12 Jan alt-J à l’AccorHotels Arena: d’efficacité et de sang-froid
Pari risqué pour le retour à la capitale d’alt-J; le trio s’attaquait ainsi à la titanesque AccorHotels Arena. Pour un résultat…? Récit.
L’annonce du passage alt-J à l’AccorHotels Arena et ses 20 000 places avait fait sourire beaucoup de lèvres et hausser de nombreux sourcils. Comment la formation alternative, dans son élément en petite salle, allait conquérir une arène de cette envergure? L’aspect technique frappe une fois entré dans la salle: les plus hauts gradins sont timidement recouverts d’un voile noire et la scène drastiquement avancée afin de masquer un (généreux) sixième de la salle. Capacité diminué, mais show de grande envergure?
Entrée en matière tout d’abord avec Marika Hackman. Remarquée cette année pour son excellent I’m Not Your Man, la musicienne, solidement soutenue par son groupe, délivre un pop-rock alternatif tantôt léger (My Lover Cindy, So Long) tantôt lorgnant vers de délicieuses inspirations garage parfaitement délivrées (Bath Is Black, Majesty, Time’s Been Reckless). N’oubliant pas de lancer de belles perches à la foule pour applaudir alt-J, l’artiste délivre son set avec efficacité, clôturant avec un Good Intentions délicieusement puissant; une somme toute très belle entrée en matière.
Mais l’heure est venue de passer aux choses sérieuses. Tandis qu’à 21h15 pile l’AccorHotels Arena s’éteint, une délicate plage électronique s’immisce jusqu’à nos tympans et le trio fait son apparition. A peine le temps de souffler que l’installation scénographique à base de poteaux tous de LED vêtus s’allument dans une parfaite (dé)synchronisation; la formation lance un Deadcrush d’ouverture parfaitement délivré. D’emblée, un constat: le son est très bon, enveloppant l’arène dans sa globalité, restituant la puissance et la finesse de chaque instruments. Guitare, percussions, chants, claviers, tout sonne à la perfection; nous sommes partis.
Il convient de profiter de cette intro car, très curieusement, les morceaux de Relaxer (déjà très peu nombreux) ne feront que de très rares apparitions au cours de ce set. Nous sommes donc en terrain connu quand alt-J lâchent les classiques Fitzpleasure et Something Good, mêlés avec les respectivement sublimes et électriques Nara et The Gospel of John Hurt, issus de l’injustement mal-aimé This Is All Yours. L’occasion pour Gus Hunger-Hamilton, inénarrable claviériste et chœur, de nous remercier de notre présence. « Jouer à Bercy c’est un rêve qui se réalise ».
Relaxer revient en force: In Cold Blood vient secouer une audience (forcément) très tranquille. La mélodie se déploie avec une envergure folle, emplie de puissance, tandis que les trompettes du pré-refrain dévoilent une force cathartique; un indéniable temps fort pour l’un des meilleurs morceaux de la formation. L’occasion parfaite de calmer un peu le jeu avec le fameux premier interlude de An Awesome Wave, le duet vocal Ripe & Ruin.
Plutôt que de mêler ses compositions, la formation décide cette fois de les encadrer; ainsi, les incroyables Every Other Freckle (et son toujours hallucinant pont) et Hunger of the Pine (le sample de Miley Cyrus, parfaitement époustouflant) se retrouvent juste entre Tessellate et Bloodflood, inévitables et (osons) cultes compositions de la première galette d’alt-J. Pas de Bloodflood Pt. 2 ce soir malheureusement; c’est la communion Matilda qui suit, dédicacée en l’honneur de l’anniversaire de Roger, ami du trio, et évidement reprise en chœur par un public totalement acquis à la cause. D’inévitables frissons suivent.
L’expérimentale clôture de Relaxer, Pleader, vient surprendre l’arène, passant d’inquiétants accords à une fédératrice et majeure progression. Dissolve Me et ses synthétiseurs viennent éclairer une foule mimant avec malice les vagues, créant l’espace d’un instant une véritable mer en mouvement au sein de l’arène. Puis coup double avec le moqueur Left Hand Free, bas du front et efficace, et l’imparable Taro, scandé au climax de son pont. Évasion du groupe; le temps de revenir pour un rappel.
L’intro de An Awesome Wave résonne avec force, sans doute l’une des rares intro d’album ayant acquis un statut aussi culte; avec celle de The xx. Puis 3WW, l’incroyable ouverture de Relaxer (et ultime extrait de l’album) vient nous émouvoir avec ses délicats couplets et son surpuissant refrain. 1h10 de concert et l’heure des adieux sonne déjà. L’heure de Breezeblocks, forcément vigoureusement scandée, et traversée par une délicieuse erreur de Joe Newman juste avant la progression finale (« Ceterizine… Shit »). Applaudissements, révérence, et les lumières se rallument: mission accomplie.
Reconnaissons-le: malgré nos évidents et moqueurs doutes et une salle à la capacité diminuée, ce passage d’alt-J à l’AccorHotels Arena s’est révélé être un franc succès. Techniquement le pari est gagné: servis par un son impeccable et une scénographie parfaitement adaptés à leurs hymnes, le trio a réussi à s’approprier l’arène le temps d’1h15. Les quelques reproches existants sont ceux reprochés à la formation depuis ses débuts: une performance scénique très figée et strictement similaire à ses homologues studio (Taro, privé de son extended outro). Le tout sans atteindre les climax d’émotion qui avaient pu traverser leur set de cet été au Lollapalooza Paris, bien plus fédérateur. Ne pinaillons cependant pas trop. Communication minimale mais plaisir maximal, alt-J savent maintenant dompter des arènes avec calme et rigueur. Tout de sang-froid.
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