Junk Food d'Easy Life (jaquette)

Easy Life – Junk Food

Avec leur apparent flegme, leur style emprunté au hip hop, au jazz, à l’indie pop et la soul, ils sont un des quintets les plus prometteurs de 2020 : le phénomène Easy Life s’invite chez vous avec sa dernière mixtape, Junk Food.

A mixtape from your new favourite band… indique en baseline la jaquette de Junk Food, le dernier EP d’Easy Life. Un auto-compliment qu’on leur accorde volontiers : nous suivons de près le quintet d’indie jazz-pop depuis quelques mois déjà, enchantés par leurs deux premières mixtapes. Le tubissimie Nightmares qui tournait en boucle dans nos têtes cet automne nous avait laissés avec plein de belles promesses pour les projets qui attendent la bande de Leicester. Faisant figure d’ovni musical, à cheval entre le jazz pop, le hip hop et la soul moderne, la suite des élucubrations d’Easy Life s’était ainsi fait attendre en ce début d’année prometteuse. Verdict. 

Vue d’ensemble

Ni un album ni un EP, cette galette est l’objet le plus abouti de leur discographie. Les 7 titres qui la composent sont autant de preuves qui viennent justifier leur statut de « next big thing » sur la scène UK indie pop alternative. Chaque chanson offre un angle différent du son Easy Life — ce qui laisse toutefois voir une palette finalement assez peu cohésive dans son ensemble. C’est une collection de singles qui (il faut le dire), peine à dérouler une histoire / une certaine logique / un parti pris  — ce que l’on attend généralement implicitement d’un album. On pardonne cependant aisément l’aspect « collection décousue » de Junk Food à la bande de Murray Matravers, qui nous a bien promis une « mixtape », par définition une sélection hachée dont l’apparente maladresse peut faire tout le charme. C’est plutôt le cas ici.  

Titre par titre

Le 7-titres s’ouvre sur une chanson courte (1:27) qui fait office d’intro. Plutôt simplette. Un reproche que l’on peut adresser tout autant aux paroles (ah, le sempiternel piège du « tu m’as ensorcelé, je ne peux plus te fuir »)  qu’à la production : de simples arpèges au clavier, une batterie somme toute très classique, des backing vocals high-pitched à l’identique des lead vocals. Bref, rien qui ne semble un peu réhausser le propos assez banal de la chanson. Dommage, car le format et le nom de cette intro (7 Magpies, qui fait référence à une comptine pour enfants qui énumère ce que chacune de 7 pies vient apporter sur Terre de bon ou de mauvais) laissait présager une métaphore sympa pour ce qu’apporteraient les 7 titres de l’album. Un peu bof pour un début, donc, mais heureusement ce premier extrait ne présage pas la suite du disque.

Le deuxième track est un big oui, et ça on le sait depuis longtemps. Nice Guys fait partie des singles sortis avant la mixtape, et qui fonctionne très bien. La bonne recette prend dès les premières notes, qui s’empilent en de lentes distorsions. Aucun doute qu’elles aient un effet de ralliement immédiat du premier au dernier rang dans les fosses par lesquelles passeront bientôt les gars d’Easy Life (le 03 avril en France, au 1999 à Paris). Ajoutez à ceci un refrain qui accroche vite, des trompettes qui viennent vernir d’un cuivre étincelant la mélodie déjà très efficace. Mais surtout, un propos sur un certain flegme adulescent, une ode à la vie qui nous dépasse (et c’est très bien ainsi). Ambiance fin de soirée à domicile, le cendrier encore fumant, le regard dans le vide, sans prise de tête. We’re too young to be getting too deep, yes indeed.

Les singles sortent du lot

A l’instar de Nice Guys, ce sont les singles déjà parus avant la sortie de la mixtape qui sortent du lot. On en veut pour preuve les excellents Earth et Sangria. Le premier, qui ne semble pourtant pas faire l’unanimité sur les réseaux, est une belle démonstration de genre. Matravers oscille entre rap monocorde et mélodies fluides, avec un flow fainéant signature (absolument charmant) qui rappelle le style de Mac Miller. Côté paroles, il y a un mélange de sagesse détachée et d’innocence quasi-adolescente, il y a quelque chose qui relève de l’image astucieuse, et yet un certain naturalisme emprunté au rap qui fonctionne très bien.
Sangria, désormais titre phare du groupe, dévoile un jeu de séduction oscillant entre fierté et vulnérabilité, un je t’aime moi non plus moderne qui se veut plutôt symptomatique des relations amoureuses de la génération WhatsApp. L’image se file jusque dans les intentions vocales des inteprêtes. L’assurance du rap de Matravers offre un charmant contraste avec la voix soul délicatement texturée d’Arlo Parks, qui nous rappelle le grain d’Angèle (et à qui on présage le même succès médiatique). Il faut disséquer les paroles pour apprécier encore davantage ce morceau, grand incontournable du disque.

De belles surprises

Dead Celebrities est le dernier des singles publiés de la mixtape. Peignant un tableau de Los Angeles (le groupe s’est produit à Coachella — un fait rare pour un si petit groupe outre-Atlantique), le titre relate les excès (les top-models sur la banquette arrière, les hôtels 5-étoiles) et le revers de la médaille de la célébrité (I don’t wanna fade out, sign my membership to the 27 club / Everyone around me wants a way out).
On est cependant encore davantage charmé par les deux titres qui n’ont pas reçu leur propre publication avant la mixtape. LS6 et Spiders sont des titres doux, assez minimalistes (Billie Eilish est passée par là), qui offrent une belle fragilité.
Faisant figure de titre post-rupture, Spiders surprend à nous émouvoir par sa sincérité et sa douce fragilité (who’s gonna pick up the spiders? / about a hundred times a day my finger hovers over FaceTime / swear I saw your face in the flicker of a streetlight) : une belle surprise.

Ce qu’on en pense en définitive

Malgré le reproche qu’on adressait au disque à sa première écoute (une collection hasardeuse et peu cohésive de singles), Junk Food d’Easy Life est une belle démonstration de genre. C’est chill, c’est intelligent sans trop en faire, c’est touchant souvent, parfois fragile. Mais c’est surtout un bel exercice de superposition de genres (jazz, pop, soul, hip hop), dont on vous assure que vous allez être très friands. L’esthétique fainéante et mélodieuse du flow de Murray Matravers a elle seule vaut le coup.
La junk food, c’est cette nourriture un peu malsaine qui a cet intrigant « goût de reviens-y ». C’est typiquement l’effet de cet EP : sans même vous en rendre compte, il sera en boucle dans vos écouteurs…

Tracklist:

  • 7 Magpies
  • Nice Guys
  • Sangria (feat Arlo Parks)
  • LS6
  • Dead Celebrities
  • Earth
  • Spiders

LA NOTE: 7,5/10

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