08 Fév Alt-J : pyrotechnie musicale au Zenith de Paris
Après son show intimiste du Casino, le quatuor de Leeds a rempilé mais cette fois dans la salle du Zenith de Paris. Une occasion de vérifier si la magie opérait toujours.
Bassins tourmenté et yeux écarquillés: une étrange impression en découvrant Alt-J en concert! Le groupe britannique sait fasciner avec ses mélodies métissées parfois étonnantes des salles underground mais là, c’était un autre genre de challenge que les 4 acolytes ont relevé haut la main.
Et pour commencer à réchauffer le Zénith, Gengahr n’a pas eu froid aux yeux! Les 4 gaillards psychédéliques avaient la dure tâche de faire résonner les premières notes dans une salle silencieuse. La douce voix de Felix Bushe donne vite une autre dimension à la prestation dream pop. Apparemment beaucoup sont charmés surtout son bassiste dodelinant de la tête comme un métronome flegmatique et son guitariste à la marinière régressive. Entre deux ballades aux voix perchées, assurant la filiation avec la tête d’affiche, les garçons osent des chansons rock au ton stoïque et sens groovy mais à l’attitude énervée. Ces moments expérimentaux engendrent cependant une certaine mélancolie émanants de ces complaintes tranquilles.
Pour vraiment se réveiller, il fallait compter sur Wolf Alice. Pourtant à l’arrivée de la douce Ellie Rowsell, qui pouvait imaginer ce rock limite grunge? Les petites amorces folk sage n’y font rien, les chorégraphies endiablées, le bassiste à la bretelle écarlate aux faux airs de Johnny Rotten et la batterie limite ska dopent l’énergie de la salle et les spectateurs crient déjà en choeur : « Bravo les anglais !».
L’attente est alors à son paroxysme quand les 4 fantastiques font leur entrée sur scène. Dans un format quasi hollywoodien. L’obscur rideau s’ ouvre soudain, et ce ne sont pas les musiciens qui s’installent mais des lumières rougeoyantes et aveuglantes. Des néons centrés, auréolés par une clarté lointaine mais cependant dans une lumière assez puissante pour faire battre tous les coeurs au rythme d’Hunger of the Pine.
Et pour intensifier les graves , le batteur prend une part importante à cet instant magique, au rythme saccadé dans un solo retentissant laissant ses collègues agrémenter de choeurs en français le premier single. Ces ombres discrètes sur fond rouge semblent bien mystérieuses et se dirigent vers une set list moins spirituelle .Sans perdre de temps avec un « merci Paris » tonitruant, le groupe revient à ses premières amours avec ses chansons indie pop. Fitzpleasure et Something Good sonnent comme des classiques et les fans entendent bien le montrer. En quelques minutes, les paroles sont sur toutes les lèvres. Et les ombres chinoises musicales deviennent enfin claires.
Les voilà alors, imperturbables devant leurs instruments, étourdissant avec leurs harmonies subtiles. Peu de jeux de scène mais qui en aurait besoin avec ce son céleste? Si subtil que l’arrivée de Left Hand Free ne surprend pas. Accueillie dans une certaine hystérie, la chanson fait définitivement fondre la glace, même Joe Newman jette la serviette dans le public c’est peut-être là le secret d’une suite de tube. Un tube livré encore une fois avec une pression extrême, avec des harmonies aussi percutantes que dans l’album. S’il n’y avait pas ces jams en fin de morceaux au clavier ou à la batterie ou des effets d’échos moins produits, avec moins de coffres mais toujours autant d’émotion, le mimétisme serait parfait.
Pourtant c’est une Matilda plus dépouillée quasiment acoustique qui résonne alors sur scène mais portée par un public particulièrement motivé pour jouer les choeurs. Moins chargée en production mais aussi en effets pyrotechniques; le morceau mue le public calme en vague humaine qui, sans artifice ni faste, exprime enfin sa jouissance musicale exacerbée. Une excitation qui retombe un peu pendant Bloodflood, une plongée sanguinaire qui métamorphose la scène en grande bleue.
Un camaïeu monotone qui n’a fait accentuer la danse des spectateurs guidés par cette transe contagieuse que produit la musique d’Alt-J. L’exaltation visuelle hypnotisante, tantôt marbrée rougeoyante, tantôt encre déliée, varie très rapidement avec le rythme de la musique et de la mélodie, c’est le fait d’être anglais; aller d’un genre à un autre sans heurts. Léon, cette « chanson un peu ancienne » s’impose naturellement dans le concert. Le morceau vraiment rock conçu par ces faiseurs de pop tranche pourtant dans leur discographie mais a toujours ce petit tempo de guitare qui donne cette envie inconditionnelle de danser. Un danse qui s’arrête soudain pour (the ripe & ruin), ovni quasiment acoustique et d’un synchronisme parfait, un peu étonnant pour le zenith de Paris. Le live a l’étrange pouvoir de faire ressortir les sonorités enfantines, rock, hip hop ou même des airs de Lou Reed dans le parler de Joe Newman et surtout d’ensorceler avant de disparaître violemment dans un « Merci beaucoup Bonne soirée! ».
Mais l’absence est de courte durée et le retour se fait en fanfare avec une confidence « Il y a deux ans on a joué au zenith avec les Two Door Cinema Club, on est heureux de revenir pour notre propre show. » Un concert qui s’achève sur une reprise assez méconnaissable de Bill Withers et les promenades à Nara où les fans pour prouver leur affection n’osent pas dessiner un coeur avec les doigts mais un triangle. Un triangle qui se voudrait idéal sans le tube Bleezeblocks où le groupe laisse chanter « i love you so » par les spectateurs, pointés par le doigt du chanteur. Un appel à une certaine communion « pour la prochaine fois ». Oh si le spectacle est aussi bon et beau!
Tracklisting :
Hunger of the Pine
Fitzpleasure
Something Good
Left Hand Free
Dissolve Me
Matilda
Bloodflood
Bloodflood Pt. 2
Leon
(Ripe & Ruin)
Tessellate
Every Other Freckle
Taro
Warm Foothills
The Gospel of John Hurt
Rappel :
Lovely Day (Bill Withers cover)
Nara
Leaving Nara
Breezeblocks
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