24 Fév The 1975 : « Pas l’impression d’être un groupe de Manchester »
Rencontre avec Matthew Healy, la tête pensante et le leader des 1975. Un ‘fils de’ calme et posé, passionné et direct, et une âme de leader, déjà, suinte de ses mots.
Ce premier show en France, à La Maroquinerie ?
C’était vraiment bon. Je ne m’attendais pas à voir autant de gens. On n’était jamais venu ici, donc c’est très particulier. Et en même temps, c’était le début de notre première tournée européenne. C’était génial… Beaucoup de filles. C’est étrange ça, parce que ce n’est non plus quelque chose à laquelle j’ai pensé. Ca fait dix ans qu’on se connaît, qu’on se voit chaque jour, et on ne songeait pas à être ce genre de groupe, a rock boys band. Notre définition, c’est de faire des shows avec un son lourd et fort. Et des filles qui hurlent, ça donne un son fort. Mais c’est cool. C’est particulier. Faut se dire que pour un mec de 24 ans, avoir des interactions avec des adolescentes, on n’y pense pas, c’est pas courant. Ca fait partie des choses nouvelles que j’ai expérimenté cette année, qui a été folle, tellement de choses ont changé
« En un an, tellement de choses ont changé »
Qu’est-ce qu’évoque la France, toi qui n’y a jamais posé les pieds avant aujourd’hui ?
On est arrivé en France directement après la tournée américaine de six semaines. C’était surprenant et nouveau pour nous. C’est super agréable de jouer dans la musique dans une ville aussi ouverte et mélomane, comme Londres un peu. Ca nous autorise à être plus prétentieux. Ce show était en quelque sorte un test, un saut dans l’inconnu. Et Paris, quelque chose qu’on ne connaissait que par Internet.
Les sensations sont-elles différentes, hors de l’Angleterre, lorsque vous voyagez hors de cette grosse île ?
Ca l’est. Mais le truc le plus incroyable, c’est ce temps qu’on ne calcule plus. On tourne depuis… je ne sais pas combien de temps, mais on n’a eu quoi, deux jours off sur 4 mois de tournée. Et ce lendemain de concert, tu peux considérer ça comme un off, tu fais des interviews. On est en tournée depuis décembre (2012), d’abord chez nous et après à l’étrange. A force d’être en Grande-Bretagne, on aurait pu finir par avoir l’impression de faire toujours la même chose. Après, quand tu joues de la musique qui plaît, peu importe que tu sois à Paris ou autre, la musique est quelque chose d’unique et universel en même temps. On doit autant prendre de plaisir que le public.
Et Manchester, ça te manque en tournée ?
Je ne sais pas. On aime Manchester, elle nous manque, mais on n’a jamais été un groupe géographiquement parlant, de Manchester. On n’est pas un groupe mancunien. C’est pas comme si on avait une étiquette sur le dos. J’ai beaucoup de respect pour les légendes de Manchester, on peut être inspiré par ces groupes. J’ai bougé à Manchester alors que j’avais 11 ans et j’avais pas la sensation qu’on jugeait les gens sur d’où ils venaient. On fait juste de la musique.
« On n’a pas l’impression d’être un groupe de Manchester »
Tu es le fils de Denise Welch et Tim Healy, deux acteurs et personnalités. Est-ce que leur statut, leur métier, a eu une réelle influence sur toi ?
Je suppose que oui et non en même temps. Oui dans le sens où ça peut aider n’importe qui à aller dans la musique, à moins d’avoir un pur ressentiment, une rupture à cause de parents qui te forceraient. Beaucoup de musiciens nés dans un milieu créatif, sont aidés par cet héritage, encouragés. Oui, mes parents sont acteurs, mais tout jeune, j’étais obsédé par la musique. Et j’utilise le mot obsédé dans le bon sens. Je n’ai pas été forcé par mes parents, mais soutenus, comme n’importe quels bons parents le feraient. Ce privilège me semble pertinent. J’adore mes parents et peut-être que le fait d’être acteurs, leur a permis de pousser à la création. Pourtant, j’étais très différent de ma mère par exemple, mais ça ne semble pas si évident. Les gens me demandent pourquoi je n’ai pas suivi mes parents. Mais c’est tout con, j’ai juste suivi ma voie, à 17 ans, lorsqu’ils ont connu une certaine célébrité, j’étais dans un groupe punk, je faisais mes trucs et je ne les voyais pas si souvent. Mais c’était normal.
Et quel regard portent-ils sur ta musique ?
Je crois bonne. En même temps, ils avaient des influences musicales qui allaient du bon truc bien garage à des sons plus expérimentaux, de Sigur Ros à Explosions in the Sky. Et moi, je suis dans The 1975. Mais en soi, on n’en parle pas beaucoup. Surtout avec mon père, qui depuis que je suis leader de ce groupe n’a pas dit un mot dessus. Mais il est très serein, et ça suffit. Et je crois qu’ils aiment l’album.
Tu as commencé ce groupe en étant ado. Tu as évolué. Mais quelles étaient tes influences à cette époque ?
A la base, on avait comme référence les tout premiers groupes émos américains, des trucs comme Jimmy Eat World, Mineral… Des groupes qui font de la mélodie, et en même temps quelque chose de vraiment heavy. Je reste aussi profondément influencé par My Bloody Valentine, l’idée de quelque chose de très déformé et d’agressif. En fait, ça donne quelque chose de très beau. Il faut ensuite explorer pas mal de genres musicaux et transversaux pour trouver l’identité de The 1975. A l’époque, on était très influencés par ce qu’on écoutait, quand on avait 14-15 ans, de la heavy music. Quand on a grandi, les influences se sont étendues, et c’est ce qui arrive quand on grandit
« Notre premier album dépeint ça, c’est notre histoire »
Comment pourrais-tu définir l’évolution du groupe depuis 2002 ?
Comme une personne normale, tu changes de style sans trop t’en rendre compte. Je crois que notre premier album dépeint ça, c’est notre histoire. C’est un peu écrit, mais on n’a jamais réussi à être un groupe établi. Les gens évoluent, et nous aussi. Et nous voici ici. On a passé tellement de temps ensemble, dans une chambre, à faire de la musique. On pourrait faire 3-4 albums.
Cet album parle beaucoup de vous
Et je n’avais pas le choix. Je ne sais pas écrire autre chose. Je voulais être honnête, que les gens sentent cette sincérité à l’écoute. En fait, cet album est devenu un journal sincère, c’était moi en train d’explorer les différents de ma personnalité. C’était pas mon choix premier d’écrire mon histoire, mais j’ai vite compris que je ne pouvais faire que ça.
En un an, The 1975 a pris une envergure incroyable… Vous réalisez ce succès
Ca, c’est un truc que je ne sais pas, que je ne mesure pas. Je ne me réalise pas moi-même, alors imagine cette célébrité, ce succès. Chaque avancée m’éloigne un peu plus de ma vie passée, et les choses grandissent rapidement. Mais on y est, on l’a cherché aussi quelque part. C’est étrange, parce que ce que l’album décrit, moi, le groupe, tout ça, c’est notre vie passée, et là… je n’arrive pas à ressentir quelque chose, à comprendre l’engouement, le fait d’être adoré. On franchit des paliers, comme un album N°1, mais au fond, t’es toujours la même personne, ça ne te change pas. Ca pourrait être décevant, car tu rêves etc, que tout ça change ta manière d’être, d’être perdu. Mais non.
Et tu penses à la fin de tout ça ?
Tout le temps. Probablement de la manière la plus sinistre. Mais je ne vois pas cette fin, je ne vois pas de point final, on verra ce qu’il se passe, étape par étape. Peut-être un nouvel album déjà…
Dans cette carrière, The 1975 a quand même fait les premières parties de Muse ou des Stones. Incroyable, non ?
Muse, c’était le spectacle le plus gros que nous ayons jamais fait. C’était cool, et pas du tout comme on pouvait l’imaginer. Parce que tu joues au milieu de la journée, devant 20 000 personnes déjà, des gens venus voir Muse. On n’avait joué devant autant de choses. Mais les gens étaient dedans, et c’était cool. Dans une salle, les gens vont te voir, t’entendre, capter ta mélodie. Dans un stade, non, tu ne peux pas. Ca s’échappe. Pour les Stones, c’était plus difficile, parce que les 10 000 premières personnes devant nous, sur les 50 000 peut-être déjà présentes, c’était des fans des Stones qui ne voulaient pas voir autre chose que les Stones. Mais c’était cool, on a joué quelques chansons, Mike Jagger était en backstage, en train de danser sur Chocolate.
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