31 Oct Les Libertines à l’Olympia : c’est pas ‘brouillon’, c’est ‘rock’ !
The Libertines sont venus électriser l’Olympia le dimanche 27 octobre à Paris, arrosant le public de riffs ardents et fusionnels. Un concert à guichet fermé qu’on vous raconte en images.
Oh, qu’on a du mal à l’écrire, cet article. La post-concert depression, vous connaissez? Pourtant, des concerts chez Sound Of Brit, ne vous y méprenez pas – on en voit passer. On n’est pas des débutants en matière de « à quoi bon continuer à vivre après ce concert de ouf franchement » (ouais franchement?!). Mais il faut bien avouer que celui-ci avait particulièrement pris soin de réunir tous les ingrédients pour nous faire chavirer : rock’n’roll qui tâche, poésie qui touche, bromance d’antan, rappels infinis, et interactions avec le public qui nous donnent l’illusion de bonnes retrouvailles entre potes, trois ans sans s’être donnés de nouvelles. Presque à but thérapeutique, on vous raconte les 4 étapes de notre dépression après le concert des Libertines à l’Olympia dimanche soir.
Le déni : un peu brouillon tout ça, non?
On doit vous l’avouer, on est sortis de ce concert en hésitant à nommer cet article « Les Libertines invitent tout l’Olympia a une bonne répèt’ de merde (et on a adoré) ». Car oui, les Libertines, en apparence, c’est toujours très brouillon. Se tournant vers la batterie de Gary Powell toutes les deux chansons, Peter Doherty et Carl Barât aux guitares donnent souvent l’impression d’être en train de négocier entre eux quelle est le prochain titre qu’ils offriront au public, impatient.
John à la basse et Gary à la batterie assurent de leurs mains de maîtres la structure rythmique des chansons que les deux frontmen laisseraient bien souvent dérailler. Il y a des riffs qui partent tous seuls aussi, et qui ne trouvent pas vraiment leur suite. On pense à Road to Ruin, Bangkok, et Skag & Bone Man, pas prévues originellement à la setlist (et encore inédits en France!), qui ont eu le droit qu’à des interprétations un peu maladroites, jamais vraiment achevées, comme des mini-entractes entre deux chansons. Et même un Fuck Forever, des Babyshambles, lancé par défi par Peter mais qui restera sans réponse de ses acolytes. On est aussi un peu déçus par la scénographie, déplorants l’absence de projection d’images animées dans leur esthétique « old England », qu’on avait tant admirées en 2018 en Angleterre.
Mais ce que d’aucun qualifieront de brouillon, s’apparentant même au rodage d’une tournée (c’est la première date d’un Road To The Wasteland tour qui prendra essentiellement place en Grande-Bretagne, en décembre), c’est en fait : du rock’n’roll. Démonstration.
Anger (ça sonnait mieux en anglais) : du rock’n’roll vénère et vénéré
Le rock’n’roll, ça commence par une entrée fracassante, façon bande de hors-la-loi, façon Peaky Blinders. Tout y est : le Bonnie and Clyde de Gainsbourg qui résonne, la démarche nonchalante de John Hassal, le tomber de manteau de fourrure de Peter Doherty, le jeter de béret dans la foule en délire de Carl Barât. Zeus aussi, un des chiens du clan Doherty — qui se faufile devant la pléthore d’amplis Marshall sur lesquels sont posés les verres de whisky.
Et le rock’n’roll s’impose d’entrée avec le riff de Heart Of The Matter, qui invite à en venir « au coeur du sujet », littéralement : on est là pour des guitares qui tâchent et une rythmique qui électrise les foules. Horrorshow, Barbarians et Fame and Fortune s’enchaînent, rappelant que leur dernier album, Anthem For Doomed Youth, sorti plus de 10 ans après le précédent, a tout autant à offrir que les deux premiers opus qui avaient propulsé les Libertines au statut d’icônes du britrock au début des années 2000.
La fosse de l’Olympia connaissait son sujet sur le bout des doigts, et en a fait frissonner plus d’un aux balcons en couvrant les voix entremêlées de Peter et Carl sur le refrain de What Became Of The Likely Lads.
La négociation : ok, déroulez la nostalgie
Carl et Peter se donnent joyeusement en spectacle, se partageant un unique micro comme à leur habitude. Comme des jumeaux, comme des âmes-soeurs, ces deux-là ne peuvent pas rester éloignés l’un de l’autre trop longtemps. Collant leur nez l’un contre l’autre, manquant de se voler des baisers ou de se cogner (c’est selon), les deux likely lads affichent une bromance touchante, qu’ils traduiront même dans notre langue. Les plus aguerris auront compris que quand Carl appelle son frère de sang « cochon » sur scène (en français dans le texte), il fait référence à « Pigman », l’affectif surnom qu’il a donné à Peter adolescent.
Pete charie aussi, racontant au public comment il a ramassé Carlos dans la rue pour en faire le bel homme qu’il est aujourd’hui. Sans manquer de se tâcler tous deux au passage en français sur le fait que l’un ou l’autre oublie un peu parfois comment démarrer l’une de leurs vieilles chansons. You’re My Waterloo a ainsi eu le droit à deux faux-départs, ce qui n’est pas pour nous déplaire. La poésie de ce titre, porté par Carl au piano puis au solo à la guitare électrique, et par là voix écorchée de Peter, nous transperce le coeur de sa sincérité. De la poésie, les Libertines en ont à revendre, même en live. Les deux frontmen manient et remanient les mots de leurs chansons, ajoutant des couplets inédits ça et là, comme avec What Katie Did et son outro inédite.
L’acceptation : bon en fait, c’était génial
En repensant à ce concert, on se rend bien compte qu’il était excellent. La setlist n’avait certes aucun nouveau titre à nous révéler (les Libertines prépareraient leur 4e album dans l’intimité de leur hôtel-slash-bar-slash-studio de Margate ouvert cette année), mais elle nous a fait cadeau de quelques perles. D’abord, il y avait bien tous les hymnes du groupe, qui traversent les décennies sans prendre une ride en live. Can’t Stand Me Now, Time For Heroes, What A Waster, Music When The Lights Go Out, Don’t Look Back Into The Sun, aucun ne manquait à l’appel. On découvre aussi avec plaisir que le plus récent Gunga Din s’est aussi hissé à cette place de choix dans le coeur du public déchaîné.
Toujours très généreux, les Libertines ont donné un rappel long comme la moitié du set principal. Du plaisir, ils en prennent sur scène, et ils n’hésitent pas à jouer les prolongations : ça fait du bien, dans cette ère où les sets de rocks sont bien souvent très millimétrés et laissent peu de place à l’improvisation, aux envies soudaines, au dialogue avec le public.
On en veut pour contre-exemple cette Marseillaise, mains sur le coeur, qui a résonné dans l’Olympia, lancée par Pete Doherty en guise d’outro à Music When The Lights Go Out (introduite par un « il reste la musique quand les lumières ne marchent pas », en français toujours). On repense à cette belle reprise spontanée et improvisée de Dream A Little Dream Of Me, aussi. Et le très rare France, que Peter et Carl ont interprété dans leur intimité bien à eux, dansant un slow en guise de prolongations alors que Gary et John saluaient le public pour un départ.
Cette dernière image — Peter et Carl enlaçés autour d’une guitare d’un côté, Gary et John saluant un peu lassés, de l’autre, nous laisse espérer très fort que ce quatrième album verra bien le jour. Car des shows de deux heures tout en sincérité brute et touchante comme celui-ci, on en veut d’autres. Et vite. On a une dépression à soigner, nous.
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