10 Mar Entretien avec la tête pensante de Temples
Si nous avions rendez-vous avec James Edward Bagshaw, le frontman de Temples, c’est un peu par hasard que nous l’avons croisé dans l’arrière-cour du Transbordeur de Lyon. Retour sur un entretien intimiste avec la tête pensante de Temples, quelques heures avant son concert au Festival Transfer.
Ce n’est pas trop compliqué de revenir sur scène après une pause de cinq mois ?
Nous n’avons pas encore joué, mais c’est une sensation étrange. En finissant une tournée, on s’habitue vite à une nouvelle routine et on oublie raple stress que l’on peut ressentir quand on est sur scène. Après un certain temps, quand on est à la maison, on veut vraiment retourner en tournée, et quand on y revient, il faut du temps pour s’y habituer à nouveau. L’idée que quelque chose peut casser à tout moment me rend anxieux.
Vous ne vous sentez pas en sécurité sur scène ?
Je me mets trop de pression, surtout si les choses ne me conviennent pas. Je suis habitué aux enregistrements en studio, et être sur scène en est l’exact opposé. Il faut juste se faire à l’idée que l’on ne peut pas tout contrôler. Quand on y arrive, c’est là que l’on fait de bons concerts.
Vous tournez beaucoup en France. Quel est votre meilleur souvenir ?
On a beaucoup de bons souvenirs, le public français est l’un des meilleurs en Europe. On avait vraiment apprécié l’Elysée Montmartre et La Cigale !
Vous avez rencontré des groupes avec qui vous aimeriez collaborer ?
Je ne suis pas sûr que c’était en France mais nous avons fait un concert avec le groupe Air, dont je suis un grand fan. C’est un groupe fantastique. Je leur ai demandé si ils pouvaient faire un remix de l’une de nos chansons, ou de produire quelque chose ensemble, mais je n’ai jamais eu de retour – ils doivent être occupés.
Justement, de nombreux artistes remixent vos chansons. Quelle est votre relation avec la musique électronique ?
J’ai baigné dans la musique électronique lors de mon adolescence, quand j’étais à Londres. La vague de musique électronique française arrivait, et a beaucoup influencé les gens de ma génération. Ce que j’aime avec Air, pour reparler d’eux, c’est cette idée de mélanges entre de véritables instruments, et le synthétiseur. Le son semble analogue, alors qu’il est électronique.
Vous étiez l’un des premiers groupes à remettre au goût du jour cette ambiance si particulière des années 1960. Depuis, de nombreux groupes font de même, comme par exemple Parcels dernièrement. Pourquoi un tel engouement pour cette période ?
Quelque chose de révolutionnaire s’est produit à cette époque. La musique ne ressemblait à rien de ce qui se faisait auparavant, et aucune musique n’a réussi à reproduire cette ambiance. Dans les années 60, beaucoup de grands groupes faisaient des chansons pop incroyables, avec des mélodies accrocheuses. Mais la façon de produire les musiques, aidée par une technologie musicale en plein développement, a réellement rajouté quelque chose à la production musicale de cette époque. Cela a permis de pousser les choses encore plus loin, d’expérimenter des sons inhabituels.
Il me semble que nous partageons le même album fétiche, The Day of the Future Passed des Moody Blues. Aimeriez-vous faire un concert avec un orchestre entier ?
C’est un album incroyable, qui a été composé afin de laisser de la place à l’orchestre. Nous avons fait un concert avec un orchestre composé de neuf musiciens, mais c’est difficile d’arriver à faire sonner tous les musiciens, car les orchestres ne sont pas conçus pour s’entendre avec un groupe. C’est aussi très cher de réunir autant de personnes sur scène.
Vous avez un univers qui vous est propre, comment faites-vous pour rentrer dans ce processus créatif ?
Tout commence avec une petite idée que j’enregistre avec mon portable ou un micro pour m’en rappeler. J’évite d’écouter d’autres musiques pendant que j’écris car j’ai peur de m’influencer d’autres artstes et de faire quelque chose qui ressemble à une autre chanson.
Le format festival est-il le meilleur ? Vous ne voudriez pas avoir un show plus grand ?
Je ne suis pas à l’aise avec les longs concerts. Le format des festivals est celui que je préfère car il vous oblige à choisir votre matériel et la setlist intelligement. Arriver à définir quoi faire pour un concert aussi court est un processus émotif très interessant. Pour être honnête, nous pourrions faire un set de deux heures sans ajouter une seule chanson, juste en improvisant. Si on fait un set de trois heures, les spectateurs risquent de partir pour aller aux toilettes, aller chercher à boire, … Les spectateurs n’ont pas tant de patience.
Vous préferez faire une heure avec tous vos singles que trois heures avec des morceaux moins connus et plus d’expérimentation ?
Je pense oui. Si nous étions un groupe de jazz j’aurais pris les trois heures sans hésiter. Mais il est bon de s’imposer des limites. On doit tout donner en peu de temps.
Ce qui est difficile avec les festivals, c’est que les spectateurs sont là, mais pas forcément pour vous…
C’est vrai, mais l’ambiance change drastiquement d’un festival à un autre. Vous pouvez faire un bon show, devant une foule immense, mais sans atmosphere, et le lendemain être dans un plus petit festival avec un public impliqué. En tant qu’artiste, il faut accepter que chaque festival est différent et que parfois, il n’y ai rien que l’on puisse faire pour changer cela. Ce n’est pas forcément que le groupe est mauvais, ou que le public n’aime pas le concert. Lorsque je vais à des concerts, je ne danse pas ou saute de partout ; je l’aurais fait à 18 ans. Certaines personnes ressentent la musique en fermant les yeux, se restant immobiles et en ayant l’air de s’ennuyer.
D’un point de vue plus personnel, vous écoutez quoi en ce moment ?
J’écoute beaucoup le producteur et auteur américain T Bone Burnett. Je ne dirais pas que j’aime spécialement ses musiques, mais le son qui s’en dégage est exceptionnel. Son style de production est vraiment une référence pour moi. J’ai aussi beaucoup apprécié certaines musiques de l’album City Club du groupe The Growlers, ça me rappelle beaucoup les Strokes avec ce style de production si particulier à Julian Casablancas. Autre grande découverte, l’albume Myth of a Man du group Night Beats. Je suis jaloux de la voix du chanteur, il est très influencé par la musique des années 60, le crooning et le R’n’B.
Je ne sais pas si vous partagez ce point de vue, mais on dirait que c’est plus dur de faire un bon album de nos jours que dans les décénnies précédents ?
Tout dépend de l’importance d’un album, et il faut parfois accepter que son album n’est pas aussi important que l’on aurait pu le souhaiter. Il y a eu un véritable changement dans la façon d’écouter les albums. Certains albums sont excellents à écouter en vinyles car il s’écoutent de bout en bout. En tant qu’artistes, on sait que lorsqu’un album sort, les gens écoutent principalement les vingt premières secondes de chaque chanson. Les maisons de disques disent d’ailleurs aux artistes que le premier titre de l’album doit accrocher de suite.
Je pense que les plateformes de streaming comme Spotify, Apple Music, Tidal devraient faire ce que l’industrie du cinéma a fait : une sortie physique pendant une certaine période, puis une sortie sur les plateformes de streaming. Avoir l’album de suite, gratuitement parfois, ne crée pas la même sorte d’excitation, ni la même attente. Lorsque nous avons sorti notre second album, Volcano, nous sommes entrés dans les Charts britanniques. Ed Sheeran a sorti son album le même jour et ses anciens albums sont revenues dans les classements. Cela n’arrive pas dans un monde physique, personne ne se ruerait sur les anciens albums. Mais je dois aussi admettre que le streaming des artistes moins représenés d’être au même niveau que les stars internationales.
Vu que nous parlions des sixties un peu plus haut, vous aimez les vinyles ?
Oui, je pense que c’est le meilleur son que l’on puisse avoir. Jack White disait que le format numérique est un ensemble de petits points qui forment le son, alors que le vinyle est une représentation constante et linéaire de la musique. Je pense que c’est interessant. Le problème est que beaucoup d’albums sont mis sur vinyle avec un enregistrement digital, donc on perd en qualité. Mais bon, c’est toujours plus interessant de voir un disque tourner que de contempler un disque dur.
Merci James !
Merci à vous !
(Merci également au rédacteur de SOB Fabien pour son assistance, à l’organisation du Festival Transfer ainsi qu’au management du groupe)
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