INTERVIEW – Witch Fever : une identité queer représentée à travers la musique

Avec un nom inspiré de l’hystérie qui a accompagné les procès des sorcières à Salem et en Europe, Witch Fever est le groupe de Manchester qui s’annonce être une bombe de l’année 2022. Après plusieurs singles depuis 2017, le quatuor de post-punk a sorti cette année son premier EP « Reincarnate ». En amont de leur date avec Frank Carter & The Rattlesnakes et de leur tournée avec IDLES – qui passera par la France début mars -, nous avons rencontré la frontwoman Amy et Alisha à la guitare pour un entretien sur leur environnement musical et l’impact de leur identité queer sur leur musique. 

Photo: Debbie Ellis

Trois mots pour définir votre musique ? 

Alisha : Énervée. 

Amy : Sans excuse. Plaisanterie. 

Quel est votre but lorsque vous écrivez et composez votre musique ? Qu’est-ce que vous voulez que votre public ressente ou fasse quand il vous écoute ? 

Alisha : Indépendant, bien dans sa peau. Qu’il détienne un pouvoir qu’il n’avait pas auparavant.

Amy : Juste profiter je suppose. On n’a pas vraiment d’intentions précises. On aime simplement écrire de la musique et on parle de différentes choses qui nous mettent en colère.

Quelles sont vos principales influences, musicales ou non ?

Alisha : En ce qui concerne la musique, je dirais probablement que je m’inspire de plein de genres différents et de plein de choses différentes comme Nirvana, Warpaint, Black Sabbath, Nina Simone. C’est un gros mix, et ça ne ressemble pas forcément à la musique que je joue à la guitare. Je m’inspire surtout de la musicalité. 

Amy : En tant que chanteuse, j’écris les paroles. Je m’inspire beaucoup d’horreur, des films et des livres, ce genre de choses. Musicalement, nous avons toustes des goûts musicaux très différents mais ils se retrouvent tous en quelque sorte dans l’alternatif. Bien qu’Alex aime vraiment la dance music en ce moment. Pour ce qui est des gens qui nous inspirent, il y a les Pussy Riot, iels sont super cool et inspirants. Et puis il y a Noname. Elle est américaine, sa musique est très différente de la nôtre, mais elle est vraiment engagée politiquement et c’est très inspirant à voir.

« Être sur la route pendant trois semaines, voyager dans une petite camionnette nulle, c’est vraiment les meilleurs moments. »

Quelle est votre collaboration de rêve ? Vous pouvez rêver grand.

Amy : Oh, mon Dieu. Pour moi, probablement Pussy Riot. Ce serait génial.

Alisha : Ce serait assez fou en effet. C’est une question très difficile parce que beaucoup de groupes que j’aime ne sont pas ensemble ou sont morts. Mort ou vivant, je dirais Nirvana.

Quel a été le meilleur moment de votre carrière jusqu’à présent ?

Amy : Signer avec un label Sony.

Alisha : Le mien serait d’être parti.e.s en tournée. Être sur la route pendant trois semaines, voyager dans une petite camionnette nulle, c’est vraiment les meilleurs moments. Être en tournée, c’est juste un autre niveau.

Les confinements ont-ils eu un impact positif ou négatif sur votre productivité vis-à-vis de l’écriture et des répétitions ? Pour certaines personnes, être coincé à l’intérieur signifie être productif. Pour d’autres, c’était tout le contraire.

Amy : Je pense que pour moi, c’était le contraire. On devait continuer pas mal de choses parce qu’on était en train de signer avec un nouveau label. On n’avait en quelque sorte pas le choix, nous devions rester productifs, mais nous ne pouvions pas répéter ensemble. Et il n’y a pas un.e seul.e compositeurice, on écrit toustes autant dans le groupe donc on devait vraiment toustes être ensemble. Cela nous a certainement beaucoup ralenti.e.s. Depuis que l’on est sorti.e.s du confinement, il s’est passé beaucoup plus de choses.

Vous êtes aussi principalement un groupe live, la musique est faite pour être jouée en live.

Amy : Oui, c’est sur.

« Mes paroles ont une pensée féministe sous-jacente. Parfois sur-jacente, si c’est un mot. Ce n’est peut-être pas toujours évident, mais mes paroles sont définitivement toujours poussées par des pensées féministes. » 

Photo : Derek Bremner

Êtes-vous plutôt du genre album ou singles ?

Amy : Oh, je déteste le dire, mais je suis plus du genre singles et playlist.

Alisha : Ouais, moi aussi. Je pense que de nos jours, c’est tellement plus facile d’écouter des chansons et des playlists. Par exemple, il y a 20 ans, vous deviez écouter le CD, vous deviez écouter chaque chanson et je pense que c’est plutôt bien d’une certaine manière parce que, évidemment, c’est bien d’apprécier une œuvre complète. Mais maintenant, vous pouvez écouter différents types de musique et d’artistes que vous n’avez peut-être pas écoutés, découvrir de nouveaux genres.

Vous aimez mélanger politique et musique ?

Alisha : C’est une question pour Amy.

Amy : Je pense que oui. Je suppose qu’en termes de paroles, je n’écris pas spécifiquement sur la politique. Mes paroles ont une pensée féministe sous-jacente. Parfois sur-jacente, si c’est un mot. Ce n’est peut-être pas toujours évident, mais mes paroles sont définitivement toujours poussées par des pensées féministes. Ainsi que mes expériences de femme dans un monde très patriarcal. C’est en quelque sorte une colère contre l’oppression, de quelque nature qu’elle soit.

« Avec le groupe dans lequel nous sommes, nous sommes toujours dans des espaces similaires, mais cela vous ouvre à rencontrer d’autres personnes queer et des personnes que vous n’avez peut-être pas rencontrées, et c’est à travers la musique. »

Vous vous identifiez comme un groupe queer et vous êtes dans beaucoup de playlists queer. Est-ce que le fait d’être queer a un impact sur votre écriture ?

Alisha : Amy pourrait probablement mieux répondre, mais pour moi oui. Je veux dire, je joue de la guitare ! [Être queer] est une partie très importante de ma vie et je veux retranscrire cela à travers la musique. Je suppose que je ne peux pas vraiment le faire dans un sens lyrique, mais dans ma façon de jouer et d’apparaître.

Amy : Je n’écris pas vraiment sur le fait d’être queer. Je parle pour moi, et je pense que pour le groupe aussi, être queer est quelque chose à célébrer pleinement, et mes paroles ne sont jamais vraiment à propos de la célébration. Mes paroles sont généralement assez sombres, en quelque sorte dégoûtantes et difficiles. Bien qu’être queer puisse être difficile, je n’ai pas encore vraiment exploré cela dans les paroles. Je le ferai peut-être un jour, qui sait ? Je pense juste au fait que nous sommes ouvert.e.s sur le fait d’être queer, et nous sommes sur scène en présentant comme un groupe assez queer. Même cela, nous sommes juste en train de nous créer un espace et de nous permettre de nous exprimer comme nous le voulons.

Pensez-vous que la communauté queer a eu un impact sur votre carrière ? Vous sentez-vous plus soutenu.e.s par la communauté queer ?

Alisha : Je dirais que oui. J’aime vraiment faire des concerts et rencontrer d’autres personnes queer. Avec le groupe dans lequel nous sommes, nous sommes toujours dans des espaces similaires, mais cela vous ouvre à rencontrer d’autres personnes queer et des personnes que vous n’avez peut-être pas rencontrées, et c’est à travers la musique. Alors je dirais oui.

Nous approchons de 2022. Avez-vous de nouveaux artistes que vous êtes impatient.e.s de voir percer ?

Alisha à Amy : Toi ! Il y a un groupe dont tu parles tout le temps.

Amy : Ah ouais ! Il y a un groupe appelé CLT DRP. Iels sont vraiment cool, queer aussi. Ils s’éloignent tous de ma tête maintenant. Il y a aussi Nova Twins. Elles ont percé maintenant, mais elles sont vraiment cool. Le groupe qui s’appelle Screaming Toenail, je viens de les découvrir. SLAP RASH, de Manchester. Il y en a tellement, mais quand on me pose cette question, mon cerveau devient vide. Little Simz est déjà célèbre mais c’est quelqu’un qui me passionne en ce moment. Aussi ZAND, on est allé.e.s en tournée avec iel.

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