14 Juin Interview – Antoine de Caunes nous raconte sa passion pour les Beatles et Paul McCartney
A l’occasion de la sortie du nouveau livre de Paul McCartney, « 1964, dans le tourbillon de la Beatlemania », nous avons posé quelques questions à celui qui signe la préface du livre et qui a interviewé à plusieurs reprises l’ex membres des Beatles… Un certain Antoine de Caunes.
Sound Of Brit : Comment avez-vous découvert les Beatles ?
Antoine: J’ai découvert les Beatles quand j’avais 8 ou 9 ans. Ma mère faisait une émission de musique à la télé qui s’appelait « Rendez-vous avec… » donc elle écoutait et recevait beaucoup de musique. Parmi les disques qu’elle a reçu, il y avait les Beatles et c’était le premier groupe qui réconciliait mes goûts précoces et les siens. Elle était plus Sanson, Trenet... Moi, je trouvais qu’il y avait une fraicheur dans les Beatles. Il y avait quelque chose d’absolument juvénile qui tombait en harmonie parfaite avec la jeune pousse juvénile que j’étais moi-même. Et puis il y a un instant particulier dont je parle dans le bouquin de McCartney. C’est un des concerts des Beatles à l’Olympia en 1964 auquel j’assiste par le plus grand des hasards parce que c’est la fille d’un amie de mon père qui m’emmène assister au concert de Sylvie Vartan. Je ne garde aucun souvenir du concert de Sylvie Vartan mais je garde un souvenir très primant de celui des Beatles qui jouaient en première partie. Il y avait cette espèce de concentré d’énergie, de perfection dans la forme et en même temps un enthousiasme incroyable.
Donc ça, c’était en pleine période de la Beatlemania dont parle le livre de Paul McCartney. Est-ce que vous avez assisté à des événements justement en rapport avec cette fameuse Beatlemania ?
Antoine : Non. Rien de particulier. Enfin, je n’avais même pas dix ans donc je ne prenais pas de notes à l’époque. Le public était enthousiaste mais ce n’était pas les débordements auxquels on a pu assister après avec la pure Beatlemania et cette espèce d’hystérie qui s’emparait du public. C’était plus aux dernières dates d’Angleterre. Quand ils sont arrivé en France, c’était la nouvelle sensation mais pas encore les Beatles tel qu’on les a consacrés après. En revanche, ce jour-là, j’ai vraiment commencé à écouter les Beatles. C’est-à-dire à guetter les sorties des 45 tours, à aller faire la queue devant le disquaire au moment de l’ouverture pour être sûr d’être l’un des premiers à en avoir une copie et puis après à éplucher les disques et à apprendre à parler anglais.
Vous avez appris à parler anglais grâce aux Beatles ?
Antoine: Oui. Grâce aux Beatles. L’été 1967, je l’ai passé en grande partie à déchiffrer Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Et j’ai parlé l’anglais à la Sgt Pepper. Je recollais des bouts de phrases dans les conversations.
Et vous arriviez à placer des paroles comme ça dans les conversations ?
Antoine: Oui très bien, très facilement. « When I get older losing my hair, many years from now« . On peut parler les Beatles sans parler nécessairement anglais. J’en suis une preuve vivante. J’ai bâti une carrière là-dessus (rires)
Qu’est-ce que vous pensez de la Beatlemania de manière générale ? De cette espèce de folie autour des Beatles ?
Antoine: C’est quelque chose qui est très difficile à mesurer avec du recul parce que c’était absolument phénoménal. C’était une espèce de folie collective qui s’emparait des gens à la moindre manifestation des Beatles. Comme une foule peut suivre un gourou. Ils en ont d’ailleurs beaucoup souffert à un moment au point où il a fallu qu’eux-mêmes aillent se vider la tête auprès d’un véritable gourou. Mais la manière dont j’ai vécu ça de mon point de vue, c’est-à-dire de pré-ado puis d’ado, c’était des débats passionnés, les grandes querelles de l’époque avec l’éternelle Beatles VS Stones comme on les retrouverait après avec Blur et Oasis. Cette espèce de combat vain et stérile. Mais il y avait une adhésion totale aux Beatles, à leur manière d’être, à leur manière de penser, à leur goût des expérimentations, à leur humour…. On avait tout avec eux. Ils ont inventé énormément de choses dans la musique et dans l’attitude, dans la manière de précéder l’époque, dans la manière de mélanger les musiques, dans la manière de produire avec George Martin. Ils ont littéralement inventé une grammaire.
Comment expliquez-vous qu’en 2023 ce phénomène continue encore et qu’on ait toujours de nouveaux artistes qui sortent un premier album et qui citent les Beatles comme influence ?
Antoine : Parce que c’est un modèle. Quand je vous dis qu’ils ont inventé une grammaire, c’est exactement ça. Il y a quelque chose qui est absolument intemporel dans leur travail, qui résiste au temps et à tous les effets de mode. Vous réécoutez Abbey Road aujourd’hui ou n’importe quel titre de l’album blanc et c’est toujours aussi émerveillant d’inventions, de richesse, de texture sonore, de drôlerie dans les paroles… Moi, il ne se passe pas une semaine sans que j’écoute les Beatles aujourd’hui. Ca fait une soixantaine d’années et je découvre à chaque fois autre chose. Tout est très codifié chez les Beatles. C’est pas parce que vous ouvrez telle porte que vous allez épuiser le sens. Il y a toujours autre chose qui se cache derrière et qui raconte une histoire. Ce qui fait d’ailleurs que cette histoire n’a pas fini d’être racontée. On n’en a pas fini avec les Beatles.
Oui. C’est impressionnant de voir à quel point ça dure dans le temps alors qu’il y a eu plein de super bons artistes depuis.
Antoine: Oui et puis il y a aussi plein de musiques qui sont très datées, qui étaient géniales au moment de leur apparition et qui ont pris un coup dans l’aile avec les années. Si je pense à des anglais qui apparaissent un peu après les Beatles, Traffic. A l’époque nous on voyait les concerts de Traffic et on était en extase. On se disait « génial, ils font encore bouger les marges, ils réinventent encore autre chose derrière » mais avec le temps qui passe on se rend compte que ça a quand même ses limites. Ca n’a pas cette profondeur, ce mystère qu’il y avait chez les Beatles. Il y a une espèce d’alchimie improbable entre ces quatre mecs.
Vous avez vu les Beatles en concert, vous avez interviewé Paul McCartney plusieurs fois, vous avez même dévoilé des SMS très intéressants au sujet des Beatles entre José Garcia et vous… Est-ce que même en ayant fait tout ça, vous avez quand même réussi à apprendre ou découvrir de nouvelles choses en lisant ce livre ?
Antoine: Ce que j’ai découvert, c’est que McCartney est un photographe. Non seulement il a une oreille mais il a un œil aussi. Parce que c’est McCartney qui a fait les photos du livre. C’est très intéressant parce que ce sont les photos d’un Beatles sur le regard que portent les autres sur les Beatles. Il y a une espèce de mise en abyme. C’est un effet vache qui rit qui me plait beaucoup. Et surtout les photos sont vraiment bien quoi ! C’est un photographe. Enfin, moi, ça me surprend.
En plus des photos, il y a aussi des textes dans lesquels McCartney raconte ses souvenirs.
Antoine : Oui c’est ça. Il y a beaucoup beaucoup de photos et puis il y a ses souvenirs du début de la Beatlemania et toute cette onde de choc provoquée par les Beatles sur le reste du monde. Donc c’est un document précieux à la fois littéraire et visuel. Quand je dis qu’on n’en a pas fini avec les Beatles, j’ai l’impression qu’on n’en a pas fini avec McCartney. C’est quand même étonnant. Il court sur ses 80 balais et hier il annonce qu’il va faire un truc en collaboration avec une intelligence artificielle. Evidemment, tout le monde lui tombe dessus en l’accusant d’opportunisme, de surfer sur un effet de mode et tout. Ce qui est quand même assez drôle et paradoxal parce qu’on parle de Paul McCartney. Il s’en fout. C’est un homme libre. Il s’amuse. Il n’a pas besoin de faire un nouveau disque pour payer son loyer.
Oui et puis on voit beaucoup d’anciens artistes critiquer toutes les nouvelles technologies. Donc là, de voir Paul McCartney évoluer avec son temps, c’est plutôt admirable.
Antoine: Exactement. Et il y a un livre qui faut lire qui s’appelle Many Years From Now de Barry Miles qui est un vieux copain à lui et qui connaît son McCartney mieux que personne. Et en fait ce qui est intéressant avec McCartney c’est que pendant très longtemps, il a été considéré comme le mignon des Beatles, le chanteur à minettes… Mais en fait on se rend compte que ce n’est pas du tout ça. C’est lui le créatif du groupe. C’est celui qui va vraiment explorer, qui va écouter de la musique sérielle dans les années 60 alors que ce n’est vraiment pas l’objet. Les démarches artistiques étonnantes, elles viennent de McCartney. Donc aujourd’hui, il est dans la logique de ça. Aller s’intéresser à l’intelligence artificielle, c’est une marque d’intelligence (et pas artificielle) et d’envie d’essayer, de s’amuser, d’essayer des choses quoi. C’est quelqu’un qui n’a renoncé à rien.
Est-ce que vous avez rencontré d’autres membres des Beatles en dehors de Paul McCartney ?
Antoine: Non. Lennon était mort, Harrison a pas tardé à suivre le même chemin et Ringo est toujours resté à Los Angeles. ça ne s’est jamais fait.
Ringo Starr ne fait pas d’interviews ?
Antoine: Non. On avait fait un sujet avec lui pour Rapido mais ce n’était pas moi qui m’y étais collé. Il n’y a que Paul que j’ai interviewé.
En dehors des Beatles, est-ce que vous avez d’autres artistes anglais à nous recommander ?
Antoine: A la fin des Beatles, je me suis mis à écouter beaucoup John Mayall avec notamment un album qui s’appelle Blues From Laurel Canyon. C’était mon disque de chevet. Après, j’ai beaucoup écouté Costello, XTC, Blur, les Kinks et puis évidemment les Stones que j’aime beaucoup… Et puis, bien longtemps après, dans les années 70 j’écoutais la nouvelle vague qui mélangeait tout. Ca allait de The Police à Dire Straits en passant par Ian Dury, Siouxsie and the Banshees, The Cure… J’ai beaucoup écouté de pop anglaise. J’ai longtemps très nettement préféré la pop anglaise à la musique américaine même si j’écoutais toujours Springsteen. J’écoutais beaucoup de musique noire américaine mais le rock blanc américain me laissait, sauf exception, de marbre. J’étais toujours plus sensible à l’élégance anglaise. Et il y a trois jours, je suis allé voir le concert de Paul Simonon et Galen Ayers. Ils viennent de sortir un album tous les deux qui est vraiment charmant et qui n’a rien à voir avec le travail des Clash. Ils ont fait un disque de chansons avec du groove, sans prétention, tout à fait charmant. J’aime bien ce genre d’attitude. Et je suis évidemment mes petits Gorillaz. Je les marque à la culotte. Et Pulp ! N’oublions jamais Pulp ! J’ai une passion pour Richard Hawley.
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Jacques Volcouve
Posted at 18:00h, 20 juinLes Beatles ne jouaient pas en première partie mais terminait le spectacle. Tout au long de ces années, Bruno Coquatrix, Jean-Michel Boris et Sylvie Vartan ont démenti cette ridicule rumeur. Les Beatles étaient devenus énormes en Angleterre, la suède était à leurs pieds. Accepter de redescendre sur une affiche n’a pas de sens.
Jacques Volcouve historien des Beatles
Didier FAGNEN
Posted at 14:05h, 16 septembreOui, Jacques a raison….même si sur la devanture de l’Olympia les trois noms étaient inscrits avec une taille identique (Trini Lopez, Sylvie Vartan et les Beatles (« Des idoles et des jeunes »))
., ce sont eux qui passaient en dernier
Ceci étant, l’interview de Antoine de Caunes est intéressante…pour la petite histoire, j’avais 13 ans en 1964, et j’ai passé le mois de juillet 64 en Angleterre, au moment de la sortie du film (et du disque) Hard day’s night……ce qui s’est passé là-bas à ce moment est incroyable, non racontable, unique….et cela a marqué à vie le petit garçon que j’étais.
Didier FAGNEN