Montreux Jazz Festival : Anohni délivre un message puissant au Stravinski

Plus qu’un concert, c’est une performance musicale et artistique complète que l’artiste anglaise nous a présentée ce 1er juillet.

On nous avait déjà averti à la conférence de presse: le concert d’Anohni, ex-Antony and the Johnsons, sera spécial. Venue présenter son album solo militant Hopelessness après 6 ans d’absence dans le monde de la musique, c’est avec curiosité et impatience que votre correspondante Soundofbrit attendait ce concert.

Il est environ 19h30 lorsque j’arrive dans l’auditorium Stravinski. Il n’y a pas encore grand-monde, et lorsque j’entre dans la salle, un bruit de fond étrange et un peu sourd se fait entendre à travers les hauts-parleurs. Cela donne une atmosphère particulière à l’endroit. Même si le concert n’est pas complet, certains fans sont déjà présents aux premiers rangs pour garder leur place. Ce fameux bruit de fond étant un peu lourd à la longue, je décide d’aller boire quelque chose dans l’espace bar pour patienter et établir une typographie des spectateurs déjà présents. Même si le public est plutôt diversifié – on y trouve autant de femmes que d’hommes, des anglophones, des suisses-allemands et des suisses-romands -, il est majoritairement d’âge mûr (30 ans et plus). Bref, je suis le bébé de la salle.

Anohni au Montreux Jazz Festival Montreux, le 01.0702016 Photographe : (C) Lionel Flusin

Anohni au Montreux Jazz Festival
Montreux, le 01.07.2016
Photographe : (C) Lionel Flusin

Enfin, le moment tant attendu arrive autour de 20 heures. Le Stravinski est toujours loin d’être plein, le bruit est encore là et c’est sans peine que je trouve une place dans les premiers rangs. Les lumières s’éteignent, puis l’écran géant de la scène s’allume. Nous sommes alors face à une projection en noir et blanc de Naomi Campbell qui danse, avec – vous l’aurez deviné – en toile de fond cet effet sonore assourdissant qui devient graduellement de plus en plus fort. Les mouvements de la mannequin sont parfois lascifs, parfois désespérés. Son visage tantôt sérieux, tantôt souriant intrigue ou perturbe. Les secondes passent, puis les minutes. Naomi Campbell danse encore et encore sur ce bruit de fond qui résonne et toujours aucun signe d’Anohni. Attendrait-on une réaction de la part de la foule ? Nous tentons, d’abord timidement, puis un peu plus fort, de faire du bruit pour l’artiste. Cela ne change rien, et nous ne savons que faire. Certains commencent à s’ennuyer, tandis que d’autres se sentent mal à l’aise face à cette projection qui ne s’arrête pas.

Au bout d’un moment, les lumières s’éteignent et le concert à proprement parler commence. Une femme apparaît alors sur l’écran et commence à chanter. Par contre, c’est la voix d’ Anohni qu’on entend, et elle est en direct ! Cette dernière finit par entrer en scène, mais entièrement vêtue de noir. Son visage est masqué. Il semblerait qu’elle souhaite que nous nous concentrions sur les projections plutôt que sur elle. La performance entière se déroulera de cette manière: une personne sur l’écran géant chante en synchronisation avec Anohni qui lui prête sa voix. À chaque chanson, des individus différents sont projetés à l’écran. Naomi Cambell et Anohni elle-même le seront à leur tour vers la fin du set.

Le résultat est très émouvant. Entre la voix puissante de la chanteuse, ses chansons aux paroles militantes et les émotions que ces personnes projetées à l’écran nous communiquent, nous sommes captivés voire au bord des larmes. Guerres, discriminations, réchauffement climatique, tout y passe. Le message d’Anohni dans Hopelessness est dur mais vrai: nous avons tous notre part de responsabilité. En live, c’est magistral. De 4 Degrees à Drone Bomb Me, chaque chanson en ressort pleine de force.

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