Rock en Seine

Interview : Marion Gabbaï, programmatrice à Rock en Seine

Lors de la dernière très belle édition du festival francilien Rock en Seine, nous avons pu rencontrer Marion Gabbaï qui fait parti de l’équipe de programmation du festival. L’occasion de revenir sur les grands coups et les flops de ReS.

Rock en Seine était en reconquête cette année après une édition 2018 très critiquée. Alors comment l’affiche se construit-elle ? Quels choix se posent aux équipes de programmation ? Et qui peut-on attendre pour 2020 ?

Salut Marion, depuis quand tu programmes à Rock en Seine ?

Marion Gabbaï : Je ne peux pas vous dire précisément mais ça doit faire 5 ou 6 ans. Au début je participais uniquement au programme Avant Scène qui sont des découvertes françaises. Et ça fait 4 ans que j’ai rejoint l’équipe de programmation à l’initiative de François Missonier (ex-programmateur emblématique de Rock En Seine, ndlr). C’est la même année que le festival à été vendu (à Matthieu Pigasse, ndlr) et ensuite il y a eu beaucoup de changements.

Tu es la plus spécialisée en musique britannique dans l’équipe d’après ce que l’on sait. C’est toi qui a géré donc la programmation UK de cette année ?

Marion : C’est vrai, en particulier sur la partie rock avec laquelle je suis plus proche musicalement. J’ai une agence de booking à côté qui s’appelle My Favorite et on travaille en particulier sur cette scène donc c’est plus simple pour moi.

Comment avais-tu pris les critiques l’an dernier par rapport à la programmation (Justice, PNL et Thirty Seconds To Mars…, ndlr) ?

Marion : Cela été un peu difficile de se prendre cela dans la tronche. Ce que j’ai toujours répondu aux critiques, c’est qu’il y a toujours eu du rap à Rock En Seine. Le fait de mettre une tête d’affiche rap ça n’était jamais arrivé. Et PNL était bien plus clivant que d’autres têtes d’affiche rap. Sur le coup, on n’a pas réalisé que ce serait aussi clivant.

Le but n’était donc pas de montrer un réel changement ou un virage de Rock en Seine en terme de programmation ?

Marion : Non pas du tout. Pour nous il y a toujours eu une continuité. PNL était un groupe que l’on aimait tous (dans l’équipe de programmation, ndlr). Cela a été un vrai pari qui, pour le coup, n’a pas fonctionné. Mais c’est comme faire Aphex Twin ou Jorja Smith. On a eu envie de faire ce pari de PNL puisqu’ils n’avaient jamais été en tête d’affiche d’un festival en Île de France. Mais en effet, c’était assez compliqué à vivre. Surtout que tout a été cristallisé autour de PNL alors que quand tu regardes le reste de la programmation, il y avait toujours du rock et le line-up était aussi éclectique que les années précédentes, seulement PNL a cristallisé les haters.

Cette année 2019, on revient à une programmation plus habituelle pour Rock en Seine, quel a été ton rôle dans cette programmation ? Qu’as tu ramené ?

Marion : J’ai vraiment poussé des groupes comme Cannibale, comme Villejuif Underground, comme Deerhunter aussi. Foals on était tous d’accord mais sur les groupes rock de moins grande ampleur, c’est vrai que c’est moi qui pousse tous ces groupes là.

Concernant The Cure, il paraît que c’était une évidence, et que cela a été assez simple de les booker…

Marion : Alors oui et non. The Cure, cela fait des années en fait que le festival voulait les faire. L’offre était en cours depuis 1 an et demi ou 2 ans. C’est un travail qui s’est fait sur le long terme. Ca été ni facile, ni difficile, mais ça a été un travail de longue haleine.

Beaucoup ont eu l’impression qu’une grosse partie du budget était passé dans les têtes d’affiches et les exclusivités. Est-ce que c’est le cas ?

Marion : Chaque année, on a une liste d’artistes qu’on aimerait avoir. On envoie énormément de propositions et les 3/4 ne marchent pas. Les grands festivals se font critiquer car ils ont souvent une programmation similaire. Nous, ce qu’on s’est dit c’est que, pour essayer de se démarquer, il faut qu’on ait des groupes qui ne passent pas autre part. C’est pour ça qu’on a fait Jorja Smith par exemple. Elle avait fait l’Olympia et We Love Green et pour nous cette année était le bon moment pour le faire.

Jorja Smith @ Rock En Seine 2019

Est-ce que des groupes britanniques que tu voulais ne sont pas venus ?

Marion : Oui ! Il y a beaucoup de groupes qu’on aurait voulu faire, notamment au niveau des découvertes. Des groupes comme Black Midi, comme Fontaines DC. Quand on a eu l’annulation de King Princess, on a appelé direct Fontaines DC pour essayer de les avoir. C’est pas grave, on tentera à nouveau l’an prochain. Ces groupes là fonctionnent assez bien aux Etats-Unis et ils étaient là bas fin août, c’est pour cela qu’ils n’ont pas pu être là cette année.

Est-ce que vous continuer de lorgner sur la programmation de Reading & Leeds qui a lieu le même week-end que Rock En Seine ? On trouvait plus de noms en commun les années précédentes.

Marion : Oui c’est vrai, on le fait de moins en moins. Je ne me retrouve pas vraiment dans la programmation de Reading & Leeds. Il y a déjà pleins de groupes que je ne connais pas. C’est mon métier alors si je ne connais pas la plupart des groupes c’est quand même bizarre. On fait pas du tout d’offre commune. Cela a toujours été compliqué puisque comme nous sommes sur le même week-end, il ne reste qu’une date potentielle pour les groupes qui sont là-bas. C’est de plus en plus difficile et on discute de moins en moins avec eux.

Comment peut-on expliquer le passage de Foals sur la Cascade pour un set d’une heure alors qu’ils étaient tête d’affiche il y a 2 ans. Ou encore le set de 45 mins à 16h de Two Door Cinema Club… C’est un choix de votre part ?

Foals @ Rock En Seine 2019

Marion : En fait, on a booké Aphex Twin avant. C’était une vraie volonté de l’équipe d’assumer ce choix là et de le mettre en Main Stage. On s’est vraiment posé la question de savoir si on mettait Foals en Main Stage et de terminer avec Aphex Twin sur la Cascade, cela avait déjà été fait. Après plusieurs discussions, on a décidé de laisser Aphex Twin en Main Stage.

Vous commencez déjà à penser à l’année prochaine ?

Marion : Oui bien sûr, des offres sont déjà parties. L’entourage des artistes potentiellement tête d’affiche commencent à travailler très tôt et commencent à sonder l’ensemble des festivals. Et ensuite ils font leur choix. Probablement que 90% des offres que l’on a envoyé n’aboutiront pas.

Et tu rêves de quoi pour l’an prochain ?

Marion : On a un gros regret pour cette année, c’est celui de ne pas avoir pu faire les Strokes. On aurait aimé les faire cette année mais ils ont choisi une autre période de tour. Donc on aimerait bien les avoir l’année prochaine. On va retenter le coup. C’est le rêve de François Missonnier que de les avoir donc si on peut lui offrir cela, ce serait cool. Et j’aimerai pouvoir amener toute la scène britannique dont je vous parlais tout à l’heure, avec une scène spéciale pourquoi pas.

Justement, le site du festival a été restructuré et la scène du Bosquet a disparu. Pourquoi ces changements ? Et est-ce qu’il y en aura d’autres ?

Marion : Le festival est très vaste, il y a beaucoup d’endroits arborés. On réfléchit à réaménager pleins d’endroits. Il y a un endroit qui est plus haut sur le site, ça fait 3 ou 4 ans qu’on en parle mais il est un petit peu difficile d’accès. Tous les ans, on discute et on essaie d’optimiser le site. Maintenant c’est pas facile parce que c’est un parc, il y a certains endroits où on ne peut pas mettre de scène parce que c’est trop lourd.

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