Route du Rock 2025 : la Grande Bretagne en majesté sous les remparts de St-Malo

Le Fort de Saint-Père a vibré, trois nuits durant, au rythme des guitares tendues, des beats syncopés et des mélodies brumeuses venues d’outre-Manche.

Pour sa 33ème édition, la Route du Rock a largement fait place à une scène britannique toujours aussi bouillonnante, inventive et contrastée. De la britpop patrimoniale à l’hyperpop mutante, retour sur un week-end où la Grande-Bretagne a volé la vedette.

Jeudi 14 août

Les British se sont taillés une belle part de notre festival malouin préféré, et ce dès le premier concert avec Memorials – le projet de Verity Susman (Electrelane) et Matthew Simms (Wire) – qui livre un concert en clair-obscur sur la scène des Remmparts.

Puis vient le tour Black Country, New Road, de retour à la Route après leur passage en 2022 juste après le départ de leur leader, mais qui avaient réussi à assurer malgré cette absence. Le collectif londonien, toujours sans chanteur principal depuis le départ d’Isaac Wood, réinvente le live comme un théâtre sonore. Cordes, cuivres, explosions instrumentales : leur musique ne suit aucune route, elle les crée.

Mais l’évènement de cette première soirée bretonne est bien entendu le retour des Mancuniens de Wu Lyf, quatorze ans après leur album Go Tell Fire to the Mountain, devenu culte entre temps. Le public nostalgique répond présent et les fans de la première heure sont aux anges de retrouver le groupe après une si longue attente.

Arrive ensuite le point d’orgue de la soirée avec King Krule, le crooner lo-fi au spleen caverneux en tête d’affiche au Fort de Saint-Père ce soir-là. Dans un silence quasi religieux, il déroule ses titres comme des lettres jamais envoyées : lentes, tendues, pleines de rage rentrée. Une performance crépusculaire qui donne le ton. Le Londonien n’oublie cependant pas d’évoquer l’état du monde : après avoir rappelé sa position sur le génocide en cours, tout le public du fort scandera « Siamo tutti antifascisti » en écho.

Place ensuite à Overmono, duo électro formé par les frères Russell, qui injecte une décharge d’énergie au cœur de la nuit. Entre breakbeat, garage et techno UK, leur set évoque les entrepôts de Manchester autant que les clubs de Peckham. Électrisant.

Mention spéciale : difficile de ne pas évoquer nos français de La Femme, qui ont assuré un show dantesque et plongé tout le public du fort dans une belle euphorie collective. Notre point fort de la soirée aux côtés de King Krule.

Vendredi 15 août

La première chose qui frappe en ce deuxième jour de festival, c’est l’affluence. Si on avait pu profiter sereinement de la première soirée de concerts (avec en plus, une fois n’est pas coutume, une météo des plus clémentes) c’est moins le cas ce vendredi. C’est Pulp qui crée l’évènement et attire les foules avec un concert exclusif en France et après plus de treize ans d’absence. On regrette un peu cette densité qui allonge les queues aux bars, aux stands de restauration, aux toilettes et nous fait parfois regarder de loin des concerts qu’on aurait voulu vivre au plus près…

Les festivités commençaient pourtant plutôt calmement en compagnie de Porridge Radio, emmené par la touchante Dana Margolin. Voix vacillante, guitares abrasives, tension permanente : ce concert est l’un de leurs derniers et l’émotion est présente aussi bien sur scène que dans le public qui n’a pas envie de dire au revoir à cette formation.

Puis surgit GANS, duo garage de Birmingham, qui livre un set féroce. Guitare frénétique, batterie cataclysmique, public en transe : la soirée est à présent lancée.

C’est ensuite au tour de nos chouchous de Yard Act, eux aussi déjà passés par Saint-Malo en 2022 et qui nous avait laissé un souvenir impérissable de joie communicative et de bonne humeur. On ne peut déjà plus circuler quand débarque le quatuor de Leeds. La copie est maîtrisée, le groupe balançant ses tubes avec la belle énergie qu’on leur connaît. Et puis on ne se lasse (toujours pas) des petits « La Route du Rock » dans le plus bel accent britannique par un James Smith qui a l’air (comme nous tous) d’apprécier le festival breton.

Et c’est enfin le moment que tout le monde attendait, pour certains depuis des années : voici que débarque ce bon vieux Jarvis Cocker sur la scène du Fort. Il rappellera au public la présence du groupe dans ce même festival en… 2001 « Qui était là ? » demandera-t-il à l’immense foule venue prendre sa dose de britpop. C’est à n’en point douter le meilleur concert de cette édition, Jarvis en bête de scène harangue un public conquis qui reprend en choeur les tubes de Pulp en s’époumonant. Et c’est un ravissement de voir ce public multi-générationnel traversé par les mêmes émotions à l’écoute de Disco 2000 (qui arrive très très vite dans le set), Do You Remember The First Time?, ou bien encore l’hymne Common People. Qu’on ne s’y trompe pas, l’été 2025 est vraiment le summer of britpop.

Mention spéciale : la chenille de la Route du Rock performée par tous les festivaliers présents au concert de Pulp qui aura su clôturer ce beau moment de communion (et aura impressionné Jarvis si l’on en croit son compte Instagram).

Samedi 16 août

C’est Maria Sommerville qui ouvre le bal pour cette dernière soirée de notre festival chéri. L’Irlandaise et ses excursions folkloriques propose le premier concert du samedi. Petit détour avec Fine du côte de Los Angeles et nous revoilà en Irlande avec M(h)aol dont le post-punk essoufflé ne nous laissera pas grande impression.

Enfin, Sega Bodega conclut la soirée avec une proposition radicale. Loin des formats habituels, sa pop futuriste et tordue projette le Fort dans un univers parallèle. Moins accessible, mais d’une singularité rare.

De cette journée on retiendra surtout les non-brits présents : SUUNS, les Québécois qu’on n’attendait pas à ce niveau et qui nous offrent une performance magique, et bien évidemment Kraftwerk, qui malgré l’absence des habituelles lunettes 3D pour leurs shows, livrent le concert de cette dernière soirée en grands patrons de l’électro. Le collectif en vogue depuis les années 70, nous semble toujours plus moderne et conclut pour nous le festival de la plus belle des manières.

Mention spéciale : les gaufres au Maroilles (on a fait une petite infidélité aux galettes-saucisses cette année, pardon les bretons).

Le constat est le même chaque année, la Route du Rock nous ravit par sa programmation éclectique allant du  post-punk  à  l’électro  avant-gardiste, en passant par la pop, l’électro, le garage psyché et la folk. Si le festival fait la part belle aux groupes de légende (Pulp et Kraftwerk), il n’oublie pas la scène actuelle (Yard Act, La Femme, King Krule…) et laisse le public faire de nouvelles rencontres artistiques (Maria Sommerville, SUUNS…).

On a déjà hâte de retrouver la plage de St-Malo et le fort de Saint-Père l’année prochaine pour la 34ème édition qui se tiendra du 13 au 16 août 2026 !

N.B : Toutes les photos de cet article nous ont été transmises par le festival.

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