Rag’n’Bone Man – Human

Après plusieurs EP, Rag’n’Bone Man se dévoile enfin avec son premier long, Human; l’heure pour lui de prouver l’étendue de son talent. Écoute et critique.

Qu’il aura été attendu ce premier album! 5 ans de douce émergence, 2 EP faisant preuve d’une voix et d’un talent incroyables: Rory Graham, aka Rag’n’Bone Man, a su faire monter la pression pour finalement amener la sortie de ce Human en début 2017. Là où le talent transpirait dans les EP passés, le chanteur parviendra-t-il à sortir victorieux de l’épreuve de l’album?

Human débute en terrain connu; le titre éponyme sorti depuis quelques mois, il ne se montre plus nouveau, mais toujours aussi diablement efficace. Basse et distorsions électroniques en renfort, sir Graham porte le morceau de sa voix si singulière pour exploser dans un refrain superbe et puissant prenant instantanément aux tripes. D’aucuns parleront d’un démarrage sur les chapeaux de roue; qui faiblira malheureusement assez vite.

Car si le successeur numérique Innocent Man se révèle être un titre efficace à l’évolution mélodique plaisante, Human s’apparente très vite à un soufflé retombant. Là où le titre éponyme se voulait un peu déstabilisant avec de réelles prises de risques en terme de production, jouant le jeu de sonorités uniques et conférant une identité au son de Rag’n’Bone Man, le reste de l’album n’est tout simplement pas de cette trempe.

Les compositions un peu rêches et risquées laissent ainsi très vite à leur place à des titres radiophoniques téléphonés, à des morceaux lisses conçus pour des heures de grande écoute. Les productions convenues de Bitter End et Be the Man et les refrains émouvants à l’excès de Skin et Love You Any Less ne peuvent qu’aller en ce sens.

L’album retrouve heureusement son souffle à plusieurs reprises: c’est ainsi que vers le milieu du voyage intervient Grace, qui, s’il ne joue pas la prise de risque, joue avec les stéréotypes de composition de bien belle façon. Piano, guitare, puissantes percussions, la voix de Rory Graham se pose avec puissance, nous filant des frissons tout le long de l’échine, portant le titre de superbe façon.

Le chanteur se risque également à quelques expérimentations bienvenues au fil de ce Human: en témoigne Ego, morceau funky porté par de superbes cuivres et complété d’un couplet hip-hop qui nous montre que Rag’n’Bone Man est capable de bien plus que ce qu’il ne laisse paraître sur ce premier album.

Car les mauvaises habitudes ont la peau dure: sans doute par volonté de garantir un succès commercial à Human, l’album se fend de deux autres titres oubliables, Arrow et As You Are, titres convenus qui retombent dans les écueils évoqués précédemment. Un vrai gâchis quand on repense au génie dévoilé sur certains titres de ce premier effort. Mais le meilleur reste pour la fin.

C’est ainsi que Die Easy vient conclure le premier album de Rag’n’Bone Man. Cette fois, pas de productions convenues, pas de facilités: Rory Graham se met à nu dans un titre de clôture entièrement a capella. Sans artifices, sans fioritures, le chanteur nous rappelle pourquoi on est là: pour sa voix, d’une puissance et d’une singularité folles. Une arme de destruction massive à elle seule, elle trouve ainsi le moyen de nous captiver quel que soit les arrangement dont elle s’entoure; et dans ce Die Easy de conclusion, nous ne pouvons qu’être hypnotisés face à cet époustouflant timbre. Singulière performance vocale, l’album se referme comme ceci, sir Graham en solo, pour le meilleur.

Vient donc l’heure du bilan pour Rag’n’Bone Man; qui se révèle malheureusement mitigé. La volonté de rendre Human accessible a adouci la patte de l’artiste, qui transpire par quelques titres avec des productions inattendues et jouissives (on ne parlera jamais assez de ce titre éponyme). Mais Human n’est pas qu’à juger sur le plan de ses compositions: si l’on est là, c’est aussi pour cette voix, prenant le meilleur de la soul et du gospel pour le ré-intégrer dans une industrie moderne biberonnée aux hits. Sur ce plan-là, le pari est réussi haut la main: la voix de Rag’n’Bone Man impressionne, captive. Cet élément, le chanteur l’a bien intégré, et conclure Human par ce Die Easy a capella est la vraie bonne idée de l’album, la prise de risque qui nous conquit et nous laisse sur une impression positive malgré de multiples passages à vide.

Human fonctionne donc différemment à plusieurs niveaux: bloquer sur la facilité de certaines compositions serait injustement ignorer le réel talent de Rory Graham. Ainsi, si Rag’n’Bone Man aura peiné à pleinement nous convaincre de ses qualités de compositeur, il nous aura convaincu qu’il est un vocaliste exceptionnel, faisant de son chant une arme dévastatrice, incroyablement juste et toujours modulable. C’est ainsi que l’on perçoit Human après plusieurs écoutes: la naissance d’une voix.

 

Tracklist

Human

Innocent Man

Skin

Better End

Be the Man

Love You Any Less

Odetta

Grace

Ego

Arrow

As You Are

Die Easy

Nos morceaux préférés: Human, Grace, Ego, Die Easy

La note: 6/10

No Comments

Post A Comment