Paye ton ticket : la flambée des prix des concerts est-elle justifiée ?

Comment expliquer la montée des prix des billets pour les concerts en général et peut-on réellement se fixer une limite ?

Un début d’analyse nous est proposé dans la presse anglaise après les réactions de fans outrés des prix proposés pour le concert unique de The Who au Wembley Stadium le 6 juillet prochain : de 92 € pour les places à visibilité réduite à 265 € pour un premier rang en carré or. The Who ayant jusqu’à présent proposé des prix relativement abordables, cette inflation semble s’expliquer pour plusieurs raisons.

La France n’est pas épargnée. Dans l’esprit du #20yearschallenge, j’ai retrouvé un billet d’un concert s’étant tenu à date exacte il y a 20 ans à Paris dans une salle plutôt rock et reconnue, le prix (oui était en francs !) se montait à environ 20 €. Aujourd’hui, rares sont les concerts dans des salles petites à moyennes (entre 500 et 2000 places) qui n’atteignent et / ou ne dépassent pas les 30 €.

Selon les spécialistes de l’industrie musicale, les décideurs sont en premier lieu les tourneurs. Ces dernières années, le business des concerts s’est vu raflé par quelques gros acteurs (Live Nation par exemple) qui favorisent les spectacles dans des arénas à capacité extensible proposant des concerts avec sons et lumières relativement coûteux.

Cette surenchère vient surtout compenser le manque à gagner de la vente des disques, car la folie du téléchargement ainsi que du streaming ne permet pas d’assurer un revenu conséquent à beaucoup d’artistes. D’où cette tendance à la mise en vente de billets pour une tournée avant même la sortie du disque.

De même, les groupes considérés comme cultes (The Rolling Stones, U2, The Who …), forts de 30, 40 ans ou plus de carrière, drainent une masse de fans dévoués, souvent à plus fort pouvoir d’achat, n’hésitant pas à payer le billet pour ne pas rater une tournée qui pourrait être la dernière.

Néanmoins, la hausse de ces billets concernant également les formations récentes, d’autres pistes sont alors à explorer. En premier lieu, la lutte contre le marché noir pousse les billetteries à organiser elles-même les reventes (comme par exemple Ticketmaster) incluant des frais de gestion. Il est à noter que de plus en plus de vendeurs officiels se plient à l’exercice afin d’éviter la dérive de certains sites internet ne fixant pour leur part aucune limite au prix de revente, et ne garantissant aucune sécurité. Cette nouvelle organisation entraine un surcoût du billet de base, permettant au système de revente de se développer et d’être efficace.

En second lieu, la demande ne cesse d’augmenter depuis cette dernière décennie. Les « millennials » découvrent les joies du live, et les plus anciens suivant depuis leur début des groupes qui aujourd’hui tiennent le haut de l’affiche, ce sont plusieurs générations qui mettent la main au porte monnaie. Il est aussi de plus en plus fréquent que les artistes favorisent des tournées dans des salles à plus forte capacité d’accueil, pour des shows qui ne permettent pas de premiers prix vraiment accessibles. Ces concerts deviennent une occasion à ne pas rater, déclenchant le buzz lors de la mise en vente, favorisant souvent des pré-ventes et préparant le terrain à la revente.

Enfin, la sécurité n’est pas à négliger. Depuis les attentats du Bataclan en 2015 et de Manchester en 2017, les salles se dotent pour la plupart de systèmes plus perfectionnés venant ainsi gréver le prix du billet.

Mais qu’on a dire les artistes sur tout cela ? Normalement, ces derniers sont censés avoir le dernier mot. Notons l’exemple cité dans le NME d’Ed Sheeran qui maintient les prix de ses billets relativement bas et n’hésite pas à miser sur les extras liés à des évènements parallèles. Par expérience, je citerais Depeche Mode, qui malgré leurs bientôt 40 ans de carrière, et leurs shows se déroulant en stades ou en arénas, maintiennent à ce jour un prix allant entre une cinquantaine et une centaine d’euros. Cela peut paraitre onéreux mais la mise en scène -vidéos, lumières et logistique- a un impact sur le coût. De par le choix plutôt exclusif de certaines salles de spectacles, les tourneurs étant pour certains d’entre eux propriétaires, la part de décision des artistes semble tout de même restreinte.

Et les fans dans tout ça ? Les moins fortunés peuvent toujours compter sur les petites salles s’ouvrant aux découvertes, qui en général tournent autour de 15 à 25 € le billet. Mais il faut pour cela habiter dans un centre urbain, l’offre pour les spectacles vivants n’étant pas homogène dans l’Hexagone. Il y a enfin les festivals, qui au prix de deux billets permettent d’allier valeurs sûres et graines de talents. Félicitons ici les festivals à « taille humaine », disséminés de-ci de-là dans tout le pays, qui continuent à lutter face aux imposantes productions aux affiches brillantes mais peu surprenantes.

Quel serait l’artiste ou la formation pour qui vous n’hésiteriez pas à casser votre PEL ?

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