Interview: Archive

Forts d’un excellent nouvel album, The False Foundation, le collectif Archive était en ce début Octobre de passage en France pour un circuit promo parfaitement rodé. Écoute du nouvel album, showcase privé, puis interview et enfin performance live à la télé française: 2 journées bien remplies pour le quatuor anglais, qui affiche maintenant au compteur plus de 20 ans d’existence. L’occasion pour Sound of Britain de rencontrer le groupe afin de discuter de The False Foundation, des parallèles au sein de la musique du groupe et de parler composition, influences, collaborations et avenir.

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C’est confortablement installés dans une des loges du studio du Grand Journal que nous retrouvons Darius Keeler et Dave Pen, le temps d’une interview avant leur première télé pour la promotion de The False Foundation. Tous les deux à l’aise et avenants, ils se laissent porter par le flux de questions et y répondent avec intérêt et décontraction.

Pour commencer, je voudrais vous remercier pour votre concert hier ! C’était magnifique, avec uniquement ces 2 voix et ce piano, c’était très intimiste, tendu.

Darius Keeler : Oui, c’était très agréable !

Alors, pour démarrer avec votre nouvel album, The False Foundation ; Restriction est sorti il y a à peine un an, et je voulais savoir comment cela s’est fait de passer après cet album, comment The False Foundation a été conçu, quelles ont été vos influences ?

Darius Keeler : Je pense que nos influences… Pas vraiment nos influences, mais notre but, était de revenir avec un album avec lequel  nous serions vraiment très heureux. Nous avons passé beaucoup de temps à explorer toutes les possibilités, à nous plonger dans toutes les couches de cet album, et ressortir avec quelque chose dont nous serions très fiers. Ces 4 dernières années ont été assez folles, nous avons beaucoup tourné, donc c’a été très agréable de s’arrêter, de se poser un peu, de s’immerger dans cet album et d’y passer beaucoup de temps, pas de concerts, juste…

Juste la musique !

Darius Keeler : Exactement.

« Pour Axiom, nous y avons passé 15 jours, et pour The False Foundation 15 mois »

 

Avec The False Foundation, j’ai la sensation qu’il y a une volonté de concept-album, démarrant seulement avec ce duo piano-voix, et se clôturant avec ce même piano-voix. Cela m’a surpris lors de l’écoute, car vers la fin de The Weight of the World, il y a ce piano assez jazzy qui arrive, beaucoup plus joyeux que le reste de l’album, et soudain vous revenez vers ce mélancolique piano-voix. Je voulais donc savoir si vous avez pensé The False Foundation comme un album concept, et comment avez-vous décidé de sa progression ?

Dave Pen : Je pense que, comme tu le dis, The False Foundation est en partie conceptuel oui. Quand nous avons commencé, nous faisions en quelque sorte la bande-originale de notre propre film imaginaire, je pense que c’est pour ça qu’il y a cette sensation. Quand l’album démarre, c’est comme ouvrir une porte, juste le piano-voix, c’est étrange, très esseulé, ce qui explique pourquoi nous avons juste voulu le piano-voix pour l’ouverture. Donc cette porte s’ouvre, et c’est comme entrer dans cet autre monde en quelque sorte, c’est comme ça que je le vois, et vers la fin il y a cet élan de joie, comme un hymne, tout le monde ensemble ; mais ensuite cela disparaît, et vous avez de nouveau cette porte, avec toujours ce piano-voix dans la pièce, seul. C’est quelque chose de très psychédélique, et vous pouvez vous laisser porter où vous le souhaitez avec.

Une autre pensée m’est venue à l’esprit lors de l’écoute, c’est que c’est un album très cinématographique, et j’y ai vu un parallèle avec Axiom. Je voulais alors savoir si le travail fourni sur Axiom vous a aidé pour concevoir ce nouvel album.

Darius Keeler : Axiom est très étrange, car c’est totalement l’opposé de The False Foundation. Pour le premier, nous y avons passé 15 jours, et pour le second 15 mois, vous imaginez ? Axiom était purement de la chance. L’idée était « on va intégrer des cloches parce qu’on aime les cloches », vraiment c’était ça.

Dave Pen : Et ensuite on vient nous dire qu’il faut faire un film à partir de ça, puis que quelqu’un a réalisé ce film, …

C’était un album très spontané en somme.

Darius Keeler : Oui, c’est un coup de chance qui n’arrive qu’une fois dans une vie, on ne le refera plus jamais.

Dave Pen : Pour revenir sur ce que tu disais, Axiom et The False Foundation sont très différents mais je peux comprendre pourquoi les gens peuvent penser qu’ils sont assez semblables, on peut les ranger sous les mêmes étiquettes.

Darius Keeler : Je pense qu’Axiom est beaucoup plus violent. The False Foundation n’a pas cette même violence, il a eu un traitement différent. Il a son propre tempérament.

« Avec ce nouvel album, nous avons vraiment exploré nos esprits »

Toujours sur l’aspect cinématographique de votre nouvel album, je trouve qu’il y a énormément de travail sur le plan visuel pour ce False Foundation. L’artwork est magnifique, et le ton de l’album fait écho à cette image, crée quelque chose en résonance. Avez-vous travaillé avec des artistes en particulier, ont-ils influencé l’enregistrement de cet album ?

Darius Keeler : Encore une fois ça a été quelque chose de très spontané.

Dave Pen : Nous travaillons avec les mêmes artistes depuis maintenant 3 albums, ce sont eux qui ont fait Axiom et Restriction. Au moment de tourner les clips, c’était génial de pouvoir travailler avec eux, ça nous a permis d’aller droit au but. Pour ce qui est de l’artwork, ce cube repris dans le clip de Driving In Nails, c’est David, notre photographe, qui s’en est occupé.

Darius Keeler : C’est un cliché impressionnant. Il est venu vers nous en nous disant « Hé, regardez ce que j’ai ! »

Dave Pen : Le choix de cet artwork est venu du clip de Driving In Nails et du travail avec le réalisateur qui avait déjà proposé l’idée du cube. Encore une fois, c’est quand on collabore avec des personnes avec qui on peut vraiment partager les mêmes intérêts –car on peut facilement s’y perdre avec les clips, c’est une erreur facile- que ça fonctionne. On a une très bonne connexion avec ces gars, 3 albums avec eux, c’est plutôt cool.

Quand j’ai écouté Restriction, j’ai senti qu’il y avait de nombreuses influences, des sonorités très variées, un album qui était comme un patchwork –sans le côté négatif qui peut en ressortir-, avec des types de chansons très différents… Je voulais savoir pourquoi, avec The False Foundation, vous êtes revenus avec un album qui a une continuité, avec des morceaux s’enchaînant, se fondant les uns dans les autres ?

Darius Keeler : Je pense que c’est tout simplement ce qu’on aime faire. Restriction était un reflet d’où nous étions dans l’instant, avec tous les concerts, à faire les choses de façon spontanée, plus rapide, … Ce n’est pas la meilleure façon dont nous faisons nos albums. La meilleure façon pour nous, c’est quand on se plonge dans la conception de l’album, qu’on y pense vraiment et qu’on explore nos esprits. Ce n’est pas ce que nous avons fait sur Restriction, nous avons simplement écrit quelques chansons.

Dave Pen : Comme vous l’avez dit, ce sont 10 chansons indépendantes.

Darius Keeler : Avec ce nouvel album, nous avons vraiment exploré nos esprits.

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J’ai eu des retours d’un ami ayant écouté The False Foundation dans la journée disant qu’il trouvait des similarités entre Restriction et The False Foundation au niveau des sonorités utilisées, et particulièrement avec la batterie électronique. Je voulais donc savoir si les instruments, les sonorités exploitées dans Restriction vous ont aidés à construire ce nouvel album ?

Darius Keeler : Non, c’est très différent. Toutes les batteries qu’on entend dans The False Foundation sont électroniques, programmées dans des boîtes. Il y a beaucoup plus de batteries live dans Restriction, et ce nouvel album est totalement batterie électronique. Comme je l’ai dit, c’est du vieil équipement. La batterie dans Restriction a un son qui frappe plus ; sur ce nouvel album, la batterie est plus douce, agréable, riche.

« Je suis très fasciné par le silence dans la musique, c’est un élément que nous devrions beaucoup plus utiliser, car il n’a pas été assez exploré »

 

Pour revenir sur l’enregistrement de The False Foundation : je vous ai vus en live aux Vieilles Charrues 2015, et vous étiez sur scène dans une configuration assez impressionnante. A l’inverse, dans le clip de Driving In Nails, vous n’êtes que 4 dans le cube. Je voulais donc savoir combien vous étiez à enregistrer ce nouvel album.

Dave Pen : Nous étions toujours très nombreux, avec plus ou moins la même configuration, à l’exception des choristes femmes, qui au demeurant sont toujours dans le groupe, mais qui travaillent sur des choses différentes.

Darius Keeler : Nous étions 10 je crois ?

Dave Pen : Il me semble ! Dan, Mickey, Jon, … Il y avait plus de gens sur Restriction. Mais si nous avions dû mettre tout le monde dans le cube nous nous serions vite retrouvés très serrés ! *rires* Ce que je veux dire c’est que le collectif Archive c’est nous 4, ça paraissait normal que pour le clip de Driving In Nails ça se fasse juste entre nous 4. Esthétiquement ça nous paraissait être la meilleure chose à faire, ç’aurait été étrange sinon.

Darius Keeler : La réflexion, l’esprit d’Archive vient de nous 4.

C’était vraiment le noyau dur de vous 4 composant et le reste du collectif s’ajoutant à tout ça ?

Darius Keeler : Absolument. Si on devait résumer Archive, ce serait ça, Danny, Dave, Pollard et moi.

C’est une façon de travailler différente de Restriction car si je me souviens bien, dans une interview donnée à l’occasion de la sortie de cet album, c’était plutôt les nouveaux musiciens, les nouveaux membres d’Archive qui composaient leurs morceaux. Qu’est-ce qui vous a fait revenir à une méthode d’écriture plus standard, avec principalement vous 4 ?

Darius Keeler : Nous avons toujours écrit comme ça, Pollard, Danny, Dave et moi, c’était plus intensifié, avec un plus petit nombre de personnes. On adore écrire, et recevoir les compositions d’autres personnes, c’est pour cela que c’est un collectif. Je pense qu’avec Dave et Pollard c’est notre collaboration la plus longue, c’est pour ça que ça fonctionne aussi bien. C’était plus agréable de revenir sur quelque chose de plus intense avec cet album plutôt qu’avoir trop de membres apportant leurs compositions. C’est un album beaucoup plus concentré.

Quand j’ai écouté l’album, un élément de composition m’a frappé : le silence. Dans Driving In Nails par exemple, il y a cette rythmique électronique incessante avec ces nappes de synthétiseurs, et soudain une coupure, pour mieux relancer le rythme ensuite. Comment êtes-vous venu à cette idée d’usage du silence ?

Darius Keeler : Je pense que je suis très fasciné par le silence dans la musique, et que c’est un élément que nous devrions beaucoup plus utiliser, car il n’a pas été assez exploré. Le silence, l’espace, cette façon de penser au milieu de tout ce bruit. On a des chansons qui expérimentent ce silence. On a The Weight of the World qui a un grand moment composé uniquement de silence.

Ça ajoute beaucoup de tension à la chanson, et beaucoup plus d’impact dès que la mélodie revient.

Dave Pen : Absolument ! C’est quelque chose de très courageux à faire. Je ne pense pas avoir entendu un autre album avec un moment de silence aussi long avant que la musique ne revienne. Être le créateur de ça c’est très intéressant, très excitant, on se dit « Wow, je suis courageux » !

Effectivement c’est une stratégie assez risquée de placer ces silences !

Dave Pen : C’est quelque chose qu’on ne contrôle pas forcément, je me rappelle quand on a décidé d’installer cette pause qu’on se disait « C’est trop long, c’est trop long » ! Mais on y a beaucoup réfléchi, on s’est fait confiance sur cet album, tout vient de la joie qu’on a à travailler ensemble. Des gens rêvent de laisser des silences comme ça ! Ça implique d’avoir suffisamment de patience pour s’immerger dans l’album, c’est très cool.

Archive en Showcase au Studio Ferber le 06 Octobre 2016

Nous avons parlé un peu de tous les collaborateurs qui sont arrivés avec Restriction, et je voulais savoir comment vous avez décidé avec qui travailler à ce moment-là, comment les choses se sont arrangées pour constituer cette nouvelle formation ?

Darius Keeler : Gary est un pote, on s’est rencontrés à Paris. C’est un mec que je respecte beaucoup, il est venu à Brighton chez Danny et on s’est tout simplement mis à écrire ensemble, puis il est parti. Il a construit de très beaux moments. Graham est un guitariste incroyable, il tente plein de choses, tous les sons qu’il fait… Jeff est un pote qui est dans un autre groupe –on fera plus de choses avec lui-, il a un son vraiment unique. On est un peu tous dans le même monde, ce n’est pas un choix qui se fait genre « alors on va choisir lui, lui, … »

Dave Pen : On rencontre ces gens, on crée avec eux, on trouve des choses en commun, autrement on ne travaillerait pas avec eux, peu importe combien ce sont des musiciens incroyables ! C’est toujours construit sur une espèce de résonance, de communion avec la personnalité de la personne.

Il y a toujours une sorte de connexion avec les gens avec qui vous travaillez.

Dave Pen : Oui, absolument ! On ne peut pas juste se montrer froid, genre des producteurs qui choisissent des gens pour sortir des morceaux, il doit y avoir comme tu dis une sorte de connexion, d’énergie, et c’est la beauté de la chose. C’est beau quand on a une connexion comme ça, que ce soit avec Holly et Maria, c’est merveilleux qu’il y ait une telle énergie entre nous tous. S’il y avait une énergie négative, rien de bon n’en ressortirait, les gens partiraient.

Il n’y aurait pas d’Archive !

Darius Keeler : On essaie de ne pas être des types négatifs ! *rires*

« C’est notre projet, on ne va pas le lâcher, alors on va continuer à écrire, rester inspirés, sortir de nouvelles choses »

 

J’ai vu que vous veniez jouer à la salle Pleyel en Novembre, et je voulais savoir ce que ça donnerait visuellement, s’il y avait de nouvelles choses que vous voudriez expérimenter sur scène ?

Darius Keeler : Oui, ça va être une expérience totalement différente ! Je ne peux pas trop en parler pour le moment car je ne sais pas trop ce que ça va donner, mais ça va être différent ! Ça va être génial, ça va être spécial, tout du long. On va déjà devoir interpréter quelques titres ce soir. On est nerveux !

Qu’allez-vous jouer ce soir ?

Darius Keeler : The False Foundation et Bright Lights !

Bright Lights est une chanson magnifique.

Darius Keeler : N’est-ce pas ? Ça va être puissant.

Dave Pen : C’est la première fois que nous jouons ces chansons live avec toute la formation.

Un peu nerveux donc ?

Darius Keeler : Oui un peu, mais très excité aussi.

Dave Pen : C’est une bonne chose qu’on ait cet a priori. On veut juste que ce soit terminé ! *rires*

Darius Keeler : Faisons-le merde ! *rires*

Pour conclure : Archive existe depuis maintenant plus de 20 ans, et je voulais savoir comment vous vous sentiez en regardant à tous ce que vous avez accompli, tous ces albums sortis, ce que le futur réserve pour Archive ?

Darius Keeler : Beaucoup, beaucoup de choses. On va continuer d’écrire de nouveaux morceaux, continuer sur notre lancée. C’est notre projet, on ne va pas le lâcher, alors on va continuer à écrire, rester inspirés, sortir de nouvelles choses. On adore faire ça, donc encore beaucoup à venir pour Archive.

Cette volonté de continuer le projet Archive, de continuer d’écrire et d’enregistrer, ça paraîtra un peu bête, mais ça vient tout simplement de l’amour de la musique ?

Darius Keeler : Oui, c’est quelque chose qu’on aime faire, c’est ce que nous sommes.

Dave Pen : Nous ne sommes pas bons à grand-chose d’autre à vrai dire ! *rires*

Darius Keeler : On est un aspirateur, la musique est notre nourriture. Notre âme ! *rires*

http://www.archiveofficial.uk/

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