosité sans pareils. On ne sait où donner de la tête: ce délicat et volcanique batteur, ce puissant saxophoniste, ces incroyables choristes (Holy Will, les frissons, toujours…), … Et il y a les compositions, l’ouverture Saint, le dansant You’re Not Good Enough, le superbe Best To You, agrémenté d’un piano du plus bel effet… Et quand Devonté Hynes lâche ses foulards pour empoigner sa guitare, c’est pour mettre une claque aux musiciens actuels, proposant des riffs et licks d’une virtuosité qu’il dissimule derrière une habile nonchalance. Avec plaisir et candeur, Blood Orange emporte aisément le trophée du set le plus délicieux et envoûtant du festival. Un régal, tout simplement.

Après le dessert, nous voilà au digestif: Kaytranada embarque derrière les platines et se lance dans un set électro-house du plus bel effet invitant la foule du Pitchfork à une conviviale rave. Les chaudes basses côtoient les excitantes mélodies, et tout le monde devient fou quand le DJ passe en exclusivité son nouveau morceau en featuring avec l’incroyable Kali Uchis. Une très belle façon de clôturer cette enivrante seconde journée.

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