Rencontre avec Gum Takes Tooth

C’est dans le catering du Transbordeur, peu de temps avant le lancement de la dernière journée du Festival Transfer, que nous avons rencontré les nouveaux prodiges de la scène expérimentale britannique.

Bonjour, vous venez à peine de terminer les balances, tout se passe bien pour vous ?
Jussi Brightmore : Très bien, même si on a du faire deux trois modifications techniques. Nous avons fait notre setup nous mêmes, et parfois il faut lui donner un peu d’amour et d’attention pour que tout fonctionne correctement !

Vous allez terminer votre mini-tour en France, vous en garderez un bon souvenir ?
Thomas Fuglesang : Oui on adore venir en France, et pas que pour jouer d’ailleurs !

Pourquoi la France ? La scène expérimentale est par exemple beaucoup plus représentée en Allemagne…

T.F. : Principalement de la chance je dirais. On a joué dans un festival à Talinn en Estonie et un nantais est venu nous voir pour qu’on joue dans sa ville. Et petit à petit d’autres personnes sont venues nous voir pour d’autres villes, dont Paris et Lyon.

J.B. : En fait on a pas réellement ciblé la France, même si on aime jouer ici. On a eu un temps limité pour faire cette tournée, car nous avons un travail, une famille, …

C’est plutôt de rare de voir des groupes qui font un concert par soir pendant quatre jours d’affilée, vous n’êtes pas trop fatigués ?
J.B. : Je dirais surtout que ce n’est pas réellement efficace. Si vous avez du temps, comme la majorité des groupes, on peut un peu plus prendre le temps de rester sur place. Lorsque nous avons sorti l’album, nous passions un week-end dans chaque lieu de concert, ce qui nous permettait de prendre un vol pour rentrer chez nous en semaine. Ce n’est pas la meilleure façon de faire une tournée, mais ça nous va.

Nous sommes dans un festival de musiques indépendantes – aimeriez-vous être programmés dans un festival plus généraliste ?

J.B. : Ce n’est pas réellement à nous de décider de qui peut nous écouter ou non. Mais si quelqu’un pense qu’il serait approprié de nous programmer ce sera avec plaisir. Nous faisons en sorte de proposer une expérience identique à tous nos concerts, sans réellement nous adapter à l’audience du festival, donc il est probable que notre musique interroge. Mais pour des groupes comme le nôtre, c’est interessant de jouer dans des événements plus généralistes, cela permet aux personnes de nous écouter et de dire qu’ils détestent notre musique ou bien qu’ils adorent ce que nous faisons.

Votre musique transpire l’intimité et vous semblez réellement jouer avec vos émotions sur scène. Les grandes audiences détruisent-elles cette idée d’intimité ?

T.F. : Nous n’avons jamais joué sur la main stage d’un grand festival. Mais nous avons joué dans de très petites salles ainsi que dans des festivals de moyenne capacité. C’est une approche différente mais qui est toujours agréable.

J’ai lu que votre musique était influencée par vos engagements sociaux ou encore politiques. La musique est-elle le meilleur moyen de s’exprimer sur ces sujets ?

J.B. : Pour nous les mots doivent être considérés différemment de la musique en ce qu’on peut davantage les orienter. Mais chaque musique que nous produisons est une expérimentation, et nous n’avons pas de véritable plan lorsque nous entamons le processus composition. Assez naturellement, des thèmes ressortent, et c’est d’ailleurs ce que nous avons remarqué à de multiples reprises lors de l’écriture du dernier album. Personnellement, ces dernières années ont été très difficiles et j’ai notamment beaucoup douté. Londres, notamment, est une ville très stressante et notre musique est un produit de cet environnement.

Vous êtes parfois accompagnés d’artistes sur scène. Mais pour la majorité de vos concerts, vous êtes deux : pourquoi choisir de vous produire en duo ? Qu’est-ce que cela apporte au niveau de l’expérience, de l’amitié ?

T.F. : Nous n’avions pas réellement pensé le groupe comme un duo. Avant Gum Takes Tooth, nous étions dans un groupe dont la formation était plus classique. Nous souhaitions essayer de nouvelles choses, notamment avec un synthétiseur lorsque certains membres ne pouvaient pas venir, et petit à petit le groupe s’est formé.

J.B. : C’est aussi plus facile pour concilier les idées. Nous aimons l’idée de réunir un synthétiseur avec une batterie acoustique pour faire ce que nous appelons du bruit. Le point fondamental du groupe est que nous sommes toujours connectés, même si nous nous laissons de la place pour experimenter en live.

Pourquoi choisir une batterie acoustique et non une batterie électronique ?

T.F. : C’est vrai que ce serait plus facile à amener en tournée, et nous avons essayé, mais notre musique est justement construite autour de la sonorité de la batterie acoustique.

J.B. : La batterie acoustique nous permet d’improviser, avec une gamme de sons plus interessante pour la musique que nous souhaitons produire.

Justement, vous avez indiqué en interview que tout commence avec une improvisation. Pouvez-vous nous décrire votre processus créatif ?

J.B. : En général, un membre du groupe arrive en studio avec un début d’idée, puis nous essayons d’improviser sur cette idée. Ce qui est plutôt interessant, c’est qu’au but d’une demi-heure, nous ne sommes plus sur l’idée de base. Jusqu’au moment de l’enregistrement en studio, et même parfois après, le morceau change constamment. Nous aimons avoir de la liberté sur nos musiques, et faire durer certaines parties de nos morceaux si nous en ressentons le besoin sur le moment.

Vous sortez constamment de votre zone de confort lors de vos concerts ?

J.B. : Pour nous, c’est plutôt de jouer la même musique, avec le même formalisme, qui nous ferait sortir de notre zone de confort…

Merci beaucoup pour cet entretien !


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