12 Mai Ces producteurs qui ont marqué l’Histoire : Nigel Godrich
Dans cette série d’articles, nous revenons sur le parcours de dix producteurs britanniques qui ont marqué l’Histoire.
Qu’est-ce qu’un producteur de musique ? Contrairement au cinéma, le rôle d’un producteur n’est pas de financer un enregistrement, il intervient dans la conception de celui-ci. Son intervention est diverse et varie en fonction des producteurs et des artistes. Leur mission est de faire en sorte que les morceaux, EP et albums enregistrés soient les meilleurs possibles. Pour cela ils peuvent guider les musiciens, proposer des arrangements ou des nouvelles méthodes d’enregistrements, etc. Ce qui les intéresse est que le produit fini soit beau et cohérent. Après George Martin, Gus Dudgeon, et Roy Thomas Baker, aujourd’hui nous regardons le travail de Nigel Godrich.
Un environnement favorable
Nigel Godrich est le fils d’un ingénieur son de la BBC. Très jeune, il commence à s’intéresser aux sons qui l’entourent. Après plusieurs requêtes de la part de Nigel, son père lui offre un magnétophone. Il enregistre alors de nombreuses choses autour de lui : une télévision, un train électrique, de l’eau, etc. « Ce qui semblait intéressant rejoué ».
Après avoir reçu son diplôme dans une école d’ingénierie de son, il entre en 1990 aux studios RAK. Toujours passionné par le son, il invite régulièrement des amis à répéter pendant qu’il teste différentes techniques de production. Il travaille alors pour John Leckie, qui produit en 1994 et 1995 My Iron Lung et Bends de Radiohead (respectivement leur troisième EP et leur deuxième album). Leckie engage donc Godrich en tant qu’ingénieur son pour My Iron Lung et pour le mixage de The Bends. Lorsque Leckie s’absente, Nigel Godrich enregistre les faces B. Une est bien produite et tant appréciée par le groupe qu’elle entre dans la tracklist de l’album : Blackstar.
Une collaboration qui dure depuis 25 ans
Dès lors, Radiohead et Nigel Godrich ne se quittent plus. En 1995, alors âgé de 24 ans, il produit le single Lucky qui entrera plus tard dans la tracklist d’OK Computer. Quelques mois plus tard commence d’ailleurs la production de cet album. C’est la première fois que Godrich travaille sans autorité supérieure, il est libre. Il est aussi seul. Il n’y a personne pour l’aider dans l’enregistrement, à part Peter « Plank » Clements, technicien du groupe. C’est une période où chacun est très ouvert et apprend au fur et à mesure.
Godrich s’intéresse peu au matériel utilisé, ce qui l’intéresse c’est la musique. « La partie la plus importante dans un enregistrement est la sensibilité musicale et la communication ». Il s’inspire aussi des lieux et des ambiances qui l’entourent, comme le manoir dans lequel une partie d’OK Computer a été enregistrée. Ainsi, il utilise la réverbération naturelle d’un escalier en pierre pour Exit Music (For A Film). Par ailleurs, il enregistre au maximum en live, ce que les musiciens apprécient. « Quelque chose de spécial se passe quand on joue live ; une grande partie consiste à se regarder les uns les autres et comprendre qu’il y a quatre autres personnes qui rendent ça possible » explique Ed O’Brien, le guitariste.
Les enregistrements se passent vite. Godrich considère en effet que plus cela va rapidement, moins il y a d’obstacles à la musique, moins de doute.
Godrich guidera le groupe dans leur transition du rock « classique » (de Pablo Honey par exemple) vers des sons plus electronica et futuristes.
« That bit. Fuck the rest »
Nigel Godrich a un talent pour repérer les parties intéressantes d’une chanson et celles à explorer. Lui et Thom Yorke expliquent que les chansons de Radiohead sont à moitié formées lorsqu’ils rentrent en studio et qu’ils les construisent ensemble. Peu importe avec qui il travaille, son objectif est de faire un album qu’il aimerait écouter et qui est innovant. Justin Meldal Johnson, le bassiste de Beck, définit son travail comme « 50% de goût, 30% d’excellentes bases fondamentales d’enregistrement et 20% d’innovation ». Cette innovation, Godrich va la chercher, entre autres, dans les erreurs. Sa technique est « de créer un environnement propice aux accidents créatifs. Ensuite, tout ce que j’ai à faire c’est récupérer le bon caprice du destin ». Par exemple, lors d’un enregistrement de Fine Line, Paul McCartney se trompe dans un accord et Godrich lui demande de l’intégrer dans la chanson.
Ne jamais rester dans son confort
En 2003, c’est George Martin lui-même qui le recommande à Paul McCartney pour Chaos and Creation in the Backyard. C’est un nom qui peut intimider certains, mais pas Nigel Godrich. Il n’est pas là pour conforter le musicien, mais pour se concentrer sur ce qui fonctionne et sur ses forces. Il demande alors à ce dernier d’enregistrer sans son groupe et à tester de nouvelles choses.
Godrich cherche à casser les routines de toutes les personnes avec qui il collabore. Il n’a pas peur de remettre en question les méthodes d’enregistrement des groupes avec qui il travaille. En effet, pour lui, en studio doit régner une relation de travail, de confiance et de connaissance. On l’engage pour produire des chansons, pour collaborer, il n’est pas là pour « faire ce que quelqu’un d’autre veut ». Le producteur pousse alors McCartney, Roger Walters qu’il restreint sur les solos de guitares, ou encore Beck, parmi d’autres, à essayer de nouvelles choses. Il est d’ailleurs reconnaissant de n’être jamais tombé dans des routines avec Radiohead et Thom Yorke. CBC considère d’ailleurs leur relation comme « la collaboration groupe-producteur la plus aventureuse du rock moderne ».
Un nom important pour l’Histoire
Certains considéreront peut-être qu’il est encore tôt pour affirmer que Nigel Godrich a marqué l’Histoire. Pourtant, il est indéniable que Radiohead joue un rôle sérieux dans l’histoire de la musique, notamment grâce à son travail en studio et sa constante recherche d’un son nouveau. Ce rôle aurait peut-être été moindre sans leur « sixième membre ». Nigel Godrich pousse les artistes à toujours chercher plus loin, leur permettant de se réinventer à chaque fois. Sans lui, de nombreux albums ne nous auraient pas autant touché. Pour le producteur, un travail bien fait est une chanson qui est « un tuyau vers nos sentiments ». On peut affirmer qu’il a alors de nombreux travaux bien faits à son actif.
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